DOSSIER MARCHÉ INTERNATIONAL - La crise économique de 2008 a durement frappé Rotobec, une entreprise de Sainte-Justine dans la région de Chaudière-Appalaches qui fabrique des équipements de manutention pour le secteur forestier et d'autres industries. Son carnet de commandes a tellement fondu que la PME a failli fermer ses portes. Ses revenus, qui avaient chuté à 19 millions de dollars en 2009, ont toutefois rebondi à 65 M$ l'an dernier et à 75 M$ en 2017. «On a diversifié nos marchés, tant sur le plan sectoriel que sur le plan géographique», indique Yves Lapointe, représentant des ventes à l'international, pour expliquer cette volte-face.
À l'époque, l'entreprise fondée en 1975 se spécialisait dans la fabrication de grappins pour la manipulation de billes de bois dans l'industrie forestière. La crise économique de 2008 l'a amenée au cours des dernières années à fabriquer d'autres types de grappins et de pinces pour servir différentes industries, notamment les secteurs ferroviaire, du recyclage d'acier, de la manutention des déchets ou encore de la marchandise en vrac dans les ports.
La PME, située seulement à une quinzaine de kilomètres de la frontière des États-Unis, où elle exportait majoritairement ses produits, est aujourd'hui présente dans une quarantaine de pays. Le marché américain demeure son principal débouché avec 50 % des exportations, mais l'entreprise a notamment trouvé de nouveaux débouchés en Amérique du Sud (Brésil, Chili, Uruguay), de même qu'en Russie, en Angleterre en Australie et en Nouvelle-Zélande. «Nous ne sommes plus à la merci d'un seul marché», dit Yves Lapointe, qui craint moins qu'autrefois les crises économiques. «Les années où nos prévisions de vente étaient à la baisse dans certains pays, nous avons eu de meilleurs résultats que prévu dans d'autres», explique-t-il.
La clé en cas de crise économique
Stéphanie Poitras, directrice générale de l'entreprise de transformation de viande de porc Aliments Asta, fait écho à ces propos. «Notre marché est cyclique. Si un pays achète moins une année ou pendant une plus longue période de temps, on va pouvoir vendre ailleurs», souligne celle dont l'entreprise, créée par son père Jacques en 1982, est aussi présente dans une quarantaine de pays.
«La diversification des marchés est l'élément clé en cas de crise économique», confirme Josée St-Onge, associée, leader Risque et conformité pour le Québec chez PwC Canada. Les entreprises, ajoute-t-elle, doivent bien analyser le potentiel de vente de leurs produits ou services. «Certains produits seront susceptibles d'être touchés par une crise économique, tandis que d'autres en bénéficieront.»
Les risques du protectionnisme
Le vent de protectionnisme qui souffle sur les États-Unis, ainsi que les pourparlers actuels entourant la renégociation de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA), n'inquiètent pas non plus ces deux entreprises qui ont su diversifier leurs marchés.
«C'est un couteau à double tranchant. Les États-Unis exportent aussi beaucoup de viande au Canada et pourraient se retrouver du côté des perdants», indique Mme Poitras, qui siège aux conseils d'administration du Conseil des viandes du Canada et de Canada Porc International. Elle suit néanmoins la situation de près.
Rotobec compte pour sa part sur une usine à Littleton, dans l'État du New Hampshire, qui a été implantée en 1986 et qui a plus que doublé sa superficie l'an dernier. «Si les États-Unis imposent des barrières tarifaires, on pourra miser sur notre usine américaine, qui sert déjà en grande partie les États-Unis», dit M. Lapointe.
N'empêche : l'incertitude entourant la politique commerciale américaine préoccupe beaucoup d'entrepreneurs canadiens, qui se demandent si la circulation des produits sera entravée et si des taxes frontalières seront imposées. D'autant que 73 % de nos biens et services exportés sont destinés aux États-Unis et que, pour certaines entreprises, les clients américains représentent de 80 % à 90 % du chiffre d'affaires, rappelle Exportation et développement Canada (EDC).
L'organisme suggère aux entreprises d'entretenir des relations étroites avec leurs clients américains. «Si vous pouvez collaborer avec eux pour vous préparer à toute modification de politique, vous composerez plus facilement avec les perturbations éventuelles», précise EDC. Les entreprises peuvent du même coup demander à leurs clients comment intégrer plus de contenu américains dans leurs produits. Elles seront ainsi moins vulnérables aux politiques sur les achats préférentiels aux États-Unis ou aux modifications des règles de l'ALÉNA.
Consultez notre dossier MARCHÉ INTERNATIONAL: PARER AUX RISQUES