Avec le Fonds de finance sociale, lancé lundi par la ministre fédérale de la Famille, des Enfants et du Développement social, Karina Gould, Ottawa espère soutenir divers organismes et initiatives dans la lutte aux inégalités sociales. Des 400 millions qui seront versés dans ce fonds au cours des cinq prochaines années, près de 90 millions le seront au Québec d’ici trois ans.
Au Québec, CAP Finance, un réseau d’organismes et d’institutions financières axé sur l’économie sociale et la finance solidaire, sera chargé de redistribuer cette somme de 89 808 426 $ auprès de divers intermédiaires, tels que des coopératives de crédit, fonds de prêts communautaires et fonds de capital-risque.
Ceux-ci soutiendront à leur tour diverses initiatives mises de l’avant par des organismes pour contribuer à la justice sociale, que ce soit pour améliorer l’accès à un logement abordable, combattre l’insécurité alimentaire ou la pauvreté, entre autres.
« La finance sociale rapporte à tout le monde, a fait valoir la ministre Gould dans une allocution lançant le Fonds. Elle génère un rendement financier et un impact social positif et mesurable pour les Canadiens. C’est pourquoi il est impératif de s’assurer de la croissance du marché de la finance sociale. Cela aidera les organismes communautaires à avoir un accès accru aux ressources qui leur permettront d’avoir un impact encore plus grand sur l’économie durable. »
L’organisme Afrique au féminin en est un bon exemple. Confronté à une éviction en pleine pandémie, le regroupement visant à soutenir les immigrantes africaines dans leur intégration en sol québécois a pu acquérir, l’été dernier, un immeuble de 1,2 million pour y établir son quartier général, assurant du même coup la pérennité de sa mission. Sans aide financière du Chantier de l’économie sociale, la réalisation d’un tel projet aurait été impossible, a raconté la directrice générale de l’organisme, Rose Ndjel.
Savoir-faire reconnu
« Les organisations communautaires et à vocation sociale jouent un rôle fondamental dans l’élimination des inégalités et dans le développement durable. Ces organisations sont prêtes à grandir, mais elles ont besoin de capital », a affirmé la ministre Gould, qui n’a pas manqué de souligner le savoir-faire québécois en économie et en finance sociales.
« Quand on parle de finance solidaire et responsable, on peut dire que CAP Finance évolue au sein d’un écosystème unique, a réitéré la ministre. C’est impressionnant de voir tant d’institutions financières différentes se complémenter et s’unir pour faire avancer la finance sociale. »
Selon Béatrice Alain, directrice générale du Chantier de l’économie sociale, la création du Fonds de finance sociale vient d’ailleurs cautionner le travail de son organisme, à travers une fiducie, et d’autres acteurs québécois. « On a une preuve de concept faite au Québec qui a inspiré les travaux qui mènent à l’annonce d’aujourd’hui », dit-elle.
Nathalie Villemure, présidente de CAP Finance et directrice générale du Réseau d’investissement social du Québec, rappelle pour sa part qu’il y a déjà plus de 25 ans que des initiatives en finance et en économie sociale existent au Québec. « Ce fonds confirme l’importance de la finance sociale pour construire une croissance économique basée sur l’équité et la prospérité partagée. En tenant compte des spécificités de l’écosystème québécois, nous sommes déterminés à inclure des intermédiaires de finance sociale et des investisseurs qui accordent une grande valeur à l’impact dans leurs actions, afin de développer cet écosystème », a-t-elle indiqué.
« On crée des outils financiers pour répondre aux besoins des communautés et ça, ça va nous aider à faire encore plus, se réjouit-elle en marge de l’annonce, lundi matin. Mais on n’aura pas suffisamment de fonds pour réaliser tous nos rêves. »
Quelques conditions
Grâce aux fonds publics, on espère attirer jusqu’à 200 millions d’investissements privés d’ici cinq ans pour augmenter le nombre de projets soutenus. Des organisations québécoises ont manifesté leur intérêt à contribuer au Fonds de finance sociale, notamment le Fonds de solidarité FTQ, la Caisse d’économie solidaire Desjardins et la Fondation Lucie et André Chagnon.
L’argent investi devra tenir compte de certaines conditions, à savoir qu’au moins 35 % des investissements devront soutenir des initiatives favorisant une plus grande équité sociale ; 15 % devront contribuer à encourager l’égalité des sexes.
Ailleurs au Canada, Boann Social Impact et Realize Capital Partners ont été retenus pour gérer les sommes provenant du Fonds avec le même objectif que CAP Finance. Ces organisations ont convenu d’adhérer au défi 50-30, qui consiste à retrouver au moins 50 % de femmes et 30 % de membres de la diversité au sein de leurs instances en gouvernance.
Annoncée à l’automne 2018, la mise en œuvre du Fonds a été retardée par la pandémie de COVID-19.
Cette dépêche a été rédigée avec l’aide financière de la Bourse de Meta et de La Presse Canadienne pour les nouvelles.