Promouvoir son entreprise sans en avoir l’air, à travers des photos esthétiques qui se démarquent de la paperasse publicitaire qui nous envahit ? C’est le pari qu’a fait l’entreprise Oatbox, fabriquante de granolas pour le petit-déjeuner, en embauchant l’instagrameuse Sarah Babineau.
Comme Oatbox, de plus en plus d’entreprises développent leur présence sur Instagram pour rejoindre la vaste clientèle qui y est connectée. L’application compte 400 millions d’utilisateurs à travers le monde et s’avère être le réseau social favori des 12-24 ans aux Etats-Unis .
Pour qui, pourquoi ?
Être sur Instagram, c’est se démarquer de la publicité traditionnelle où le contenu s’articule autour d’un produit, aussi peu esthétique soit-il, pourvu qu’il soit visible. La philosophie y est de montrer à ses abonnés des clichés esthétiques et inspirants qu’ils consultent pour le plaisir. Dans cette vitrine où une photo vaut mille mots, ce sont les utilisateurs qui cherchent le contenu et s’y abonnent, d’où l’intérêt qu’il soit attractif.
Sur le compte d’Oatbox, les deux tiers des photos ne montrent même pas du granola mais des tables bien dressées, des cafés tendance ou des paysages épurés. « Souvent les gens qui nous suivent sont surpris d’apprendre que derrière nos photos, il y a une entreprise qui vend un produit ! explique Sarah Babineau. C’est exactement notre objectif, on ne veut pas les envahir de publicité ni marteler notre logo à tout prix. S’ils veulent aller plus loin, ils iront sur notre site web. »
Instagram ne s’adresse donc pas seulement aux agences de voyages, magasins de décorations et fabriquants de cupcakes. Chaque entreprise peut y trouver un intérêt pourvu que son contenu soit adapté à la clientèle visée. Un cabinet comptable, par exemple, misera sur des photos de cafés ou de voitures, alors qu’une entreprise de tri sélectif promouvra son action par des clichés d’environnements préservés et de ruelles fleuries.
« En fait, c’est carrément un métier ! »
L’ouverture d’un compte Instagram s’accompagne souvent d’une prise de conscience : gérer ses réseaux sociaux nécessite du temps (beaucoup) et une certaine fibre artistique. « Ben oui, c’est carrément métier ! » confirme Sarah, 24 ans et déjà 25000 abonnés à son actif (voir photo ci-dessous). Après avoir étudié le graphisme, l’art contemporain et la communication socionumérique, elle a appris en autodidacte à poser les bons filtres sur ses photos Instagram, à cibler ses publications et à repérer les tendances et les hashtags du moment.
L’été dernier, son expertise a capté l’attention de Laurent Laferrière, co-fondateur d’Oatbox, qui l’a découverte en surfant sur Instagram. « Son feed était magnifique et elle disait dans sa description être ouverte à un emploi en création de contenu » dit-il. Sarah a donc pris le contrôle du compte Instagram d’Oatbox dans le cadre d’un contrat de 20 heures par semaine. « Nous avons déterminé ses besoins et la valeur de son travail à nos yeux, ce fut très facile de s’entendre sur son salaire. » Bien qu’elle préfère garder ce chiffre secret, Sarah nous confie que ce contrat lui permet de couvrir ses dépenses mensuelles.
Les journées de la jeune créatrice de contenu consistent à prendre des photos de mises en scène Oatbox ou de décors inspirants qu’elle déniche à Montréal, à les perfectionner grâce aux options de retouche de l’application, à s’assurer que l’ensemble des clichés soit harmonieux sur Instagram puis à les publier quotidiennement. Chaque photo publiée est le fruit de plusieurs heures d’ouvrage, généralement choisie parmi une cinquantaine de prises. La qualité de son travail se mesure au nombre de « like » sur ses photos, mais aussi à l’évolution remarquable des ventes d’Oatbox depuis un an.
Des agences de marketing digital comme l’incontournable montréalaise Made In offrent un service de création de contenu encore plus large. Un forfait mensuel de 2000 à 5000 dollars comprend une analyse de la clientèle cible, une définition professionnelle de la stratégie Instagram à adopter, la gestion de communauté (répondre aux commentaires, rallier de nouveaux abonnés) et biensûr, la création de contenu. « Toutes les marques ont leur place sur Instagram du moment qu'elles ont une histoire intéressante à raconter, explique Aurélie Sauthier. D'où l'importance de développer une stratégie de contenu solide en amont. »
Certaines entreprises choisissent finalement de payer leurs créateurs de contenu à la pige. Cette stratégie ne s’avère pas forcément économique -une photo coûtant en moyenne 50 à 150 dollars- si l’on veut publier régulièrement sur Instagram et fidéliser sa communauté. Quelle que soit la stratégie adoptée par les marques, la job de créateur de contenus a de beaux jours devant elle.