Devant public au Desjardins Lab, Les Dérangeants reçoivent Dominique Anglade, ministre de l’Économie, de la Science et de l’Innovation. Étienne Crevier, Jean-Daniel Petit, Carlo Coccaro et Jordan LeBel, professeur agrégé de marketing à l’école de gestion John-Molson de l’Université Concordia, participent ensuite au débat « Responsabilité VS rentabilité ».
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Malgré leur mauvaise réputation, les cigarettiers ou les pétrolières engrangent toujours des profits importants. Cependant, les entreprises qui accordent de l'importance à leur responsabilité sociale comme Patagonia ou Starbucks, ne sont pas en reste. Elles font de gros sous, elles aussi. Peut-on dès lors en conclure que d'être socialement responsable n'aurait aucun effet, positif ou négatif, sur une entreprise ?
La réponse est simple : non. La responsabilité sociale et environnementale des entreprises a bel et bien des effets positifs. Pas uniquement sur la société ou l'écologie, mais aussi sur les finances des firmes elles-mêmes. Seulement, ce n'est peut-être pas dans le sens où on l'entend habituellement.
«C'est-tu rentable d'être responsable ?» était le thème de la dernière discussion de l'émission de radio numérique Les Dérangeants, enregistrée devant public au Desjardins Lab. D'abord, les faits. La littérature est partagée sur les effets de la RSE. Selon une étude de Marc Orlitzky publiée dans Business Ethics Quarterly et reprise par Le Monde, «les résultats d'une méta-analyse indiquent que la relation entre la RSE et la performance financière est légèrement positive, mais surtout que son intensité dépend des revues dans lesquelles les études ont été publiées. Il faut se méfier des études qui portent sur des sujets connotés idéologiquement, et la RSE en fait partie».
Par exemple, un sondage Nielsen datant de 2015 avait rapporté que 66 % des consommateurs de partout dans le monde accepteraient de payer plus cher pour un produit ou un service qui émane d'une entreprise responsable.
Toutefois, selon Jordan LeBel, professeur de marketing à l'Université Concordia qui participait au débat, «il faut se méfier de ces sondages. Tout le monde veut sauver la planète, mais personne ne veut payer pour ça. C'est facile de faire mentir les données.»
Bref, une entreprise responsable n'engrangerait pas nécessairement plus de profits ou de clients qu'une société polluante qui, au passage, maltraite ses employés. Cependant, selon un article paru dans le quotidien suisse Le Temps, «les mesures [de responsabilité] mises en place aident à pérenniser l'entreprise, à fidéliser la clientèle, à motiver et à engager les collaborateurs. On note aussi une pression des investisseurs, qui portent une attention croissante aux questions de responsabilité sociale. Le mouvement prend de l'ampleur».
Par-dessus tout, le net avantage d'une entreprise socialement responsable, c'est qu'elle devient beaucoup, beaucoup plus attirante pour des employés potentiels. C'est là qu'être responsable, ça devient payant.
Une nouvelle génération d'entrepreneurs
Une étude de l'Université Stanford avait démontré en 2003 que «les détenteurs d'un MBA sacrifieraient en moyenne 13 700 $ US de salaire annuel afin de travailler pour une entreprise socialement responsable».
Une autre étude, intitulée «2016 Cone Communications Millenial Employee Engagement Study», rapportait que «76 % des milléniaux prenaient en considération les politiques sociales et environnementales d'une entreprise avant de soumettre leur candidature. Et 64 % de ces membres de la génération Y n'accepteraient pas un emploi si une entreprise n'avait pas de très fortes pratiques responsables».
Certes, il faut se méfier des sondages, comme le mentionnait le professeur LeBel. Cependant, l'expérience d'Étienne Crevier, membre des Dérangeants, tend à confirmer ces données. «Des entreprises comme GSOFT et Zappos promettent et livrent du bonheur. C'est comme ça qu'elles attirent des employés et des clients. Chez nous, ce sont les meilleurs candidats qui postulent. Auparavant, ils allaient dans les grandes pharmaceutiques. Nos employés veulent changer la société en travaillant pour une start-up.»
«Les nouveaux entrepreneurs sont plus engagés socialement qu'auparavant, confirme Jordan LeBel, ils veulent vraiment changer les choses.» Même son de cloche chez le dérangeant Carlo Coccaro, de Math et Mots Monde : «C'est bien, la réussite financière, mais pour être épanoui, tu veux avoir un impact sur la vie des autres. De nos jours, je crois que les entrepreneurs ont le pouvoir et la responsabilité de changer le monde dans lequel nous vivons.»
Cela posé, a fait remarquer sagement un troisième dérangeant Jean-Daniel Petit, de Beside et d'Abitibi & Co, «il faut être réaliste. Il faut faire des petits pas vers une plus grande responsabilité, car si tu es trop idéaliste, tu risques de frapper un mur et de devenir cynique. Et ça ne sert à rien d'être un PDG convaincu de l'importance de la responsabilité sociale si ton équipe n'embarque pas».
Épisode 9
Pas ce soir chéri(e), j'ai mal à la tête
Lors du précédent épisode, Les Dérangeants ont pris un verre avec la sommelière de renommée internationale Véronique Rivest, qui a développé son flair entrepreneurial en fondant Soif bar à vin. Carlo Coccaro, Alex Mensi et Noah Redler participent ensuite au débat « Chéri(e), j’ai pu le goût ».
La rentrée des Dérangeants
L'émission de radio numérique réunit de jeunes entrepreneurs du Québec qui parlent sans détour des affres du métier. Avec beaucoup de culot, mais pas encore avec autant de sagesse. Si vous avez besoin de révisions, les 5 premiers épisodes de la saison du printemps sont à écouter ici.