Développés a priori pour des besoins d'optimisation, les nouvelles façons d'emballer ont également une incidence positive sur l'environnement. Elles apportent aussi un second souffle à des industries telles que le papier et l'imprimerie, qui battent de l'aile. Reste à régler les enjeux quant à leur cycle de vie.
N'en déplaise aux écologistes, la quantité d'emballage sur le marché est loin de diminuer. L'exportation des produits, l'explosion du commerce en ligne ainsi que les nouvelles exigences des consommateurs qui recherchent de plus en plus des emballages individuels, de petite taille et faciles à manipuler, changent la donne. La plupart des analystes de l'industrie estiment que la valeur du marché mondial de l'emballage atteindra un trillion de dollars américains au plus tard en 2022. Il en vaut déjà 851 milliards.
« Cette augmentation n'est pas sans provoquer plusieurs débats et questionnements sociétaux », concède Bruno Ponsard, directeur à l'Institut de technologie des emballages et du génie alimentaire (ITEGA), à Montréal. Ce centre de transfert de technologie, affilié au Collège de Maisonneuve, collabore annuellement avec plus de 80 entreprises au Québec pour les aider à optimiser leurs emballages primaires, secondaires et tertiaires.
D'une part, poursuit-il, il y a des consommateurs qui reprochent aux entreprises de suremballer leurs produits. Ces consommateurs souhaitent également des emballages plus écologiques afin d'en disposer de façon responsable. D'autre part, il y a des entreprises qui souhaitent optimiser leurs emballages. De cette façon, elles augmentent l'efficacité de ces derniers, évitent les gaspillages et deviennent plus rentables. Ces innovations en matière d'emballage leur permettent également de réduire leurs empreintes écologiques à plusieurs égards.
« On voit de plus en plus d'entreprises, notamment dans le secteur de l'alimentation, qui troquent l'emballage de métal ou de carton pour un emballage flexible plus léger. Cela se traduit par une réduction considérable du coût de transport et des émissions de gaz à effet de serre, ainsi que par une réduction substantielle de la facture en matière de collecte sélective. Une facture que les entreprises doivent assumer à 100 % depuis 2013 », indique le directeur de l'ITEGA, qui siège également au conseil de l'Association canadienne de l'emballage.
Des économies payantes
Le gaspillage et la grogne des clients figurent parmi les principales motivations qui incitent les entreprises à vouloir optimiser leur emballage. Selon l'entreprise d'emballage Cartier, qui se spécialise dans l'optimisation d'emballages secondaire et tertiaire (types d'emballages qui servent essentiellement au transport des produits), la plupart des PME perdent en moyenne de 5 % à 10 % de leurs revenus annuels en raison d'emballages non efficients. « Beaucoup d'entreprises font encore l'erreur de miser essentiellement sur leur emballage primaire, celui que manipule le consommateur. Elles négligent toutefois l'étape du transport de leurs produits. Malheureusement, plusieurs d'entre elles vont réagir lorsque leurs clients, excédés par la réception de livraisons en mauvaises conditions, les menacent de changer de produits pour ceux d'un concurrent », signale Jocelyn Legault, directeur des services techniques chez Cartier.
Des mythes à déboulonner
Éco Entreprises Québec (ÉEQ) est conscient qu'il faut déboulonner plusieurs mythes, dont celui de croire que l'emballage le plus écoresponsable est systématiquement celui qui contient le moins de matière. « Il faut prendre en considération la préservation du produit, particulièrement dans le cas d'aliments frais comme la viande. Dans le cas des produits périssables, l'emballage sert à protéger et à prolonger la durée de vie du produit, réduisant ainsi le gaspillage. S'il est optimisé, un emballage peut limiter son incidence sur l'environnement et réduire les pertes de produit », souligne Geneviève Dionne, conseillère principale en écoconception de l'organisme.
Les concombres qui sont recouverts d'une pellicule de plastique en constituent un bon exemple. « Certes, il s'agit d'un emballage de plus sur le marché, reconnaît M. Ponsard. Les producteurs ont toutefois réalisé que cette pellicule permettait de prolonger la fraîcheur de l'aliment trois à quatre jours de plus. Au bout du compte, mieux vaut trouver une solution pour recycler la pellicule que de jeter un aliment qui est mal préservé. »
Des emballages verts, mais à quel prix ?
Chez Emballages Carrousel, un des leaders de l'emballage au Québec qui compte plus de 350 employés, on développe actuellement des solutions d'emballage pour justement prolonger la durée des aliments dans les épiceries. L'entreprise de Boucherville distribue plusieurs équipements exclusifs, dont certains qui favorisent l'emballage à l'aide de barquettes compostables. Bien que cet emballage innovant soit demandé par certains consommateurs, Martin Boily, vice-président ventes et marketing chez Emballages Carrousel, fait remarquer que la barquette compostable est loin de gagner la faveur des épiciers. « Non seulement elle coûte de trois à quatre fois plus cher que la barquette en styromousse, sa production nécessite de deux à trois fois plus de quantité d'eau. Son choix devient donc questionnable. »
Il y a aussi les enjeux que soulèvent les emballages flexibles qui sont composés de matières multicouches. Ces emballages permettent aux entreprises de réduire leurs empreintes écologiques de façon significative. En revanche, on cherche encore pour certaines de ces matières des débouchés dans les centres de tri afin d'en prolonger le cycle de vie. Au Conseil canadien des manufacturiers de cartons multicouches, un organisme né en 2010, la directrice générale Isabelle Faucher et son équipe ont justement pour mandat de détourner les cartons utiles flexibles des sites d'enfouissement. « Depuis cinq ans, précise Mme Faucher, le taux de récupération des matières multicouches à l'échelle nationale s'est grandement amélioré passant de 40 % à près de 60 %. »
L'idéal, soulève Mme Dionne de l'ÉEQ, serait d'inciter les entreprises à privilégier des monomatières pour leur emballage, des matières dont il est plus facile de prolonger le cycle de vie. Mais, observe-t-elle, ce n'est pas la tangente que prend actuellement le marché. « En fait, enchaîne M. Ponsard, il n'existe pas encore de solution parfaite en matière d'emballage. Il faut donc faire des choix de société et les assumer. Voulons-nous moins gaspiller, réduire la pollution, mieux recycler ? En résumé, il faut continuer de se questionner afin de trouver de meilleures pratiques. »
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