INDUSTRIE FUNÉRAIRE. Des 19 coopératives funéraires réparties sur l’ensemble du territoire québécois, celle du Grand Montréal est celle qui a été la plus affectée par la COVID-19. Et pour cause : ses sept points de service sont tous situés autour de ce qui était au printemps l’épicentre canadien de la pandémie.
Au moment d’écrire ces lignes, à la fin juillet, 4108 des quelque 5700 décès liés à la COVID-19 sont survenus à Montréal et à Laval. De fait, environ trois victimes québécoises sur quatre résidaient dans la métropole. Le pourcentage grimpe à 90 % quand on prend en compte les régions limitrophes de la Montérégie, des Laurentides et de Lanaudière.
« Au plus fort de la pandémie, nous avons connu une augmentation des demandes pour nos services de l’ordre de 50 % par rapport à la même période en 2019 », affirme Caroline Cloutier, directrice des communications à la Coopérative funéraire du Grand Montréal. Une situation que confirme Alain Leclerc, directeur général de la Fédération des coopératives funéraires du Québec (FCFQ). « Le nombre de décès dus à la COVID-19 équivaut à un mois de mortalité “normale” au Québec. En ce sens, c’est comme si les entreprises funéraires de la région métropolitaine voyaient un treizième mois s’ajouter à leur calendrier », illustre-t-il.
Dès le 16 mars, l’ensemble des entreprises membres de la FCFQ ont néanmoins suspendu les cérémonies et les expositions jusqu’à nouvel ordre. Une décision qui n’a pas forcément été prise par l’ensemble de l’industrie. « Plusieurs entreprises funéraires ont maintenu leurs opérations tout en respectant les mesures sanitaires en place. Un deuil se reporte difficilement, vous savez », souligne Annie Saint-Pierre, directrice générale de la Corporation des thanatologues du Québec. Parallèlement, de nombreuses familles ont tout simplement décidé de reporter les funérailles de leurs proches décédés. « Nous avons reçu 200 demandes en ce sens », évalue Caroline Cloutier.
Calendrier bouleversé
À la Coopérative funéraire du Grand Montréal, la reprise graduelle des cérémonies funéraires dans un contexte sécuritaire s’est faite à la mi-juin, soit après trois mois d’interruption. Dans l’intervalle, un nombre considérable d’obsèques reportées se sont donc accumulées, et ce, malgré les alternatives proposées, comme les funérailles virtuelles. « Cet été, nous en étions encore à célébrer des décès survenus en mars et en avril. Certaines familles sont toujours réticentes à se rassembler pour tenir de telles célébrations », explique Caroline Cloutier.
Cette réticence pousse notamment les familles endeuillées à opter pour la crémation plutôt que l’inhumation, ce qui facilite le report de décisions entourant les cérémonies à plus tard, voire jusqu’à la fin de la pandémie. Un choix qui n’est toutefois pas sans conséquence pour les entreprises funéraires. « Concrètement, cela implique qu’on ne se déplace pas à l’église, qu’on ne loue pas de corbillards, qu’on n’achète pas de fleurs… Tout ça a un impact considérable sur les dépenses effectuées par funérailles », souligne Caroline Cloutier. La hausse du nombre de décès devrait néanmoins contribuer à contrebalancer les comptes, du moins en partie.
Malgré tout, le report massif des obsèques n’a pas occasionné de phénomène de goulot d’étranglement dans les salons funéraires durant l’été. Compréhensives, les familles ont célébré leurs proches décédés tous les jours de la semaine, voire en soirée. Une pratique qui était peu usuelle avant la pandémie. « Au Québec, les cérémonies se tiennent traditionnellement la fin de semaine, afin de permettre au plus grand nombre possible d’y assister », dit Alain Leclerc, de la FCFQ. « C’est la première fois de ma carrière que j’assiste à une telle chose. Ça contredit l’idée selon laquelle les Québécois sont très conservateurs dans la manière de mener leurs rites funéraires », affirme Caroline Cloutier.