Les entreprises exportatrices du Québec ont été prises au dépourvu par la volte-face des États-Unis sur l'ALÉNA. En parallèle, d'autres accords se créent, ouvrant les portes à de nouveaux consommateurs qu'il faut apprendre à comprendre pour mieux les servir. Voici quelques stratégies pour mieux anticiper les évolutions d'accords internationaux.
La dernière année a été mouvementée en commerce international. Des accords de libre-échange se sont créés, se sont renégociés ou ont été menacés d'être déchirés. Mais il n'est pas toujours facile de prédire quels impacts ces accords auront.
Depuis l'entrée en vigueur, le 21 septembre dernier, de l'Accord économique commercial global (AECG) entre l'Union européenne et le Canada, les exportateurs canadiens ont un accès privilégié à un marché de 500 millions de clients potentiels. Le plus important avantage de cette entente est l'élimination progressive des droits de douane pour la majorité (98 %) des lignes tarifaires, alors qu'avant l'AECG, seulement le quart de ces lignes en étaient exemptes.
L'Accord de partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP), signé par le Canada le 8 mars au Chili, facilite quant à lui l'accès à près d'un demi-milliard de consommateurs dans dix pays (l'Australie, le Brunei, le Chili, le Japon, la Malaisie, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, le Pérou, Singapour et le Vietnam). Affaires mondiales Canada évalue que le PIB canadien devrait grimper de 4,2 milliards de dollars d'ici 2040, un gain supérieur aux 3,4 milliards de dollars évalués avant le retrait des États-Unis du Partenariat transpacifique (PTP). « C'est lorsqu'un nouvel accord se négocie que tout semble le plus clair, note Peter G. Hall, économiste en chef d'Exportation et développement Canada (EDC). Les entreprises peuvent se préparer pour une nouvelle occasion, ce qui génère beaucoup d'enthousiasme. »
Les impacts de la fin potentielle de l'ALÉNA
Ce qui est loin d'être le cas pour la renégociation de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA) qui, lui, sème plutôt la confusion. La plus grande préoccupation des exportateurs canadiens, c'est le sort de cet accord, observe l'économiste qui, chaque année, prend le pouls du terrain de plus de 5 000 acteurs du milieu des affaires. Il est difficile de prédire avec exactitude l'impact d'un ALÉNA déchiré. L'un des scénarios possibles serait de retourner à l'entente initiale entre le Canada et les États-Unis, conclue en 1987, avant l'entrée du Mexique. Sinon, les États-Unis devront respecter la clause de la nation la plus favorisée (NPF), qui assure une équité entre les quelque 140 membres de l'Organisation mondiale du commerce. La mort de l'ALÉNA pourrait alors entraîner une baisse de 1,2 % du PIB canadien, selon les estimations d'EDC. Cette chute, certes non négligeable, ne plongera pas le Canada dans une récession ni n'affectera certains secteurs, souligne M. Hall. D'autres vivront cependant des tourments économiques, notamment en raison de la hausse des droits de douane.
Une circulation quotidienne de 1 G$ en biens et services
En comparant les industries, selon l'augmentation moyenne de leurs tarifs, leur marge de profit et leur dépendance au marché américain, EDC évalue que l'automobile absorbera, à elle seule, la moitié des répercussions totales. Avec des tarifs passant de 0 % à 2,5 %, elle pourrait perdre quelque 10 milliards de dollars sur une période de cinq ans. Le secteur informatique et électronique viendrait en deuxième place, avec 16 % des parts des répercussions et une perte d'environ 3,5 G$ en cinq ans.
M. Hall demeure toutefois confiant, car les États-Unis n'ont pas intérêt à détruire l'ALÉNA, qui permet de faire circuler chaque jour 1 G$ en biens et services, sans compter les 2,8 millions d'emplois qu'il génère. Selon lui, « les guerres commerciales ont toujours plusieurs manches d'action-réaction, qui multiplient l'impact sur l'emploi et les prix. Et déchirer l'ALÉNA serait seulement la première... si c'était le cas, ça deviendrait le Far West ! »
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