RECRUTEMENT. Quand le Québec a été mis sur pause, au printemps, SSQ Assurance et La Capitale étaient en pleine préparation de leur saison estivale. «Nous étions en train de recruter les cohortes d'étudiants qui remplacent les employés pendant leurs vacances, se souvient Martin Robert, vice-président exécutif et leader au Département Talent, culture et communication à La Capitale/SSQ Assurance. Alors oui, nous avons dû recruter à distance, et des centaines de personnes.»
Un défi pour les deux entreprises qui ont officiellement uni leurs forces en juillet dernier. Avec près de 5000 employés, il s'agit maintenant de la plus grande mutuelle d'assurance du Canada. Encore aujourd'hui, 97 % d'entre eux sont en télétravail, et ce, au moins jusqu'à la fin de l'année.
Au printemps, l'organisation a équipé en priorité son équipe de ressources humaines de matériel informatique et de solutions logicielles pour leur permettre d'entrer en contact avec les candidats, explique Martin Robert.
Ensuite, tout le processus a dû être virtualisé pour s'adapter au contexte pandémique, dont les présentations de l'entreprise dans les cégeps. «Le transfert s'est bien déroulé, et on prévoit même continuer d'utiliser certains outils numériques, comme les tests psychométriques ou de langue. Nous prévoyons aussi faire plus d'entrevues à distance.»
Accueillir son monde
Le processus d'accueil sera aussi revu, ajoute-t-il. «?On a réalisé qu'on fait souvent venir les gens pour des papiers qui sont ensuite numérisés et classés dans nos systèmes.» De nouveaux outils permettront maintenant d'éviter de multiplier ces allers-retours.
Autre défi de taille : intégrer à distance les nouveaux travailleurs. «Que met-on de l'avant pour transmettre la culture de l'entreprise, alors que ces employés ne sont pas sur place? Comment favoriser le sentiment d'appartenance au groupe et la cohésion d'équipe?» souligne Jérémy Muller, vice-président de Totem recruteur de talents.
À La Capitale/SSQ Assurance, tout a été mis en oeuvre pour limiter les effets de cet isolement, comme un tour virtuel de ses bureaux, des formations en ligne et même des capsules pour installer son bureau de façon ergonomique, énumère Martin Robert. «Nous avons aussi tenté de créer une relation entre le nouvel employé, son gestionnaire et son équipe en implantant un système de parrainage virtuel. Une façon de rendre le tout plus concret et plus humain.»
Pas étonnant qu'autonomie et débrouillardise figurent parmi les compétences les plus recherchées chez les recrues à distance, constate Luc Hanna, CRHA, directeur adjoint et spécialiste en gestion des talents chez Willis Towers Watson. «La personne doit non seulement être efficace le jour un, mais elle devient en quelque sorte responsable de son intégration.»
Ceux qui démontrent une certaine capacité d'adaptation ont une longueur d'avance, remarque aussi le recruteur. «Les entreprises s'intéressent aux candidats ayant différents parcours, non seulement au bureau, mais aussi sur la route ou à la maison.»
Du côté de La Capitale/ SSQ Assurance, la situation n'a pas modifié le profil des travailleurs recherchés. «Comme personne n'était préparé à envoyer des milliers de personnes en télétravail, nous avons donc dû ajouter un critère d'embauche, souligne Martin Robert, soit le fait d'avoir l'équipement informatique compatible avec nos systèmes. »
Les entreprises se montrent également plus prudentes lors du recrutement à distance, surtout pour des postes de cadres, selon Luc Hanna. Ainsi, de plus en plus de sociétés invitent les candidats à s'entretenir informellement avec leurs futurs collègues afin «de vérifier si ça clique ou non». Le recours à des tests psychométriques ou à des simulations virtuelles augmente aussi.
Ratisser plus large
Le télétravail permet aussi d'élargir son bassin de candidats. Certains des clients de Luc Hanna, en périphérie de Montréal, embauchent maintenant des informaticiens vivant dans des quartiers centraux, sans voiture. «?On a même vu des cabinets d'assurance de dommages de Québec recruter des employés à distance jusqu'à Montréal», mentionne Jérémy Muller.
Le travail à distance pourrait aussi ouvrir la porte aux candidats provenant de l'international. Mais attention, avertit Luc Hanna, il faut d'abord s'assurer que le fuseau horaire le permet et que le poste n'est pas trop stratégique. Pour le moment, les entreprises vont plutôt se tourner vers l'étranger pour de courts mandats très précis, souvent en informatique, note-t-il. «Il faut penser à l'après-COVID avant de prendre ce genre de décision. Est-ce que tout le monde reviendra au bureau à temps plein ou seulement quelques jours par semaine ?»
Du côté de La Capitale/ SSQ Assurance, la question demeure entière. « Il est difficile actuellement de déterminer quel sera notre nouvel équilibre, estime le vice-président, car le télétravail apporte ses avantages et ses inconvénients.