RECRUTEMENT. « Que veulent les candidats ? » C’est la question à 1 million de dollars à laquelle tentent actuellement de répondre les employeurs à court de personnel. Le contact humain, tout simplement, avance Marilou Cyr, directrice de l’organisme sans but lucratif (OSBL) Zone Agtech. « Je crois qu’il faut parler aux candidats de vive voix, le plus rapidement possible », lance-t-elle d’emblée.
Le pôle d’innovation agricole, basé dans Lanaudière, a comme politique de contacter les candidats « qui semblent se qualifier » dans un délai de 48 heures. Le premier appel est effectué par un représentant des ressources humaines, « pour la préqualification ». Le second provient d’un membre de la direction. « On oublie les questions traditionnelles, assure Marilou Cyr. On passe tout de suite à l’expérience, à l’expertise et aux aspirations du candidat, ainsi qu’à la raison d’être de notre organisme. On a la chance d’avoir une mission qui donne un sens au travail des gens et on reçoit beaucoup de recommandations pour cette raison. » De plus, les huit candidats embauchés depuis la création de l’OSBL, il y a deux ans, sont toujours en poste.
Pour avoir l’occasion d’établir un contact humain, les employeurs doivent jouer de vitesse. Actuellement, les chercheurs d’emploi s’attendent à un processus d’application simple et rapide. Un clic, un courriel, un coup de téléphone. « On est dans une ère de satisfaction instantanée », rappelle Caroline Boyce, directrice du recrutement et de la sélection de personnel à Loto-Québec et chargée de cours à HEC Montréal.
«Un processus d’application en ligne qui demande de naviguer sur plusieurs pages, de remplir un formulaire en plus de joindre un CV, ça ne passe plus, poursuit-elle. Les entreprises qui ont investi dans des applications en un clic ou sans CV auront un taux de conversion des chercheurs d’emploi en candidat plus élevé. »
Rigueur, rigueur, rigueur
Les entreprises recruteuses doivent ainsi faire preuve de souplesse et d’agilité. « Mais pas au prix de saborder les tests et les entrevues, prévient Caroline Boyce. La pénurie actuelle en est aussi une de talents. Si on ne se donne pas les moyens d’évaluer les compétences essentielles pour un poste, on se condamne à recommencer le processus. »
D’ailleurs, pour plusieurs candidats, l’entrevue constitue le moment fort du processus de sélection ; elle n’est donc pas à négliger. Les recruteurs ont le choix entre trois types : l’entrevue structurée (« qui a l’avantage de valider des compétences, mais qui a aussi un ton d’interrogatoire », explique la spécialiste), la conversation (« plus agréable pour le candidat, mais qui rend la comparaison entre les candidats plus difficile pour le recruteur ») et l’entrevue semi-structurée. À mi-chemin entre les deux premières approches, « cette dernière option est un bon compromis, croit Caroline Boyce. On prépare une banque de questions que l’on utilise librement au fil de la conversation ».
À la suite de l’entrevue, trop de candidats « non retenus » demeurent sans nouvelles ou doivent se contenter d’une réponse laconique par courriel. Une situation qui peut laisser des séquelles psychologiques. Lors d’un sondage mené en septembre auprès de 2 000 chercheurs d’emploi du Royaume-Uni par la plateforme de recrutement Tribepad, 65 % ont affirmé avoir été laissés dans le noir pendant le processus de recrutement ; de ce nombre, 86 % disent avoir ressenti un coup de « blues » ou des symptômes de dépression pour cette raison.
« Soyons conséquents avec l’effort que l’on demande aux candidats, demande la directrice. Si la personne a appliqué en ligne, on lui doit au moins un accusé de réception. Si la personne a fait une entrevue téléphonique, je suggère un bref appel ou un courriel personnalisé. Et si la personne s’est déplacée ou a fait un examen, je suggère fortement de prendre le téléphone pour lui annoncer la nouvelle, en lui expliquant les raisons pour lesquelles elle n’a pas été retenue. »
Poser la question directement aux candidats
Une bonne manière de savoir ce que pensent les candidats d’un processus de recrutement est de le leur demander directement. La pratique est somme toute courante : en Amérique du Nord, plus de 8 entreprises sur 10 (83 %) affirment demander une rétroaction du candidat à un moment où l’autre du processus de recrutement, selon le rapport 2020 de l’organisme américain Talent Board. Plus d’une sur trois (34 %) consulte aussi les candidats après l’embauche.
C’est une des stratégies déployées par Dominick Béland, administrateur de trois pharmacies Jean Coutu dans l’arrondissement de Jonquière, à Saguenay. Après chaque ronde d’embauche, lui et son équipe tiennent une rencontre de groupe d’une heure avec les nouveaux employés afin de recueillir leurs commentaires sur leur expérience. Plusieurs éléments intéressants sont ressortis de ces rencontres, assure l’administrateur. « De nouveaux employés nous ont dit : “Vous ne vous vendez pas ! Faites-le !” rapporte Dominick Béland. Nous offrons des conditions d’horaire vraiment très intéressantes, mais nous ne le mentionnions pas en entrevue.» C’est maintenant chose du passé.
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Quatre gestes qui font augmenter le pourcentage de candidats qui rapportent une expérience de recrutement positive :
— Donner de la rétroaction sur l’adéquation entre le profil du candidat et le poste à pourvoir +15 %
— Donner de la rétroaction sur un test terminé +20 %
— Informer le candidat des prochaines étapes après l’entrevue et respecter l’échéancier fixé +50 %
— Donner l’occasion aux candidats embauchés de définir leurs objectifs, de rencontrer de futurs collègues et de répondre à leurs questions avant le jour de leur entrée en poste +83 %