L'Hôtel de Glace de Québec accueille chaque année des milliers de visiteurs du monde entier (plus de 5600 y ont dormi en 2015, un record). Tout cela, c'est un peu grâce à Guy Turgeon. Cet ingénieur spécialiste du bâtiment et des questions énergétiques, collabore en effet au projet depuis ses tout débuts. «Vers la fin 1990, le promoteur Jacques Desbois a entendu parler de l'existence d'un hôtel fait de glace et de neige en Suède. Il a voulu reproduire la même chose ici. Il a demandé à la firme Dessau (NDLR, aujourd'hui Stantec), pour laquelle je travaillais à l'époque, de réaliser des études de faisabilité.»
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La firme a accepté de procéder aux études, mais a refusé de cautionner le projet, le jugeant trop risqué. «Mes collègues étaient très frileux par rapport à tout ça. Par ailleurs, plusieurs doutaient de la pertinence d'une telle construction. Mais moi, je trouvais l'idée géniale. J'ai donc pris une semaine de vacances à mes frais pour accompagner le promoteur lors d'un voyage de reconnaissance en Suède.»
Lors de ce voyage, l'ingénieur a été frappé par la beauté du célèbre Icehotel suédois de Jukkasjärvi. «De l'extérieur, ça ressemblait à un immense banc de neige. Mais à l'intérieur, on se serait cru dans un palais de cristal», dit-il.
Peu après son retour, Guy Turgeon décide de se lancer à son compte. Grâce à son statut d'indépendant, il a pu continuer à travailler avec les promoteurs de l'Hôtel de glace.
«Même si nous en sommes à la 15e édition cette année, ce projet comporte toujours son lot de défis, notamment en raison des aléas de la météo», affirme-t-il. En effet, si les grands froids des dernières semaines ont été une véritable bénédiction pour l'équipe, cette dernière n'a pas toujours été aussi gâtée. Guy Turgeon se souvient ainsi d'une année où l'on avait connu un important redoux vers la fin de février.
«Les structures se dégradaient à vue d'oeil, mais les promoteurs avaient organisé un gros événement la semaine suivante, et il leur était impossible de l'annuler. Pour prolonger la durée de vie de l'hôtel, nous avons installé une membrane isolante sur la paroi extérieure et placé de la glace sèche sur certains composants. Durant la nuit, nous utilisions également d'immenses ventilateurs pour faire circuler l'air frais à l'intérieur.»
L'ingénieur a aussi dû ajuster le modèle suédois aux réalités québécoises. «Là-bas, les artisans prélèvent la glace à même le lac qui se trouve sur le site de l'hôtel. Pour notre part, nous utilisons de la glace fabriquée en usine. Nous avons en outre décidé d'employer des moules différents des leurs, afin de conférer plus de hauteur à nos plafonds», explique-t-il.
Évidemment, la carrière de Guy Turgeon ne se résume pas à l'Hôtel de glace. Depuis son passage à l'Université Laval - où il a fait un baccalauréat en génie mécanique et une maîtrise en énergie solaire - dans les années 1970, il a en effet participé à l'installation de chauffe-eau solaires au Kenya, contribué à améliorer le bilan environnemental de la résidence du président israélien et formé des analystes en énergie en Uruguay. L'Hôtel de glace demeure toutefois son projet le plus récurrent... et le plus éphémère. «Cela ne me dérange pas du tout de devoir recommencer chaque année. Après tout, rien ne dure éternellement. Ce n'est qu'une question d'échelle de temps», philosophe-t-il.