FINANCEMENT. Qu’il s’agisse d’une entreprise en démarrage ou d’un fleuron sur le point de prendre de l’expansion à l’international, d’un prêt de quelques dizaines de milliers de dollars ou d’une ronde de financement se chiffrant en millions, les stratégies à adopter pour obtenir le financement désiré peuvent être différentes. Voici ce qu’en pensent des experts de l’industrie.
Le PDG de Connect&Go, Dominic Gagnon, ne partage pas l’avis de ceux et celles qui considèrent que le financement des entreprises en démarrage (particulièrement dans le domaine technologique, son domaine de prédilection) s’est à ce point resserré que la situation est devenue « apocalyptique ». « C’est apocalyptique quand on se compare à ce qu’on a vécu dans les cinq ou sept dernières années. Mais quand on regarde les statistiques historiques du capital de risque, nous ne sommes pas très loin de ce qui s’est toujours produit dans le marché en termes d’évaluation d’entreprises », affirme cet entrepreneur en série, qui agit lui-même à titre d’investisseur.
Pendant la pandémie, de jeunes entrepreneurs sont parvenus à obtenir du financement pour une évaluation correspondant à 8, 10 ou même 13 fois les revenus récurrents de leur entreprise, en raison des taux d’intérêt extrêmement bas, dit-il. Une valeur correspondant à quatre ou cinq fois les revenus récurrents, comme ce qui est accolé ces jours-ci aux entreprises technologiques, est selon lui beaucoup plus raisonnable.
Il y a donc de l’argent disponible, insiste-t-il, mais pas de manière illimitée. Il conseille aux jeunes entreprises à la recherche de financement de se concentrer sur la qualité de leur proposition. « Il faut prouver aux investisseurs que l’entreprise répond à un vrai problème et que les gens sont prêts à payer pour le régler. Plus une entreprise peut en faire la démonstration, moins le financement sera difficile à obtenir », soutient-il.
Les dirigeants d’entreprises en affaires depuis seulement quelques années doivent selon lui se montrer patients, se financer si possible à même leurs ventes et envisager une profitabilité dans un horizon de deux ou trois ans au maximum. « On ne peut plus se permettre de brûler du capital pendant 8 ou 10 ans, à moins d’avoir un projet très particulier. »
Approche variable
L’analyse de chaque demande de financement peut varier selon le nombre d’années pendant lesquelles l’entreprise a été en affaires et le montant en jeu, explique Audrey Beauchemin, directrice des comptes majeurs à la Banque de développement du Canada (BDC). Dans le cas d’une jeune entreprise, elle regardera par exemple la valeur nette du fondateur, son dossier et ses habitudes de crédit, alors qu’une entreprise plus mature sera davantage évaluée en fonction de ses résultats passés et de ses projections. « Plus le montant du financement recherché est élevé, plus l’analyse financière de l’entreprise sera substantielle », résume-t-elle.
Dans le cas du financement d’équipement, le président de Versa Capital, Vincent Lacasse, observe lui aussi que les vérifications sont plus nombreuses lorsque le prêt réclamé concerne l’achat de machines valant plusieurs centaines de milliers de dollars. « Plus l’équipement est gros, plus il coûte cher, plus il y a de questions », dit-il.
Pour maximiser ses chances d’obtenir le financement désiré, une entreprise doit être en mesure de déposer un dossier étoffé, comprenant ses résultats des dernières années et des projections, par exemple concernant les ventes futures, indique Audrey Beauchemin. Attention toutefois aux comparaisons boiteuses, signale-t-elle. « Si l’entreprise se base sur ses ventes de 2022 [au moment où les coûts d’emprunt étaient encore très bas], je ne suis pas certaine que ce soit la meilleure hypothèse. »
Il faut aussi que les entrepreneurs soient prêts à faire face à des tests de solvabilité en cas d’augmentation des taux d’intérêt. « Nous ne sommes pas plus sévères, nuance Audrey Beauchemin. Ce n’est pas qu’avant, on regardait une hausse de taux de 2 points de pourcentage et que maintenant on regarde une hausse de 4 points. C’est simplement que ce test est plus regardé. Ça pèse plus dans la balance. »
Chez Investissement Québec (IQ), la vice-présidente exécutive, placements privés, Bicha Ngo, affirme que l’analyse des demandes de financement n’est pas nécessairement plus exhaustive. « C’est du cas par cas, dit-elle. Est-ce qu’on en demande plus aujourd’hui qu’on ne le faisait auparavant ? Non. Ça fait partie de notre travail d’évaluer les dossiers. »
Tout comme Audrey Beauchemin, Bicha Ngo constate cependant que face au contexte économique plus difficile, plusieurs banques cherchent à diversifier le risque en asseyant plusieurs partenaires autour d’une même table (comme IQ et la BDC) pour boucler un financement. Comme entrepreneur, il faut donc être prêt à cogner à différentes portes et à faire affaire avec plusieurs joueurs pour un même projet.