DOSSIER LES 300 PME - L'innovation est inscrite dans l'ADN de lg2, la plus grande agence de publicité indépendante du Canada. Pas seulement en ce qui a trait à ses produits, à son service à la clientèle ou à son environnement de travail original. La PME a aussi innové pour transférer la propriété à la prochaine génération d'entrepreneurs en misant sur ses propres employés.
Fondée en 1991 par Sylvain Labarre et Paul Gauthier, lg2 est maintenant dirigée par un groupe de 19 associés qui se partagent les responsabilités au sein de l'entreprise. Elle compte 250 employés et elle a des bureaux à Montréal, Québec et Toronto.
Le plan de transition a commencé au milieu des années 2000. Les deux fondateurs avaient plusieurs critères pour repérer les perles rares tels que l'âge, le talent, l'humilité, l'esprit d'entreprise et le leadership. Les candidats devaient aussi avoir travaillé au moins deux ans chez lg2 avant de pouvoir acheter des parts de la société. Sylvain Labarre et Paul Gauthier se sont parfois trompés sur certains candidats, mais ils ont rapidement rectifié le tir.
Un plan de transition de l'entreprise original pour deux raisons : la durée et le financement. Non seulement le processus de transfert de propriété s'est fait sur une période de 10 ans (le processus s'est terminé en décembre 2015), mais il s'est fait aussi sans que les nouveaux dirigeants n'aient à débourser un seul sou de leur poche pour devenir les nouveaux propriétaires de la PME.
Un montage financier audacieux
Au début du processus de transition, la direction de l'époque a créé en effet une entreprise parallèle nommée lg2345 pour les futurs 19 associés. Cette entité a permis de leur vendre graduellement un pourcentage des parts de lg2 sur une période de 10 ans.
Desjardins a accordé un prêt à cette société parallèle, qui a remboursé au fil des ans l'institution financière à même les profits générés par lg2. Pendant cette période, la taille de l'entreprise a triplé, et elle a notamment ouvert un bureau à Toronto.
C'est Paul Gauthier qui a eu l'idée que les nouveaux associés n'aient pas à contracter des prêts personnels en mettant par exemple leur maison en garantie, confie Sylvain Labarre.
«L'argent n'était pas vraiment important à nos yeux. Le plus important, c'était le talent. Pour l'argent, on peut toujours imaginer une solution pour en trouver», nous explique au bout du fil Sylvain Labarre. Cela a permis à la relève de se concentrer sur l'essentiel, c'est-à-dire la croissance de l'entreprise.
Les principaux intéressés que nous avons récemment rencontrés au siège social de la PME, à Montréal, confirment que ce montage financier leur a enlevé une grande pression financière des épaules.
«Si tous les jours tu arrives au bureau et tu te dis : "Il faut que je rembourse !"... Sérieusement, je mets n'importe qui au défi, à la fin de l'année, d'avoir pris les bonnes décisions pour les bonnes raisons», lance Mireille Côté, associée et présidente du bureau de Québec, sous les regards approbateurs de Mathieu Roy, associé et président du bureau de Montréal, et de Marc Fortin, associé et chef du produit global.
Une destination, mais des routes différentes
Parmi les principaux dirigeants de lg2, ces trois associés affirment que la période de transition de 10 ans a aussi été un facteur déterminant dans la réussite du transfert d'entreprise souhaité par Sylvain Labarre et Paul Gauthier.
«Il fallait trouver un équilibre, souligne Mathieu Roy. Nous devions prendre notre place, sans prendre toute la place, et sans avoir trop de mains sur le volant. Progressivement, au moment où on a racheté des parts, on nous a aussi transféré des responsabilités et des pouvoirs. Cette façon de faire s'est révélée une bonne clé du succès de la transition chez lg2.»
Marc Fortin explique de son côté qu'ils ont eu la souplesse de faire certaines choses différemment tout au long de ce processus de 10 ans, car les deux fondateurs de lg2 et eux partageaient les mêmes valeurs. «Ce qui est important, c'est que nous ayons tous en tête la même destination, même s'il est possible qu'on ne s'y rende pas de la même façon, explique-t-il. Cela représente tout un apprentissage, car, en fin de compte, ce qui importe n'est pas tant le comment que l'objectif ultime, c'est-à-dire de protéger les valeurs et le modèle d'affaires de l'entreprise.»
Bien entendu, les fondateurs de lg2 ont eu quelques offres d'achat lorsqu'ils ont commencé à penser à la relève au milieu des années 2000. Sylvain Labarre et Paul Gauthier ont toutefois rapidement écarté cette avenue. Elle n'assurait pas la pérennité et l'indépendance de l'entreprise à long terme. De plus, un rachat externe risquait de faire perdre des emplois au Québec ainsi que la culture de la boîte.
«Pour nous, la pérennité passait par les employés, affirme Sylvain Labarre, par les gens en place qui ont travaillé à faire en sorte que lg2 devienne la plus grande agence indépendante du Canada.»
Même si le passage du flambeau est récent chez lg2, les nouveaux dirigeants sont déjà à préparer tranquillement le transfert de l'entreprise à la prochaine génération. «Nous avons abordé cette question lors des deux derniers conseils d'administration», confie Mireille Côté.
L'actuelle équipe de direction s'inspirera vraisemblablement du processus imaginé par Sylvain Labarre et Paul Gauthier. «Je dirais que c'est une obligation morale», explique Marc Fortin. La direction a déjà commencé à cibler certains candidats. «On regarde à l'interne et à l'extérieur», affirme Mathieu Roy.
Pour le moment, le processus est «informel», mais certains employés savent qu'ils ont déjà été sélectionnés. Du reste, ceux qui sont intéressés à diriger un jour l'entreprise sont aussi invités à se manifester.