Héritier de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA), l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACÉUM) entré en vigueur en juillet 2020 a tout le potentiel pour renforcer les chaînes logistiques en Amérique du Nord, affirment deux avocats spécialisés en droit du commerce international.
«Le libre-échange instauré par l’ACÉUM fournit un terrain fertile pour la fluidité et l’optimisation des chaînes d’approvisionnement à travers l’Amérique du Nord», souligne Xavier Van Overmeire, associé et avocat spécialisé en commerce international au cabinet Dentons Canada, à Montréal.
Il souligne que les organisations qui utilisent davantage les technologies de l’information (TI) peuvent améliorer la fluidité de leurs chaînes logistiques nord-américaines — comme le suggère fortement l’article 7.9 de l’ACÉUM portant sur l’utilisation des TI.
Xavier Van Overmeire donne deux exemples concrets. D’abord, les procédés de reconnaissance optique de caractères (OCR ou Optical Character Recognition, en anglais), qui permettent de numériser les documents pour déclarer une marchandise. Ainsi, une entreprise peut effectuer plus rapidement une recherche par mots-clés dans ces documents une fois qu’ils sont numérisés.
Un autre exemple se trouve au port de Montréal, qui est en train de développer un outil d’intelligence artificielle (IA) grâce auquel il pourra suivre en temps réel les navires qui transitent vers le port. Cet outil réduira les pertes de temps dans la manutention des marchandises.
Par ailleurs, l’avocat estime que l’optimisation de la logistique en Amérique du Nord passe aussi par des investissements dans les infrastructures de transport ainsi que dans la formation et la qualification de la main-d’œuvre.
Une coopération indispensable
Bernard Colas, associé et avocat spécialisé en commerce international au cabinet montréalais CMZK, affirme de son côté qu’une plus grande coopération entre Ottawa, Washington et Mexico est indispensable pour renforcer les chaînes logistiques nord-américaines.
«Afin de continuer à améliorer la fluidité de la logistique et des chaînes d’approvisionnement, les pays de l’ACÉUM auraient intérêt à renforcer leur coopération régionale et à résoudre les problèmes logistiques communs», dit-il.
Selon lui, les trois pays pourraient concrètement faire plusieurs choses. Ils peuvent par exemple harmoniser davantage leurs réglementations douanières, leurs procédures de dédouanement et leurs exigences en matière de documentation, sans parler de leurs normes de qualité et de sécurité des produits.
Les gouvernements peuvent aussi partager en temps réel des informations douanières à propos des entreprises et des risques pouvant poindre à l’horizon, et ce, afin de résoudre des problèmes plus rapidement. Ils peuvent faire des efforts supplémentaires pour éliminer des barrières non tarifaires, comme les règlements techniques «qui entravent le commerce», fait remarquer Bernard Colas.
Enfin, Ottawa, Washington et Mexico peuvent travailler en partenariat avec les entreprises afin de mieux comprendre leurs besoins et leurs préoccupations en matière de logistique et d’approvisionnement, et les impliquer dans la mise en œuvre d’améliorations.
«Cette coopération accrue contribuerait à une logistique plus efficace en plus de stimuler le commerce, la croissance économique et la compétitivité des entreprises dans la région», affirme Bernard Colas.
Une union douanière est-elle une option ?
À ses yeux, la création d’une union douanière en Amérique du Nord — comme entre les pays de l’Union européenne — pourrait faciliter davantage cette coopération, car ce type d’intégration économique va beaucoup plus loin qu’un accord de libre-échange.
Non seulement les pays membres d’une union douanière éliminent les tarifs et les barrières non tarifaires (par exemple, une loi protectionniste pour les entreprises étrangères), mais ils appliquent généralement le même tarif extérieur sur les importations en provenance de pays non membres. En principe, une union douanière élimine aussi les contrôles à la frontière entre les pays membres.
Bernard Colas est toutefois réaliste : il estime que le contexte nord-américain ne favorise pas la mise en place d’une telle union dans un avenir prévisible.
Et pour cause, puisqu’elle impliquerait une étroite coordination de politiques commerciales, douanières et tarifaires et, donc pour un pays comme le Canada, «une perte de souveraineté sur des questions commerciales et sur ses relations économiques avec d’autres nations et régions du monde», dit l’avocat.