La mondialisation du marché du travail, l’évolution des attentes de la clientèle et des façons de travailler des employés obligent chaque entreprise à s’adapter. Grosses mutations ou petites évolutions répétées, ces initiatives de changement n’atteignent leur impact optimal que sous certaines conditions.
« La principale erreur à éviter quand on veut implanter des nouveautés, c’est de recourir au processus le plus efficace et rentable possible, sans penser aux conséquences qu’il aura sur les travailleurs », dit Kevin Johnson, professeur au Département de management à HEC Montréal et coauteur de L’innovation managériale, paru en janvier 2018. Il soulève l’importance d’adopter une vision plus humaine et cohérente du changement en entreprise, qui tienne compte des réels besoins du terrain, quitte à consulter directement les employés concernés.
L’implication des salariés dans le processus de changement permet également de contrer leurs réticences et de renforcer leur motivation. « Un employé qui comprend la démarche de ses gestionnaires, qui sent que ses préoccupations sont prises au sérieux et qui peut participer en proposant ses idées s’investit davantage qu’un employé à qui l’on impose une décision dont il ne voit pas les objectifs concrets », explique Joëlle Carpentier, professeure au Département d’organisation et de ressources humaines à l’ESG UQAM.
Annonces progressives
Si la transparence et la communication sont de mise, les nouveautés doivent toutefois être annoncées progressivement pour ne pas effrayer les équipes. « Avancer une étape à la fois permet de gérer les préoccupations au fur et à mesure, quitte à retarder la phase suivante si tout le monde n’est pas prêt, dit Joëlle Carpentier. Les gestionnaires qui avancent sans prêter attention aux résistances sont plus susceptibles d’échouer et accroissent la colère de leurs employés. »
Confrontée depuis plusieurs années à l’évolution de ses outils et méthodes de travail, la Banque Nationale veille à l’intégration de ses membres à travers quatre consignes majeures : la croyance de tous en la nécessité d’un changement, une communication continue, une cadence raisonnable entre chaque phase d’adaptation et le cheminement des gestionnaires aux côtés des employés. « Les nouvelles technologies facilitent beaucoup la diffusion d’informations et l’intégration de tous dans les processus de changement, dit Lucie Houle, Vice-Présidente Gestion des talents à la Banque Nationale. On a par exemple délaissé la formation traditionnelle pour un système de vidéos que les employés peuvent consulter depuis chez eux. Cet outil leur permet aussi de créer leur propre contenu pour partager leurs astuces, comment surmonter tel problème avec un client par exemple. »
Chercher de l'aide à l'externe
Si une approche humaine du changement lui donne plus d’impact, elle implique aussi plus d’efforts de la part des dirigeants. « Ça prend des gestionnaires à l’écoute et capables de voir tous les aspects de la transformation, dit Joëlle Charpentier, consultante en développement organisationnel. Il faut par exemple penser aux besoins de consolidation des équipes, au travail sur la culture d’entreprise ou au coaching de nouveaux cadres. » Elle conseille par ailleurs les services d’un coordinateur externe, dont la vision neutre et multidimensionnelle peut s’avérer bénéfique en période de tumulte.
Le contrôle de la fréquence, de l’intensité et de l’impact du changement maximise aussi sa réussite en évitant la saturation des équipes. « Un employé lassé par trop de changements développe plus de résistance et de cynisme à l’égard de son entreprise », dit Kevin Johnson. Il conseille de sonder régulièrement les troupes et de s’adapter à la capacité de résilience de chacun. Une nouveauté n’affecte pas tous les employés de la même façon et celui qui a supporté de nombreux changements au cours de sa carrière risque d’atteindre le point de saturation plus rapidement qu’une nouvelle recrue.
Penser aux conséquences
« On aborde de plus en plus le changement à travers de petites itérations régulières, ce qui permet aux employés de l’absorber plus facilement, dit Jean-François Bergeron, Vice-Président aux Technologies de l’information de la Société des Alcools du Québec. Cette adaptation est aussi facilitée par la proximité grandissante entre les technologies utilisées au travail et dans la vie privée comme les tablettes, les téléphones intelligents ou les applications mobiles. » Ces deux dernières années, la SAQ a traversé une importante mutation technologique qui, bouchée par bouchée et grâce à des outils simples et familiers de ses membres, s’avère aujourd’hui être un succès.
Au-delà du simple aspect organisationnel, l’implantation réussie d’un changement dépend beaucoup de la capacité de ses dirigeants à le mener à bien. Penser aux conséquences qu’il aura sur le terrain, inclure les salariés dans ce processus et le réaliser en étapes simples et digestes permettent de maximiser son impact tout en préservant la motivation de tous.
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