SANTÉ DES EMPLOYÉS. La pandémie a forcé les employeurs à se préoccuper de la santé — physique et mentale — de leur personnel comme rarement auparavant. En pleine tourmente, plusieurs ont instauré de nouvelles mesures de prévention ou ont modifié leurs façons de faire.
Comme dans de nombreuses organisations, les employés administratifs de Broccolini ont été propulsés en télétravail au printemps dernier. Une situation inédite, qui a complètement changé l’approche en matière de santé de cette entreprise spécialisée dans le domaine la construction. Finis les cours de sport dans les locaux de l’entreprise, les repas végétariens à la cafétéria ou les discussions informelles pour connaître l’état d’esprit de tout un chacun. Les activités d’équipe, allant du yoga au cardio, en passant par la méditation ou les discussions entre pairs, sont maintenant offertes en ligne.
Un virage qui allait de soi, estime Valerie Kim, directrice du Talent et de la Culture de l’entreprise. «Cela fait partie de la philosophie de l’entreprise et de ses dirigeants, puisque nous savons que nos employés constituent notre principale richesse», indique-t-elle. Ainsi, Broccolini a multiplié les initiatives, en remboursant une partie des frais liés à l’achat d’équipement sportif, comme un vélo, ou en permettant aux travailleurs d’apporter leur mobilier de bureau à la maison.
L’organisation a également proposé un nouveau défi à ses employés pour les motiver à mettre le nez dehors. Regroupés en équipes, ils recevaient des points pour chaque kilomètre parcouru à pied, à la course, en vélo ou même en patins à roulettes — calculé grâce à une application sur leur téléphone. Une façon de les encourager à bouger tout en renforçant les liens entre collègues. Le défi a si bien fonctionné qu’une deuxième édition sera lancée cet hiver, précise Valerie Kim.
En mode prévention
En matière de santé mentale, en plus d’offrir un programme d’aide aux employés (PAE), Broccolini propose différentes formations et activités de sensibilisation, en plus de sonder régulièrement l’état des troupes. «Nous prônons aussi le droit à la déconnexion, en encourageant nos employés à s’accorder des pauses, à ne pas dîner devant leur ordinateur ou à ne pas travailler la fin de semaine», renchérit sa directrice du Talent et de la Culture.
Beaucoup d’employeurs se sont montrés sensibles aux réalités vécues par leurs troupes pendant la crise, constate pour sa part Manon Poirier, directrice générale de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés (CRHA). Si la pandémie a mis au jour des enjeux de sécurité physique évidents, elle a également fait éclater le tabou de la santé mentale, mentionne-t-elle. «Cela a fait ressortir plusieurs questions, comme l’isolement ou la lourdeur de combiner ses responsabilités personnelles et professionnelles.»
D’ailleurs, selon un sondage mené par l’Ordre en mai dernier, 55% des répondants avaient alors mis en place des actions supplémentaires dans leurs entreprises pour prévenir et gérer les questions liées à la santé mentale. Manon Poirier note qu’ils sont nombreux à avoir misé sur la prévention, en informant leurs équipes sur ces questions au moyen de formations ou de cafés-rencontres. D’autres ont instauré un PAE ou en ont fait la promotion.
Des organisations ont également élargi leurs interventions au-delà des questions professionnelles, en proposant des services de coaching parental ou des groupes de soutien entre parents, ajoute-t-elle. «Comme la santé financière est un important facteur de stress, certains employeurs ont aussi offert l’accès à des experts financiers pour ceux dont le conjoint avait perdu son emploi, par exemple.»
D’autres encore ont revu leurs pratiques de gestion, élément-clé pour maintenir l’état des troupes. Un enjeu d’autant plus important que le télétravail a été imposé. «Déjà, les entreprises les plus proactives ont revu la charge de travail de leurs employés, multiplié les rencontres virtuelles, tout en misant sur la reconnaissance et l’autonomie», mentionne Manon Poirier.
Toutefois, le simple fait d’ajouter des mesures n’est pas assez en matière de prévention, estime le Dr Mario Messier, directeur scientifique du Groupe entreprises en santé. Il s’agit, selon lui, d’un raccourci fréquent. «Les employeurs instaurent un cours de sport et ne comprennent pas pourquoi personne ne s’y inscrit», illustre-t-il.
Même si cette mesure n’est pas un mauvais moyen en soi, assure Mario Messier, un bon programme de santé en entreprise doit en effet couvrir différents aspects du quotidien; pas seulement les habitudes de vie, mais aussi la conciliation travail-vie personnelle, les pratiques de gestion et l’environnement physique.
Surtout, il faut s’assurer d’avoir l’engagement de la direction… et des employés eux-mêmes. «C’est important d’adopter une démarche participative pour s’assurer qu’on cible les bons moyens et qu’on puisse s’améliorer, en continu», poursuit le spécialiste.