INFRASTRUCTURES ET GRANDS PROJETS. Québec, Laval, Gatineau… Plusieurs grandes villes planchent actuellement sur des projets de tramway. Apparu aux États-Unis durant la première moitié du XIXe siècle, ce mode de transport collectif connaît un nouvel engouement dans toute la province.
« Le tramway était considéré comme ringard dans les années 1950-1960, puis il a retrouvé du lustre dernièrement », note Gérard Beaudet, professeur à l’École d’urbanisme et d’architecture de paysage de l’Université de Montréal. Plusieurs avantages s’offrent, selon lui, aux villes qui optent pour un tramway, notamment « une fréquence plus grande qu’un autobus et un coût moins important qu’un métro ».
Construire un tramway aiderait également à accroître l’utilisation de transports en commun pour la population, comme le vise le projet de Réseau express de la Capitale (REC). « Aujourd’hui, seulement 10 % des déplacements se font en transport en commun à Québec. Un tramway pourrait faire augmenter ce chiffre à 25 % après quelques années », calcule Jean Mercier, professeur associé au Département de science politique de l’Université Laval et spécialiste en transports en commun.
Le directeur général d’Accès transports viables, Etienne Grandmont, voit aussi le projet d’un bon œil, car il permettra d’augmenter la densité de la ville. « Autour des stations, on pourra envisager des lieux plus cyclables, faciles d’accès pour les piétons. Cela bonifiera aussi les artères commerciales », avance celui qui dirige l’organisme sans but lucratif défendant les droits des utilisateurs du transport collectif et actif dans les régions de Québec et de Chaudière-Appalaches.
Dans la mire de Laval
À Laval, les déplacements d’est en ouest restent compliqués. C’est d’ailleurs pour cette raison que Stéphane Boyer, maire suppléant depuis 2018, a commencé cet hiver à réfléchir à un nouvel axe de transport en commun. « Le tramway est vraiment une bonne idée, mais on reste ouvert à d’autres modes de transport structurant », souligne le chef du Mouvement lavallois et actuel candidat à la mairie.
Le tracé envisagé dans les premières études préliminaires suivrait le boulevard Saint-Martin. Les usagers pourraient monter à l’angle du boulevard Chomedey et rouler jusqu’au boulevard Laval, sur un tronçon de 3 km. D’autres quartiers pourraient aussi être desservis. Le professeur Gérard Beaudet croit toutefois qu’un tramway ne serait pas le mode de transport le plus adapté pour Laval. « C’est très éparpillé comme ville, rappelle-t-il. J’ai peur que le rendement ne soit pas optimal. »
Le ministère des Transports travaille actuellement sur trois projets concernant ce territoire : le prolongement du Réseau express métropolitain (REM), un « projet de transport collectif structurant » sur les boulevards Notre-Dame et de la Concorde ainsi qu’un service rapide par bus sur le boulevard Pie-IX entre Montréal et Laval. « Un tramway pourrait être une bonne idée pour des secteurs précis, mais il faut encore qu’on fasse toutes les études et analyses nécessaires avant d’en arriver là », affirme Stéphane Boyer, qui ne promet aucune infrastructure de ce type dans son programme électoral.
Relier Gatineau et Ottawa
Selon Gérard Beaudet, l’utilisation d’un tramway se justifierait « très bien » à Gatineau, qui souhaite justement en mettre un en service d’ici 2031. « C’est une ville tout en longueur. On pourrait relier facilement quelques noyaux denses avec un tramway », avance le professeur.
Après avoir étudié cinq scénarios, allant du réseau d’autobus rapides aux solutions hybrides, le choix de la Société de transport de l’Outaouais (STO) s’est effectivement porté sur cette solution. « À la vue de l’importante croissance de population prévue au cours des 20 à 30 prochaines années, le tramway répondra aux besoins de déplacements anticipés », assure Sandrine Poteau, directrice adjointe du Service de la planification et du développement stratégique à la STO.
Destiné à relier l’ouest de Gatineau aux centres-villes de Gatineau et d’Ottawa, le tracé de 24 km devrait passer par le chemin d’Aylmer, le boulevard du Plateau, le boulevard Alexandre-Taché et la rue Laurier. Toutefois, il reste encore plusieurs étapes à finaliser avant sa construction. « C’est un des projets de transport en commun les plus complexes du Canada, puisqu’il relie deux provinces, dont la capitale fédérale », précise Alain Tremblay, directeur du Bureau de projet du système de transport collectif structurant de la STO.
Plusieurs études doivent prochainement être effectuées pour analyser les répercussions environnementales du futur tramway, qui pourrait transporter jusqu’à 50 000 usagers par jour. Les différents ordres de gouvernement doivent aussi se prononcer sur son financement, évalué entre 3 et 4 milliards de dollars, auxquels s’ajouteront les taxes et les frais financiers selon le mode de réalisation choisi et le tracé final. « On a encore un bon quatre ans de peaufinage d’études, d’analyses et d’appels d’offres avant la première pelletée de terre », estime Alain Tremblay.