PHILANTHROPIE. Les organismes sans but lucratif (OSBL) qui n’ont pas ou ont peu intégré le numérique dans leurs communications doivent l’inscrire dans leur stratégie. Pour garder une cohérence et agir de manière efficace, ils doivent éviter certains pièges.
« Il y a de multiples moyens de commencer son virage numérique », dit Pascal Lépine, président fondateur de l’entreprise de services-conseils Atypic. L’expert en stratégie des OSBL détricote beaucoup de mythes auprès de ses clients, en commençant par les bonnes raisons de se lancer. « Beaucoup veulent se mettre au numérique pour attirer les jeunes donateurs, alors que nous l’utilisons tous, et encore plus depuis le début de la pandémie », avance-t-il. Des donateurs de tous âges utilisent les plateformes numériques, font des transactions en ligne et s’attendent à une relation personnalisée.
Victoire Caroly, gestionnaire de compte en marketing numérique pour Faircom New York, une société d’experts de la collecte de fonds, confirme que les baby-boomers sont aussi à l’aise en ligne qu’au restaurant, où ils lisent désormais leur menu avec un code QR. « On peut tout à fait les atteindre sur Facebook et sur LinkedIn, où ils sont très actifs », constate celle qui a donné une conférence sur le marketing numérique cet automne à la section québécoise de l’Association des professionnels en philanthropie.
Une stratégie cohérente
Une des confusions les plus fréquemment observées par Pascal Lépine dans les OSBL est d’appréhender le numérique comme un volet à part, qui va permettre de collecter des fonds, comme par un coup de baguette magique. « Cela fait partie d’une stratégie de communication marketing globale », précise-t-il. Celle-ci doit partir de questions essentielles comme « qui sommes-nous ? » ou « quels sont nos messages clés ? », selon l’expert. Pour asseoir sa notoriété, l’organisme doit porter un message clair qui a du sens, quel que soit le canal utilisé.
Victoire Caroly croit beaucoup à la multiplication des points de contact sur plusieurs plateformes (numériques et courrier), qui permet de toucher le plus de personnes possible. En gardant une cohérence de fond, on adapte la forme à l’audience et au canal, car on ne s’exprime pas de la même manière par courriel, sur Facebook et sur TikTok par exemple. Cette stratégie de « campagne intégrée » a été mise en place par l’organisme Human Rights Watch à l’occasion du Giving Tuesday 2020 aux États-Unis. En associant des courriels, des publicités sur les médias sociaux et un travail important de promotion sur son site web, l’organisme a augmenté son revenu de 80 % par rapport à la campagne de l’année précédente.
De l’audace pour se démarquer
Trop d’organismes recherchent l’« idée qui va vite rapporter » et veulent faire du « copier-coller » en s’inspirant d’une vidéo virale, d’une cagnotte ou d’un événement virtuel d’un concurrent, déplore Pascal Lépine. Mais sans une communauté numérique solide, la technologie ne fera pas de miracles. « Il faut développer une base de sympathisants qui s’abonnent aux infolettres, suivent l’organisme sur les médias sociaux, font leurs premiers dons, etc. », explique celui qui encourage ses clients à oser se démarquer. D’autant qu’avec le numérique, on peut faire des essais sans investissement lourd. « Sur Facebook, on peut monter une campagne avec des résultats intéressants pour moins de 1000 $ », lance Victoire Caroly.
De l’audace, la Fondation Institut de gériatrie de Montréal n’en a pas manqué lorsqu’elle a remplacé son traditionnel tournoi de golf par le « bingo à Mado », animé par la drag queen Mado Lamotte, en juin 2021. Cet événement inattendu, ouvert et drôle, a permis à l’organisme de maintenir son niveau de dons habituel en récoltant 110 000 $. Une belle performance pour un événement organisé en quelques semaines à la suite des recommandations de la Santé publique.
Un plan de stratégie numérique ne se résume toutefois pas à quelques campagnes ponctuelles. « Le marketing et la communication, ce sont des plans à l’année. Il faut communiquer constamment », explique Pascal Lépine pour qui la recette éprouvée du « storytelling » reste plus pertinente que jamais. Il cite en exemple l’association Leucan, qui offre des séances de massothérapie aux enfants atteints de cancer et à leur famille. Elle diffuse des témoignages sur son site et sur les médias sociaux. « Si on ne raconte pas l’histoire de ce qu’on fait, les gens ne comprennent peut-être pas à quel point c’est essentiel », souligne l’expert en communication.