Le Conseil consultatif sur l'économie et l'innovation (CCEI) que j'ai le privilège de présider a présenté son rapport au gouvernement du Québec le 25 septembre dernier. Notre équipe de 32 leaders socioéconomiques et dirigeants d'entreprises a élaboré 12 recommandations principales afin de consolider l'élan que connaît le Québec et de relever les défis qui demeurent, comme la stimulation de nos exportations et de l'investissement privé, la valorisation de l'innovation, l'amélioration de notre productivité et l'adaptation de notre économie au vieillissement de la population. Pendant que l'analyse de nos propositions s'amorce chez les groupes intéressés et que notre groupe se tourne vers la mise en oeuvre de ses recommandations, je partage ici avec vous l'une des volontés qui nous a animés tout au long de nos travaux.
Au-delà de la philanthropie
On parle souvent de la «responsabilité sociale» des entreprises. On pense alors au développement durable et à des actions philanthropiques, comme le soutien à des organismes communautaires ou les campagnes de financement à visées sociales. À la table du CCEI, nous avons voulu faire un lien direct entre le développement des affaires et le développement social. Comment une entreprise peut-elle, tout en visant un objectif d'affaires, contribuer au progrès social ? Presque toutes nos recommandations portent sur cette convergence de bénéfices.
Je vous en donne quelques exemples. Des milliers de travailleurs peu qualifiés sont menacés par les changements technologiques ; cette situation est un problème pour les entreprises aussi, puisqu'elles doivent faire face soit à un taux élevé de roulement de personnel, soit à des difficultés d'implantation de nouvelles technologies. Nous proposons donc que les entreprises s'engagent directement dans une initiative de masse de développement des compétences de base des travailleurs, permettant ainsi de protéger l'employabilité des personnes tout en facilitant l'introduction de nouvelles technologies en entreprise.
Les pénuries de main-d'oeuvre sont un problème croissant ; parallèlement, des travailleurs qui veulent se requalifier se voient imposer des parcours trop rigides. Nous proposons que les entreprises et les cégeps élaborent ensemble des corridors de qualification rapide en formant, principalement en entreprise, des travailleurs de niveau technique en 12 à 18 mois.
Grandir et faire grandir
Nos analyses ont démontré que si seulement 100 entreprises du Québec passaient de petite entreprise à grande entreprise, notre PIB augmenterait de 9 % avec des bénéfices pour tout le Québec. Nous proposons que les entrepreneurs qui ont atteint les marchés internationaux parrainent ceux qui arrivent à cette étape charnière de leur développement. Encore là, les bienfaits sont partagés : les entreprises parrainées grandissent et les entrepreneurs parrains voient se renforcer leur chaîne de valeur, ce qui améliore leurs propres perspectives de croissance.
Le secteur forestier fait un travail impressionnant : mobilisation, repérage de nouveaux créneaux, amélioration de la compétitivité. Les entreprises de tous les secteurs pourraient contribuer à la relance du secteur forestier si elles étaient plus nombreuses à utiliser le bois du Québec dans leurs immobilisations, leurs sièges sociaux, leurs succursales, leurs points de service, ce qui aurait des retombées positives dans toutes les régions.
Les technologies numériques sont partout, mais bon nombre d'entrepreneurs ne savent pas par où commencer. Nous proposons une «tournée numérique» au cours de laquelle des entreprises montreraient l'application concrète de ces technologies à d'autres. Pour l'entreprise qui apprend, ce serait un gain de productivité potentiel ; pour celle qui enseigne, ce serait la possibilité de trouver un nouveau client ou un nouveau fournisseur.
Dans le même esprit, nous proposons : de créer un mouvement de développement des stages en entreprise pour le bénéfice des jeunes et pour l'attraction de talents en entreprise ; de renforcer la relation entre les entreprises et les centres de recherche appliquée pour que l'innovation soit plus fertile et que notre excellence scientifique contribue davantage au succès du Québec; d'engager les entreprises dans l'adoption de solutions d'intelligence artificielle pour enraciner ce créneau prometteur au Québec.
Un des principes de base de la réflexion de notre conseil est que le développement économique participe au mieux-être de la communauté. Et ce principe, lorsqu'on l'applique à des mesures concrètes, devient une réconciliation entre des objectifs d'affaires et des objectifs sociaux. C'est l'essence de notre rapport et de son titre, «Agir ensemble pour un Québec innovant, inclusif et prospère».
Monique F. Leroux
Ambassadeur Les Affaires
SEPTEMBRE
Présidente du conseil d'administration d'Investissement Québec, présidente du Conseil consultatif sur l'économie et l'innovation, présidente de l'Alliance coopérative internationale et vice-présidente exécutive et conseillère stratégique de Fiera Capital.
Passage de flambeau
Ce texte termine la participation de Monique F. Leroux à titre d'ambassadeur du mois de septembre de Les Affaires. Le flambeau est officiellement passé à Dominique Brown, propriétaire et président de Chocolats Favoris. Surveillez ses apparitions dans les prochaines éditions et sur les médias sociaux tout au long du mois d'octobre.