MOIS DU GÉNIE. Lorsqu’une âme «patenteuse» se lance en affaires, c’est rarement pour ouvrir un dépanneur. Elle est plutôt du genre à repousser les limites scientifiques et techniques afin d’offrir à l’humanité un nouveau produit, système ou service. Sans surprise, les formations en entrepreneuriat qui s’adressent aux ingénieurs sont donc teintées par ce désir d’innovation.
C’est entre autres le cas du cours de premier cycle «Introduction à l’entrepreneurship», de l’École de technologie supérieure (ETS). Un de ses objectifs est que l’élève soit en mesure «de comprendre le rôle de l’entrepreneur technologique»et «d’identifier les composantes stratégiques d’un secteur industriel», lit-on dans le descriptif du cours de trois crédits.
«Cela signifie que le plan d’affaires enseigné a des accents beaucoup plus technologiques que celui présenté dans le cadre d’une formation grand public, explique François Gagnon, directeur général de l’ETS. On apprend à penser le marché en termes d’avantages concurrentiels, de vo-lumes potentiels de ventes, de gestion de propriété intellectuelle…» Il insiste sur l’importance, pour les ingénieurs, de se familiariser avec les questions de normalisation. «Le marché technologique est souvent mondial, précise-t-il. Il faut donc passer par certains intermédiaires clés, comme la Food and Drug Administration américaine pour les produits pharmaceutiques et biologiques, avant de penser à la commercialisation.» Afin de rendre le tout plus concret pour les étudiants, des ingénieurs-entrepreneurs sont régulièrement invités à s’adresser à eux.
Ça tombe bien: depuis 1996, l’ETS est dotée d’un incubateur destiné aux entreprises technologiques en démarrage à fort potentiel de croissance, le Centech. «Notre accélérateur est reconnu comme l’un des plus performants au monde», souligne François Gagnon.
Cursus complet
Polytechnique Montréal propose aussi un cours de base de trois crédits en entrepreneuriat technologique. Environ 180 étudiants l’ont suivi pendant l’année scolaire 2021-2022. Une fois ce passage obligé terminé, ces derniers peuvent, s’ils le désirent, s’inscrire à des formations complémentaires en finance, en marketing, et ainsi de suite.
L’établissement d’enseignement supérieur d’ingénierie offre également le cours «Montage projet d’entreprise technologique», un atelier pratico-pratique de six crédits. «À la fin de la session, l’étudiant peut en théorie démarrer son entreprise le lendemain», commente le responsable du cours et professeur au Département de mathématiques et de génie industriel de Polytechnique Montréal, Fabiano Armellini. L’innovation, la gestion et la commercialisation de la technologie ne sont pas des chasses gardées des ingénieurs. La preuve:en collaboration avec HEC Montréal, Polytechnique Montréal incite les candidats inscrits aux programmes de maîtrise en gestion des affaires (MBA) à acquérir des compétences dans ces domaines dans le cadre d’un microprogramme de deuxième cycle. Les diplômés de MBA sont aussi admis.
«Notre offre de formation continue en entrepreneuriat technologique est pour l’instant assez timide, reconnaît Fabiano Armellini. Nous réfléchissons actuellement à la bonifier afin de combler les besoins d’ingénieurs qui sont déjà sur le marché du travail.» Ces derniers ne sont toutefois pas en reste. Caroline Plante, fondatrice de l’Institut Kara, un centre de formation continue en entrepreneuriat et en gestion d’entreprise s’adressant aux professionnels, a mis sur pied la formation «Démarrer son entreprise dans le domaine du génie-conseil» afin de répondre aux besoins de cette clientèle.
Cette formation à distance insiste sur des notions telles que l’argumentaire éclair (pitch) et la gestion des ressources humaines. «Les ingénieurs aiment typiquement quand l’angle est droit, pas à 91°, constate Caroline Plante. Cette approche cartésienne des choses est parfois incompatible avec certaines fonctions subjectives de l’entreprise», dont la promotion et le marketing.
L’administratrice agréée se fait aussi un point d’honneur d’adapter le contenu de sa formation au code de déontologie des ingénieurs. L’un de ses articles stipule par exemple que «l’ingénieur doit respecter le secret de tout renseignement de nature confidentielle obtenu dans l’exercice de sa profession», ce qui peut avoir une incidence sur la collecte d’informations pour une étude de marché.
«L’idée est de dicter les grandes lignes d’une conduite éthique en contexte d’affaires, spécifie Caroline Plante. Il s’agit d’un rapide survol au cours duquel on lève des drapeaux.» En une journée, il ne faut effectivement pas se faire d’illusions:une revue exhaustive du sujet est impossible.