GRANDS PRIX DU GÉNIE-CONSEIL. CATÉGORIE: GESTION DE PROJET — Pour réussir le chantier routier le plus complexe en Amérique du Nord actuellement, il fallait innover. En mettant la modélisation 3D au service du maintien de la mobilité sur l’échangeur Turcot, c’est ce qu’a fait la firme WSP. « À ma connaissance, c’est la première fois qu’on va aussi loin avec cet outil sur cet enjeu », explique Sylvie Gervais, ingénieure et directrice du maintien de la mobilité.
En effet, si les ingénieurs plongent souvent dans un univers en trois dimensions pour concevoir leurs ouvrages, cette fois, il fallait plutôt tester dans la réalité virtuelle toutes les étapes du chantier et s’assurer que, quand une bretelle serait fermée, les conducteurs auraient une alternative. Ce qui n’est pas une mince affaire, alors qu’il fallait commencer à construire le nouvel échangeur, sans jamais le fermer complètement à la circulation !
« C’était très complexe oui, à cause du grand débit de véhicules qui transigent chaque jour sur l’échangeur, soit près de 300 000, mais surtout à cause du manque d’espace », décrit l’ingénieure. En effet, si l’ancien échangeur circulait en hauteur, le nouveau sera plutôt au niveau du sol. « Parfois, les deux se juxtaposent et il faut presque construire sur l’empreinte de l’ancien ouvrage, tout en maintenant la circulation », illustre-t-elle.
L’équipe a donc recréé virtuellement l’ancien échangeur et les nouvelles constructions. Une façon de vérifier que tous les morceaux pouvaient s’emboîter, notamment en matière d’espace. « C’était comme un véritable casse-tête en trois dimensions. Dès qu’on enlevait un morceau, il fallait en ajouter un nouveau et s’assurer que tout se tenait, tout le temps », compare Sylvie Gervais. En travaillant avec cet outil, il a été possible de déterminer une séquence extrêmement précise des différents travaux, en prévoyant à chaque fermeture une voie de contournement. Ce faisant, la mobilité sur l’échangeur Turcot a été maintenue, jusqu’à sa fermeture complète, fin 2018. Pour ce faire, 35 ouvrages temporaires ont été construits, soit près de 12 km de voies.
De même, le travail a été découpé étape par étape, permettant de rentabiliser espace et… matériel ! « En développant une bonne séquence, on peut commencer à démanteler une portion pendant qu’on en construit une nouvelle. Et cela nous permet de réutiliser les matériaux », explique la spécialiste. Ainsi, pas moins de 90 % du béton des anciennes structures est concassé pour servir à nouveau.
Une planification solide, qui a servi de socle à la collaboration des différents intervenants sur le chantier, que ce soit le concepteur, le constructeur et le client, soit le ministère des Transports du Québec (MTQ). Un outil d’autant plus important que le chantier, qui devrait se terminer en 2020, est géré en conception-construction, c’est-à-dire que les deux étapes se mènent en parallèle. La communication entre les experts et les citoyens a également été maintenue.
« Ça devient la fondation d’un bon échéancier tout en permettant de répondre aux besoins de tout le monde, soit de maintenir la mobilité, de limiter les nuisances pour les riverains et de respecter le budget et l’horaire », ajoute Sylvie Gervais. Autant de façons de faire innovantes, couronnées dans la catégorie Transport aux Grands Prix du génie-conseil 2019, qui pourraient paver la voie à d’autres projets d’envergure, estime l’ingénieure.