INDUSTRIE FUNÉRAIRE. Duplication du nombre de voitures funéraires sur la route, désinfection en profondeur de l’ensemble des équipements et locaux, réorganisation des équipes, espaces et protocoles de travail… La COVID-19 a bouleversé le quotidien de l’industrie funéraire.
« Entre le 28 avril et le 1er mai, au plus fort de la crise sanitaire, nous avons effectué près de 80 transports de personnes décédées du coronavirus dans la grande région de Montréal, où se situent plusieurs de nos établissements. Nous faisons habituellement entre 10 et 15 transports par jour », indique Claude Poirier, président du conseil d’administration de Magnus Poirier. De fait, la chaîne calcule avoir pris en charge un décès associé à la COVID-19 sur cinq au Québec.
À ce jour, ces mesures extraordinaires sont synonymes de coûts supplémentaires d’environ 200 000 $ pour l’entreprise familiale quasi centenaire. Un montant qui ne comprend pas les salaires des employés qui, pour répondre à la forte demande pour les services funéraires, ont multiplié les heures supplémentaires. « Cela représente facilement plus d’un demi-million de dollars en surcoûts divers », estime Claude Poirier.
Pour faire ses frais, Magnus Poirier a donc imposé une surcharge liée à la prise en charge des funérailles de personnes mortes de la COVID-19. Ainsi, la facture pour une crémation directe a gonflé de 895 $, passant de 1500 $ à environ 2400 $. Malgré la controverse suscitée par cette décision – des concurrents l’ont notamment accusée de « se graisser la patte » –, l’entreprise a maintenu le cap. « Nous avons été transparents. Le client est libre de ses choix », note le président.
L’industrie s’adapte
Dès le 16 mars, les services funéraires ont été considérés comme essentiels par le gouvernement du Québec. Pour continuer à opérer, l’industrie s’est néanmoins soumise à une série de lignes directrices émises par la Santé publique de la province, elles-mêmes calquées sur celles de l’Agence de la santé publique du Canada et de l’Association des services funéraires du Canada.
Face à ces contraintes inédites, plusieurs entreprises ont temporairement fermé leurs portes. C’est notamment le cas des coopératives membres de la Fédération des coopératives funéraires du Québec (FCFQ), qui ont cessé d’opérer dès la mi-mars, et ce, pour plusieurs semaines. « Nous avons pris cette décision au jour 1, de manière préventive. Nous ne voulions pas être à l’origine d’éclosions », explique Alain Leclerc, directeur général de la FCFQ, qui occupe environ 20 % des parts de marché provinciales.
D’autres ont au contraire maintenu leurs activités, en prenant soin de respecter les nouveaux protocoles sanitaires. La Corporation des thanatologues du Québec a d’ailleurs émis des directives pour les guider dans l’exposition de défunts en temps de pandémie. Le nombre maximal de visiteurs autorisés à assister à des obsèques a par exemple été limité à une dizaine dans les premiers temps. Encore aujourd’hui, les consignes établissent toujours la limite à 25 personnes.
Le domaine funéraire a en outre composé avec la pénurie généralisée d’équipements de protection individuelle, de même qu’avec la flambée des prix qui s’en est suivie. « Le gouvernement ne nous a pas reconnu comme un service médical, ce qui a nous a forcé à nous équiper au coût du marché, raconte Annie Saint-Pierre, directrice générale de la Corporation des thanatologues du Québec. Les salons ont donc déboursé jusqu’à cinq fois le prix normal pour des masques et des sacs mortuaires. »
Deuxième vague
La santé financière de l’industrie mortuaire demeure malgré tout assez bonne. Aucune des quelque 125 entreprises funéraires membres de la Corporation ne serait menacée de faillite, selon Annie Saint-Pierre. « Les entreprises se sont ajustées à la situation et la clientèle, très compréhensive, a suivi. Ceci étant dit, la pandémie n’a pas du tout été une manne pour l’industrie, bien au contraire », souligne-t-elle.
Sans compter que la pandémie semble loin de se terminer. L'équipe de Magnus Poirier s’attend à ce que certaines mesures de distanciation s’implantent durablement dans le paysage mortuaire. « Je ne pense pas que la proximité physique va revenir de sitôt. Ce sera un des derniers éléments à revenir à la normale », prédit Claude Poirier