RÉTENTION DE MAIN-D'OEUVRE. Face à la pénurie de main-d’œuvre, des entreprises de l’industrie forestière misent sur le recrutement à l’international. Mais, une fois les employés arrivés au Québec, comment les y retenir?
Recrutement à l’échelle locale, appel du pied aux quatre coins du Québec, automatisation de ses usines de sciage et de fabrication de bois d’ingénierie… Chantiers Chibougamau a épuisé toutes ses options avant de se tourner vers l’étranger — majoritairement vers les Philippines — pour combler ses besoins en main-d’œuvre. Mais, encore là, un problème demeurait pour le principal employeur de la communauté de 7500 habitants du Nord-du-Québec : comment loger ces nouveaux employés dans une région où le taux d’inoccupation des logements, bien au-dessous du seuil d’équilibre de 3 %, frôle 0 %?
Face à ce cul-de-sac, l’entreprise familiale fondée en 1961 a entrepris de construire un quartier complet à ses propres frais. En tout, plus de 30 maisons modulaires sortiront de terre derrière la rue Saint-Luc d’ici les prochains mois — les travaux ayant débuté l’été dernier. « L’arrivée soudaine d’une centaine de travailleurs d’ici la prochaine année aurait déstabilisé le marché immobilier local, raconte Frédéric Verreault, directeur exécutif au développement corporatif pour Chantiers Chibougamau. Ce sont les autres entreprises de la ville qui en auraient fait les frais. »
Les Chibougamois soutiennent majoritairement l’entreprise. Le projet a été favorablement accueilli par la Ville de Chibougamau lors de sa présentation au conseil municipal, en juin 2021. « Hormis quelques cas de “pas dans ma cour”, la réponse au niveau local est assez bonne. On nous remercie de ne pas déshabiller Paul pour habiller Jean », affirme Frédéric Verreault. Depuis, la Ville a multiplié les démarches — changement de zonage, modification de son plan d’urbanisme, consultations publiques — afin de le faire cheminer.
La grande séduction ne s’arrête toutefois pas là. Chantiers Chibougamau mise en outre sur des offres salariales concurrentielles ainsi qu’un programme intensif de francisation pour retenir les nouveaux arrivants… et leur famille. « Nous faisons aussi le calcul que femmes et enfants s’intégreront au tissu social de Chibougamau où, comme partout ailleurs au Québec, la pénurie de main-d’œuvre frappe fort », explique Frédéric Verreault. Le directeur n’hésite d’ailleurs pas à parler d’un véritable « boom démographique » pour décrire cette vague migratoire.
Culture d’entreprise forte
À quelques centaines de kilomètres au sud, on mise aussi sur le recrutement à l’international pour bonifier la main-d’œuvre dans l’industrie forestière. D’ici la fin de 2022, la papetière Produits forestiers Résolu aura accueilli des dizaines de nouveaux travailleurs étrangers dans ses installations du Lac-Saint-Jean. Certains viennent de Côte-d’Ivoire, du Maroc, ou encore des Philippines. D’autres du Cégep de Saint-Félicien, qui forme depuis 2018 des techniciens français spécialisés en électricité et instrumentation en collaboration avec le chef de file mondial des produits forestiers.
L’attestation d’études collégiales en Instrumentation, automatisation et robotique permet à de jeunes étudiants originaires de la France de suivre une formation rémunérée de 1755 heures étalée sur 14 mois et dont les deux tiers se déroulent en milieu de travail. Parmi les finissants des quatre premières cohortes — la cinquième commence en octobre —, « plusieurs poursuivent leur carrière chez nous », indique Janic Gaudreault, directeur de l’acquisition de talents pour le Québec chez Produits forestiers Résolu.
La multinationale estime que sa culture d’entreprise suffit à retenir ces employés potentiels dans ses usines. « Nous offrons des emplois pour grandir dans l’organisation, par l’entremise à la fois de transferts interprovinciaux et internationaux. Nous sommes aussi très concurrentiels en ce qui a trait aux salaires, qui sont les meilleurs parmi l’industrie, aux avantages sociaux et aux mesures de conciliation entre le travail et la vie personnelle », énumère-t-il. « Les jeunes générations sont sensibles à notre vision de développement durable de la ressource, laquelle est appuyée sur des normes d’aménagement forestier reconnues mondialement. »