Que ce soit à un client, à un patron, à un employé ou à un collègue, nous avons tous des idées à vendre. Comment faire pour qu'elles passent ?
Six mois à peine après son arrivée chez 90 degrés communications, Steve Cristofaro avait déjà son idée sur la façon d'améliorer l'organisation du travail dans cette petite firme spécialisée en contenu Web. "On pouvait faire mieux dans notre gestion de la relation client. Le patron était débordé. Et moi, j'avais envie d'avoir cette responsabilité", raconte-t-il. Le projet de Steve Cristofaro est passé comme une lettre à la poste. Enfin, presque. Il lui a tout de même fallu convaincre son patron autour d'une bière.
Vendre ses idées n'est pas toujours aussi facile. Que ce soit pour bousculer les façons de faire au bureau ou pour amener un client à penser autrement, il faut du doigté pour faire accepter ses idées.
Alors, comment devrait-on s'y prendre ? Pour Louis Fortin, président d'Actualisation, une firme de services-conseils et de formation, le succès de l'opération repose à 50 % sur son élaboration : "Il faut être bien préparé, quitte à repousser le moment de la rencontre si nécessaire. Si on manque d'assurance et d'arguments, notre idée ne passera pas." Selon lui, vous n'aurez pas une seconde chance de faire bonne impression dès la première présentation ! Voici comment vous préparer.
1. Solutionner un problème
En premier lieu, l'idée doit démontrer qu'elle résout un problème ou, du moins, qu'elle améliore une situation. Et surtout, qu'elle sera bénéfique à tout le monde, explique Étienne Denis, le président fondateur de 90 degrés. "L'erreur, c'est de se préoccuper de ses propres besoins et non de ceux de la personne à qui on s'adresse. Il faut que notre interlocuteur y trouve son compte lui aussi." C'est pour cette raison qu'il a accepté de revoir la gestion de la clientèle, tout comme son chargé de projets, Steve Cristofaro, le lui avait suggéré : il y gagnait lui aussi. En même temps, il faut être intellectuellement honnête et présenter aussi les aspects négatifs de son idée. "Il ne faut pas mentir ou en amplifier les bons côtés. Il faut donner l'heure juste et ne pas sous-estimer son interlocuteur. En étant honnête, on le mobilise davantage qu'en le manipulant", croit Louis Fortin.
2. Élaborer son argumentaire
Pour faire sa démonstration, Christine Touchette, analyste dans un organisme de développement économique à Montréal, aime s'appuyer sur des sources objectives, dans la mesure du possible : "Il faut éviter le "je", et dire plutôt "les études disent que", "le milieu de l'industrie s'accorde pour dire que". Il faut prouver qu'il y a consensus autour de notre idée et que tout va dans le sens de son adoption". Ce qui est le plus important, d'après Louise Lachapelle, consultante en communications depuis 20 ans, c'est la présentation des arguments : ils doivent être classés selon leur force. "Il ne faut pas abattre toutes ses cartes d'un coup. On commence par les arguments les plus faibles. On surveille les réactions de son interlocuteur, pour voir si les arguments sont convaincants ou pas." Selon Jasmin Bergeron, professeur de marketing à l'UQAM qui a donné plus de 1 000 conférences sur la vente d'idées, il faut terminer son argumentaire en force. "L'interlocuteur retient surtout ce qui a été dit à la fin", dit-il. Ainsi, si la mise en place de votre idée est coûteuse, il recommande d'en parler tout de suite, comme pour écarter le sujet, et ensuite de se pencher sur ses nombreux avantages.
3. Déterminer les leviers décisionnels
"Il est essentiel de connaître le mode de raisonnement de son interlocuteur, con-seille Jasmin Bergeron. Est-ce un émotif ? Un rationnel ? Un stratège ? Pour vendre mon idée, je dois m'approcher de son mode de raisonnement." Si l'interlocuteur est un analytique, il faut parler de chiffres. Si c'est un émotionnel, on peut lui dire par exemple que l'idée est susceptible de le distinguer de la concurrence. "Bref, j'écoute mon interlocuteur et je tente de connaître ses leviers décisionnels", dit Jean-François Renaud, associé chez Adviso, une firme de stratégie Internet.
4. Tâter le terrain
Pour optimiser la vente de son idée, Christine Touchette étudie le terrain avant de présenter son idée. Ce peut être un collègue ou un supérieur duquel elle est proche et en qui elle a confiance. "Je teste toujours mon idée pour savoir si elle a de l'allure ou pas, souligne l'économiste. La réaction de cette personne face à mon idée m'aide à me préparer pour mieux la vendre." Quant à la publicitaire Alexandra Troubetzkoy, c'est carrément avec son interlocuteur qu'elle tâte le terrain : "Je fais toujours de la prévente, que ce soit à côté de la photocopieuse ou en parlant d'un autre dossier. J'affiche mes couleurs. Cela me permet de rectifier le tir lorsque je présenterai mon idée plus officiellement. J'ai déjà tenté de vendre des idées sans ce préambule. Ça ne marche pas. Quand les gens savent à quoi s'attendre, ils sont beaucoup plus réceptifs : une partie du travail est faite".
5. Déterminer le bon moment
Tâter le terrain offre un avantage indéniable : il permet de voir si le moment est propice ou non. Steve Cristofaro admet qu'une des raisons pour lesquelles son idée a été acceptée, c'est qu'elle est arrivée à point nommé. "L'entreprise avait atteint une taille qui permettait de faire ce changement de structure. Le timing était bon." "Déterminer le bon moment est une habileté politique à développer, soutient Louise Lachapelle. Parfois, l'organisation n'est pas aussi avancée que nous et notre idée peut paraître trop audacieuse pour les valeurs de l'entreprise. Ou alors, on n'a pas le budget cette année-là." Ainsi, l'idée a beau être bonne, si le moment est mal choisi, elle a peu de chances de passer.
6. Accepter les réticences
Si votre idée réussit l'épreuve du timing, vous n'êtes pas au bout de vos peines. Une idée nouvelle doit faire son chemin dans l'esprit de votre interlocuteur. Même si, pour vous, elle est incontournable, cette idée peut être pour lui une proposition inhabituelle ou bizarre qu'il doit apprivoiser. Ainsi faut-il s'attendre à des objections et savoir les gérer avec diplomatie, selon Alexandra Troubetzkoy. En tant que directrice de comptes dans une petite firme de publicité, elle se fait fréquemment vendre des idées par son équipe de créateurs de concepts. "Un employé est venu me voir avec un concept. J'avais du mal à comprendre son idée, alors je lui ai posé beaucoup de questions. Mais il me répondait comme si j'étais une imbécile ! Lorsqu'on veut vendre une idée, il faut une bonne dose d'humilité pour recevoir les questions et les commentaires."
7. Gérer la suite des choses
Vendre une idée ne s'arrête pas au moment où vous quittez votre interlocuteur. Vous aurez sûrement des préparatifs et un suivi à faire. Même chose si vous obtenez une fin de non-recevoir, insiste Louise Lachapelle : "Il faut être capable d'essuyer un refus, de prendre en compte les contre-arguments pour bonifier l'idée. On peut se faire dire non parce qu'elle mérite des améliorations. Il faut être prêt à revoir sa présentation. Et là, on prouve qu'on croit toujours à son idée et qu'on a du courage."