PÉNURIE DE TALENTS. Amener les employés et leur famille à Walt Disney World ? C’est ce qu’a réalisé l’entreprise Voghel de Mont-Saint-Hilaire, en 2022. Au total, 133 personnes ont pris part à l’aventure. L’équipe de cette PME spécialisée dans la vente et la maintenance d’équipements lourds prévoit maintenant partir en croisière à l’horizon 2026-2027.
Quand il a acheté l’entreprise, en 2019, Dany Michaud a décidé de mobiliser son équipe autour d’un « rêve commun » : celui de s’envoler vers Disney. Plutôt que de fixer un objectif en termes de chiffres, il a plutôt invité les employés à noter leurs bons coups et à les afficher sur un arbre dessiné dans le hall de l’entreprise. Quand l’arbre a été rempli, l’équipe et leur famille ont bouclé leurs valises. Ce voyage, qui a coûté près de 500 000 $, a permis de motiver l’équipe, note le propriétaire.
S’il frappe l’imaginaire, ce genre de projet n’est pas à lui seul assez pour souder une équipe, nuance toutefois le PDG. « Si tu donnes 24 roses à ta femme et que tu ne lui en as jamais apportées, elle ne va pas te dire merci, mais te demander pourquoi, illustre-t-il. C’est la même chose pour les employés. Si, du jour au lendemain, tu arrives avec un voyage à Walt Disney, mais que tu n’as jamais rien offert à tes salariés pour souligner leurs efforts, ils vont se demander où est la pogne. »
D’où l’importance de reconnaître la contribution des travailleurs au quotidien. « Chaque matin, je fais la tournée des employés pour discuter avec eux. Je m’intéresse vraiment à eux. On a donc bâti cette confiance étape par étape. Le voyage, cela vient en quelque sorte confirmer ce qu’on fait. C’est un peu la cerise sur le sunday. » L’employeur offre également des cadeaux pour souligner les anniversaires, les fêtes ou les années de service, en plus de partager ses profits et d’offrir des bonus. « Nous tentons aussi d’être des partenaires de vie pour nos travailleurs, ajoute-t-il. Par exemple, quand la production s’est arrêtée avec la pandémie, nous avons continué de payer nos employés même lorsqu’on ne recevait pas de subventions. J’étais quand même à risque, puisque je venais tout juste d’acheter l’entreprise. »
L’entreprise a même improvisé une garderie dans ses locaux pendant la grève dans les écoles et offre plusieurs services comme la télémédecine, la pose de pneus ou des séances de massothérapie. Congés de maladie illimités s’ajoutent à cette liste, alors que les travailleurs peuvent s’absenter selon leur besoin, sans perte de salaire. « Nous sommes aussi en train de recruter un agent du bonheur qui aura pour mission de s’assurer que l’humain reste au cœur de nos priorités, même en grandissant », précise le propriétaire.
Ces efforts portent fruit, alors que l’équipe est passée d’une vingtaine à une cinquantaine d’employés et le chiffre d’affaires, de 10 à 50 millions de dollars en cinq ans. « C’est certain qu’une partie de nos profits passe dans le bonheur, mais c’est vraiment un investissement », note Dany Michaud. C’est aussi un atout pour attirer et fidéliser les talents. « Certains postes sont plus difficiles à pourvoir à cause de la rareté, mais la pénurie de main-d’œuvre nous affecte peu. Nous recevons un CV par semaine et il n’y a pratiquement personne qui quitte l’entreprise. »
Se montrer bienveillant
La clé pour augmenter le bonheur au travail ? Se montrer bienveillant, pense Dany Michaud. C’est d’ailleurs l’une des qualités les plus recherchées chez un patron, affirme Jenny Ouellette, fondatrice de BonBoss, firme spécialisée en management et développement organisationnel. « Nous avons mené plusieurs sondages auprès des travailleurs pour comprendre quelles étaient les qualités d’un bon patron. Les gens recherchent un supérieur à l’écoute, respectueux, juste. Depuis la pandémie, la bienveillance s’est ajoutée à cette liste, une tendance qui est là pour durer. »
Bâtir sa réputation au fil du temps
Être un bon patron ne s’improvise pas. « Cela se bâtit au fil du temps, en prenant le temps d’écouter ses employés, de leur poser des questions, d’être présent pour vrai », note Dany Michaud. Pour éviter les mesures bonbon qui, à elles seules, ont peu d’impact, une bonne réflexion s’impose, pense Jenny Ouellette. « Cela demande du courage, mais il faut poser un regard sur son organisation pour identifier ses forces et ses faiblesses, ce qui permet ensuite de bâtir un plan. »
Coacher ses gestionnaires
L’équipe de Voghel a opté un mode de gestion libéré appréciée des travailleurs. « Ce n’est pas si simple d’adopter cette approche basée sur la confiance et le respect. Cela demande du courage managérial. Pour les outiller, nos gestionnaires sont donc coachés », explique Dany Michaud. Les organisations ont d’ailleurs tout intérêt à établir un cadre et des politiques internes permettant de dicter la voie à suivre, pense Jenny Ouellette. « Il faut vraiment former, encadrer et réfléchir. »