INDUSTRIE MINIÈRE. Intersectorialité, mutualisation des connaissances, communauté de pratique, innovation sociale : ce ne sont pas des concepts que l’on associe d’instinct au monde minier. C’est pourtant ce à quoi aspire entre autres la Zone d’innovation minière (ZIM) de Rouyn-Noranda, un des 30 projets déposés au ministère de l’Économie et de l’Innovation.
Depuis l’été dernier, trois îles flottantes végétalisées attirent le regard des curieux sur le lac Osisko, au cœur de Rouyn-Noranda. L’initiative est celle du Collectif Territoire, partie prenante du projet de ZIM, qui caresse l’ambitieux projet de réhabiliter cet écosystème.
L’iris versicolore, la spirée à larges feuilles et le myrique baumier ont démontré leur efficacité pour capter le phosphore et l’azote de plans d’eau d’Europe et du sud de la province. Cela est-il possible en milieu nordique, de surcroît dans un lac éprouvé par l’activité humaine, et surtout minière — située à un jet de pierre, la fonderie Horne a longtemps déversé les résidus du traitement du cuivre dans le lac Osisko ?
Concentration de talents
Au-delà de la restauration du lac Osisko, ce «laboratoire vivant sur l’intersectorialité» et la participation citoyenne ont surtout pour objectif de rassembler les «créatifs» (académiques, industriels, mais aussi artistiques, communautaires et citoyens) qui n’auraient pas nécessairement travaillés ensemble, fait valoir Patrick Martel, membre du Collectif Territoire et vice-président à l’innovation et aux solutions intégrées à Technosub, un équipementier spécialisé dans le dénoyage de mines.
«On a tous un peu honte de ce lac. Et ce n’est pas que l’industrie minière qui l’a impacté ; ce sont aussi nos activités — ne serait-ce que le sel de déglaçage et les plantes envahissantes, cite celui qui est aussi porte-parole du projet de ZIM. Si on règle ces problèmes-là, ça va donner de la fierté à tout le monde.»
Il ajoute que cette expérience «pourrait aussi être une vitrine incroyable pour la restauration d’écosystèmes impactés par l’industrie minière». La directrice générale de l’Association de l’exploration minière, Valérie Fillion, abonde dans le même sens : la mise en commun des idées maximise le potentiel de bonnes idées.
«L’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT), à Rouyn-Noranda, a une équipe qui travaille sur la restauration des sites miniers ; des projets avec de la tourbe, de la revégétalisation», rappelle-t-elle, faisant référence aux travaux de l’Institut de recherche en mines et environnement (IRME) UQAT-Polytechnique, aussi partie prenante de la ZIM.
La mine Agnico Eagle a également un procédé pour traiter l’eau avec des bactéries. « À chaque étape [d’un projet minier], on va se questionner sur des façons de faire plus efficaces, moins coûteuses, mais qui ont aussi moins d’impact », assure Valérie Fillion.
De la restauration diligente à la mine intelligente
Patrick Martel croit que le cégep de l’Abitibi-Témiscamingue, l’UQAT, l’IRME, mais aussi le Centre technologique des résidus industriels sont effectivement des partenaires de choix pour la ZIM. «Ils créent les standards environnementaux de l’avenir, toujours orientés vers un développement durable de plus en plus cohérent, constate-t-il. L’une des prémisses de la ZIM, c’est que la première mine entièrement autonome, on a le potentiel de la créer ici.»
D’ailleurs, la concrétisation de la Mission mine autonome (MMA) a pour échéancier 2030. Quatre ans plus tard, l’Institut national des mines estime qu’au moins 50 % des engins miniers de la province seront hybrides ou électriques. Et que les projets qui entreront en production dans les prochaines années — dont Odyssey, Horne 5 et Wasamac en Abitibi-Témiscamingue — sont les plus engagés dans ce processus.
«C’est déjà en marche ; d’autres pays le font, indique Valérie Fillion. Ça permet de faire de la production en continu, mais aussi de moins exposer les employés » à de potentiels problèmes en matière de santé et sécurité au travail.
«Une fois qu’on a créé une minière autonome, on peut en faire plein d’autres partout sur la planète », souligne Patrick Martel en relevant que le moment est venu de faire des choix en ce sens. « Les technologies existent, on est capables de développer des algorithmes, on a des gens qui sont capables de programmer des machines pour faire de l’apprentissage profond (deep learning), rappelle-t-il. Le défi, c’est souvent la perception, le biais cognitif. C’est ça qu’on veut régler avec MMA 2030.»