RÉMUNÉRATION GLOBALE. En matière de santé, 33 % des femmes considèrent que leur régime collectif est insuffisant pour répondre à leurs besoins, alors que c’est le cas pour seulement 17 % des hommes. L’écart en santé entre les genres est indéniable. Or, les employeurs ont un rôle à jouer pour minimiser cette inégalité, à commencer par briser les tabous au travail.
Une femme canadienne sur dix « quittera le marché du travail en raison de symptômes liés à la ménopause », peut-on lire dans un document intitulé « Travailler ensemble pour la santé des femmes », publié par Sun Life en 2023. Dans les cas d’invalidité, plus de 40 % des demandes de règlements faites par des femmes sont liées à un problème en santé mentale. Ce chiffre est de dix points de pourcentage de moins pour celles faites par des hommes. De plus, 90 % des femmes interrogées ont dit avoir vécu du stress ou de l’anxiété au travail à propos de leurs menstruations. Chez les femmes ayant accouché, 23 % auraient indiqué avoir subi une dépression post-partum.
L’information c’est la santé
Pour Marie-Chantal Côté, vice-présidente principale, garanties collectives à Sun Life, la première étape pour être plus inclusif en santé est de faire preuve d’ouverture. « On encourage les organisations à avoir des discussions sur la santé des femmes, de l’incarner au quotidien. De ne pas avoir peur des mots “ménopause” ou “menstruations” », dit celle qui signe l’avant-propos de « Travailler ensemble pour la santé des femmes ». La VP encourage également à aller chercher des garanties collectives. « Mais de lever certains tabous est la première étape qui va permettre de passer plus facilement aux suivantes », dit-elle.
Elle croit que les discussions ouvertes et sans gêne permettront aux personnes vivant avec des défis de santé de se sentir moins seules et de mieux comprendre ce qui leur arrive. « Par exemple, on sait que la ménopause vient avec des chaleurs, dit-elle. Mais la préménopause, on la connaît très peu. On ne sait pas que ça peut commencer aussi tôt que dans la trentaine parfois, qu’il peut y avoir des pertes de mémoire, etc. Une information accessible permet de réduire les craintes et l’isolement. »
Pour elle, les mots d’or sont : conversations ouvertes, politiques et bonnes pratiques, communication et flexibilité. « Par exemple, à Sun Life, on a fait des webinaires, des conférences. Le président en parle ouvertement lors de réunions d’équipe. Puis, on offre la possibilité d’un horaire flexible, l’accès au télétravail, la couverture de la thérapie hormonale, la télémédecine. »
Mettre les outils en valeur
Julie Cousineau, est CRHA, FICA, spécialiste en santé organisationnelle et associée chez Normandin Beaudry. Elle dit qu’il peut même lui arriver à elle aussi de s’y perdre dans la panoplie des produits d’assurance et d’avantages sociaux en santé. Il est donc fort possible que les employés peinent à se retrouver dans ce qui leur est offert. « Parfois les gens vont dire : “mon employeur ne fait rien pour moi”, dit-elle. Mais si l’employeur ne m’a pas expliqué mon régime, c’est normal que je ne comprenne pas tout. Et, à ce moment-là, ça devient des ressources perdues.»
Il est donc important que les ressources humaines adoptent une stratégie de communication efficace, croit la CRHA. « On peut, par exemple, lancer un bulletin d’information mensuel, dans lequel on vient vulgariser les avantages en santé, notamment en santé des femmes », dit-elle.
La télémédecine, les ressources liées au sommeil comme Haleo, les comptes santé et bien-être peuvent offrir de belles solutions, notamment en matière de santé mentale, à condition de les combiner à des pratiques de gestion bienveillantes, ajoute Julie Cousineau. « Constater qu’une employée est moins performante qu’à l’habitude, ça ne suffit pas, dit-elle. Il faut aller creuser pourquoi. Vit-elle une situation délicate qui nécessite des accommodements ? Mettre en place un contexte favorable à son maintien au travail fera sentir à la personne qu’elle est appréciée et importante pour l’employeur. »
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Un sujet qui gagne du terrain
Malgré une invisibilisation toujours présente, la santé des femmes au travail gagne en importance dans l’espace public. Au Royaume-Uni, un mouvement veut rendre les lieux de travail plus adaptés à vivre sa ménopause : l’entreprise Henpicked décerne une certification, en plus de donner des formations à propos des différents symptômes de cette étape de la vie. En 2022, une commission parlementaire britannique se penchait même sur un projet de loi visant à protéger les personnes en ménopause de la discrimination au travail, sans succès. Aux États-Unis, le renversement il y a deux ans par la Cour suprême de l’arrêt Roe c. Wade, légalisant l’avortement, a laissé une trace sur les entreprises. La plateforme en ligne Maven, qui met en relation patients et prestataires de soins médicaux en planification familiale et en santé des femmes, a vu une augmentation de 67 % des demandes d’entreprises désireuses de rendre accessibles ces soins à leurs employées.