Entregent, sens de la communication, capacité de travailler en équipe, pour les employeurs, le savoir-être est devenu presque plus important que le savoir-faire.
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Et si on vous disait que pour décrocher un emploi d'ingénieur, il fallait «simplement» être passionné, motivé et savoir le prouver lors d'une entrevue ? Certes, les compétences techniques sont importantes, notamment dans les postes très pointus. Elles contribuent à «rassurer» l'employeur sur la qualité du candidat, souligne Guylaine Dubreuil, responsable des services-conseils en gestion de carrière à Polytechnique Montréal.
C'est toutefois un dénominateur commun à tous les candidats diplômés. Il en faut plus pour sortir du lot. «Depuis 15 ou 20 ans, les employeurs recherchent moins le savoir et le savoir-faire, qui sont des prérequis, que le savoir agir», constate Pierre Rivet, directeur du service des relations avec l'industrie de l'École de technologie supérieure (ÉTS).
Cette évolution, le Bureau canadien d'agrément des programmes de génie (BCAPG) l'a favorisée, imposant dans les formations plusieurs compétences de «savoir agir» parmi les plus demandées par les employeurs comme la capacité de travailler en équipe, de résoudre des problèmes, de savoir communiquer et le sens des responsabilités.
Pour se démarquer des autres candidats, les ingénieurs ont donc intérêt à laisser parler leur personnalité et à «faire rêver l'employeur, conseille Guylaine Dubreuil. Celui-ci doit se dire qu'il pourra accomplir de nouvelles choses avec cette recrue.»
La passion, un prérequis chez Pomerleau
Chez l'entrepreneur général Pomerleau, qui compte 200 ingénieurs parmi ses 1 200 employés au Québec, le critère de sélection le plus important, c'est «la passion», déclare Thierry Lefaivre, le coordonnateur régional ressources humaines pour Montréal et Ottawa.
Un stage à l'étranger, la participation à des clubs étudiants à l'université, des recommandations qui louent le caractère motivé du candidat et la qualité de son travail, voilà quelques éléments grâce auxquels l'employeur prendra la mesure de la «passion» de l'ingénieur. «On pose beaucoup de questions techniques. Cependant, si on décèle des lacunes, notamment chez un jeune sans expérience, on sait qu'on pourra l'aider à les combler, explique-t-il. Si la personne est passionnée, elle apprendra vite.»
La passion et donc la motivation se reflètent sur la qualité du travail. Surtout quand on est amené à travailler sur des projets vastes et très exigeants qui demandent beaucoup de rigueur, comme le chantier de La Romaine, la réfection d'une section du pont Champlain ou encore le prolongement de la jetée internationale de l'aéroport Montréal-Trudeau.
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L'employeur veut être choisi par le candidat pour ce que l'entreprise représente, il ne veut pas avoir l'impression d'être choisi par défaut. Alors gare aux motifs du genre : «j'ai fait tous mes stages au même endroit parce que c'était près de chez moi» ou «je suis ingénieur parce que je ne savais pas que faire d'autre»...
Les employeurs assument totalement aujourd'hui leur droit à une dose de subjectivité dans l'embauche de recrues. «Si on doute que le candidat va fitter avec l'entreprise, même s'il semble très bon techniquement, on ne prend pas le risque de le recruter», dit Thierry Lefaivre.
Talents de communicateurs recherchés chez Hatch
Si la motivation est un moyen de distinguer les candidats, leur savoir-être fait aussi partie des critères fondamentaux dans l'embauche d'un ingénieur aujourd'hui. Certaines capacités, notamment pouvoir communiquer, parler en public, travailler en équipe, ou avoir le sens du leadership sont autant de qualités recherchées.
«La nature même de notre travail est de travailler sur des projets. Il est donc rare que nos ingénieurs restent seuls dans leur coin. La plupart du temps, ils font partie d'une équipe. Par conséquent, il est important qu'ils sachent partager l'information et communiquer», explique Carine Prévost, directrice ressources humaines pour l'est de l'Amérique du Nord chez Hatch, qui emploie 600 personnes au Québec, dont 400 ingénieurs.
Polyvalence et gestion de projet
Les ingénieurs peuvent être appelés à travailler dans des secteurs d'activité très divers : les cabinets de génie-conseil, les donneurs d'ordres (ministères, par exemple), les secteurs minier, manufacturier et agroalimentaire, etc. «La plupart des emplois sont dans des PME, ce qui oblige les ingénieurs à être très polyvalents», remarque Allan Doyle, directeur du service des stages et du placement à Polytechnique Montréal.
La tendance est au travail par projet, ce qui a fait évoluer le métier, et donc les critères de sélection. «Les ingénieurs chargés de la gestion d'un projet traitent avec les clients et les fournisseurs, souligne Martin Mercier, directeur du recrutement à l'agence Technogénie Ressources. Ils doivent être organisés, capables de gérer des priorités, de bien planifier, de travailler sous pression, de diriger des équipes, de suivre des budgets et des calendriers, de servir de lien entre toutes les parties engagées dans le projet.»
Selon Martin Mathe, directeur exécutif ressources humaines et communication du cabinet de génie-conseil BBA, dont 400 des 500 employés au Québec sont des ingénieurs, les candidats ne doivent pas seulement savoir travailler en équipe, mais plutôt «en réseau».
«Nos ingénieurs font souvent partie d'équipes multidisciplinaires. Ils peuvent être amenés à communiquer dans la même journée avec d'autres firmes de génie, des entreprises de construction, des représentants syndicaux. Ils doivent donc savoir travailler avec leur équipe à l'interne, mais aussi avec des intervenants à l'externe.»
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Des valeurs affirmées
Autre tendance forte : l'importance des valeurs. Durant le processus d'embauche, les employeurs s'attardent beaucoup à l'adéquation du candidat avec les valeurs de l'entreprise. Chez BBA, les valeurs affichées - culture d'excellence, qualité supérieure du travail, rigueur - sont testées auprès des candidats par divers moyens : tests psychométriques, mises en situation, mais aussi expériences passées, qualité du français dans le CV, connaissance de l'entreprise, etc.
«On veut avant tout des gens qui sont en phase avec l'entreprise», affirme Thierry Lefaivre. Des personnalités complémentaires à celles des membres de l'équipe, qui ne casseront pas l'harmonie ni l'ambiance du groupe, et qui représenteront bien l'entreprise à l'extérieur.
Pour s'en assurer, Hatch organise parfois la deuxième ou troisième entrevue avec les membres de l'équipe à laquelle le candidat serait susceptible de se joindre. «Lorsqu'il s'agit de petites équipes, on aime que les deux parties se rencontrent afin d'avoir la réaction de nos employés sur le candidat», explique Carine Prévost.
Les processus d'embauche sont aujourd'hui très exigeants. Les entreprises font beaucoup d'efforts pour s'assurer de recruter la bonne personne. «Former quelqu'un puis le licencier, tout cela coûte cher, et si c'est trop fréquent, le changement de personnel qui en découle peut nuire à notre réputation auprès des clients», explique Thierry Lefaivre.
On pourrait croire que l'importance accordée aux qualités personnelles d'un candidat par rapport à ses compétences techniques rend l'obtention d'un poste plus facile. Celui-ci aurait moins peur de se faire coincer sur un rapport ou un mauvais calcul. Toutefois, cela paraît plus simple que ça en a l'air. «Les étudiants ne savent pas mettre leurs atouts en avant face à des employeurs potentiels. Ils pensent que tout le monde possède ces qualités, donc ils ne pensent pas à les faire valoir», note Guylaine Dubreuil.
Polytechnique Montréal s'est adaptée à cette nouvelle exigence des employeurs. L'institution a introduit des stages obligatoires et des projets intégrateurs dans ses programmes. Les étudiants participent également à des ateliers de préparation de CV et d'entrevues obligatoires, ainsi qu'à des ateliers de mise en valeur des compétences fortes. «Le but est qu'ils se connaissent mieux et qu'ils sachent mettre en valeur leurs points forts», indique Allan Doyle. En effet, ce n'est pas tout d'avancer qu'on communique bien et qu'on sait travailler en équipe, il faut le prouver au moyen d'expériences passées (stages, responsabilités dans des OSBL, etc.).