RECRUTEMENT. Trouver un emploi sans avoir besoin ni de postuler ni d'envoyer un CV. C'est la promesse d'AppyHere, une nouvelle application mobile montréalaise lancée en début d'année. «Nous proposons un nouveau paradigme en matière de recrutement et de recherche d'emploi», indique Serge Massicotte, l'un de ses fondateurs.
Le principe ? Tout d'abord, le candidat crée son profil en indiquant ses expériences, ses qualifications, mais aussi ses disponibilités. Ce profil sera ensuite visible et proposé en temps réel à des employeurs, également inscrits sur l'application, en fonction de leurs besoins. Le tout grâce à un algorithme breveté qui utilise l'intelligence artificielle.
Si l'un des recruteurs est intéressé par un candidat, il peut lui envoyer une requête d'intérêt. Si elle est acceptée, l'employeur accède aux coordonnées du candidat, en achetant un jeton pour quelques dollars. Autrement dit, le recruteur ne paie ni pour afficher des postes ni pour attirer des candidats, mais seulement pour pouvoir discuter avec une personne intéressée par un mandat.
Une solution précise
«Quand un candidat est actif sur la plateforme, c'est une affaire de quelques jours avant qu'il trouve un emploi», assure M. Massicotte. Précision importante : l'application s'adresse avant tout à des postes de cols bleus payés à l'heure. Un marché précis qui n'était pas desservi de manière adéquate jusqu'à présent, selon cet ancien vice-président de Taleo, un fournisseur de solutions de recrutement en ligne fondé à Québec et acheté par Oracle en avril 2012 pour 1,9 milliard de dollars. Il a également travaillé pour l'entreprise américaine de logistique JDA Software.
«Je me suis aperçu, durant ces expériences, que les entreprises avaient des difficultés à recruter pour ces postes à taux de roulement très élevé. Elles essayaient en fait d'aborder ce marché des cols bleus avec des solutions destinées aux cols blancs», se rappelle-t-il.
Le processus de recrutement pour de la main-d'oeuvre ouvrière est en effet souvent moins long que celui des cadres, où des références, plusieurs vérifications de qualifications ou des entrevues multiples sont nécessaires. «Choisir et contacter ces candidats demande beaucoup d'effort aux recruteurs, sans oublier les cas de non-présentation en entrevue», insiste-t-il en ajoutant que son application rappelle automatiquement aux candidats ses rendez-vous.
Développement à Montréal et à San Francisco
Pour développer sa start-up, l'entrepreneur basé à San Francisco et diplômé de l'Université Laval s'est associé à John Sarvari - qui vit à Atlanta -, aux spécialistes montréalais des ressources humaines et de l'acquisition de talents Martin Mathe et Patrick Mclean ainsi qu'à quatre autres partenaires californiens. Cette équipe internationale vise un développement à San Francisco, puis à Toronto et Los Angeles, après s'être implantée au Québec.
Selon M. Massicotte, AppyHere compte, depuis son lancement, en janvier, 15 000 candidats inscrits ainsi qu'une quarantaine d'entreprises utilisatrices, et ce, avec un marketing limité. S'il refuse de nommer ces entreprises, un communiqué évoquait, en avril dernier, le Réseau Sélection, CAA Québec et Lowe's.
La jeune pousse montréalaise se concentre pour l'heure sur les secteurs du commerce de détail, du transport, de l'hôtellerie, de la restauration, de la fabrication et des centres d'appels.
«Nous cherchons des partenaires qui veulent changer leur façon de faire. S'ils veulent continuer à recevoir et à éplucher des CV de manière passive, AppyHere n'est pas la solution pour eux», sourit M. Massicotte. Illustration concrète : certains clients demandaient à avoir accès à une version web d'AppyHere. «On a beaucoup réfléchi, mais on s'est finalement dit qu'on ne le ferait pas. Penser Web, c'est garder le réflexe de filtrer des CV sur son écran. En fin de compte, la question disparaissait au bout de quelques semaines après avoir essayé la version mobile.»
Généralement, les entreprises ne dédient qu'une partie de leur équipe de recrutement à AppyHere afin de tester l'application. Verdict ? «On se rend compte qu'elles obtiennent les mêmes résultats, mais avec moitié moins de monde et en deux fois moins de temps», déclare le cofondateur.
«À l'heure où les salariés travaillent pour plusieurs employeurs à la fois et changent d'emploi de plus en plus souvent, le rôle du recruteur va de moins en moins être de regarder des CV, prédit Serge Massicotte. Il sera plutôt de réfléchir à comment attirer et trouver le talent.»