ENTREPRENEURIAT AUTOCHTONE. Le tourisme semble un bon filon pour le développement économique des Premières Nations et des Inuit. Depuis les 10 dernières années, les sites touristiques autochtones ne cessent d’augmenter au Québec.
Avec l’ouverture de son Hôtel-Musée Premières Nations, en 2008, Wendake a été une pionnière en matière de lieu touristique d’envergure. Déjà durant les décennies 1970, 1980 et 1990, les visiteurs affluaient dans cette communauté wendate située près de Québec pour se procurer des produits artisanaux tels des mocassins et des raquettes. « Mais ce n’était que du tourisme de passage », se souvient l’instigateur du projet de l’hôtel-musée, Gabriel Savard.
Lorsqu’il est devenu directeur général du Conseil de la nation, en 2005, un projet de musée était dans l’air depuis 25 ans, mais n’avait jamais été réalisé. « J’ai proposé un lieu où le musée de la nation huronne serait en plus intégré à un hôtel qui serait, tant dans l’architecture que dans l’habitat, à l’image de la nation huronne », raconte-t-il.
Depuis, près d’une centaine d’autres sites touristiques autochtones ont vu le jour au Québec. « Au début des années 2000, il y avait presque 100 “expériences” de propriété autochtone. En 2010, on parlait de 154 entreprises, et aujourd’hui, on en dénombre 247. Ce sont des bonds de géants en très peu de temps », illustre le directeur général de Tourisme autochtone depuis 11 ans, Dave Laveau.
Une mission sociale
Quand il parle d’«entreprise» ou d’«expérience», Dave Laveau fait référence soit à des organismes à but non lucratif (OBNL), à des coopératives et plus marginalement à des entreprises privées. Dans bien des cas, les expériences touristiques autochtones sont initiées par les conseils de bande eux-mêmes. « On est beaucoup dans l’esprit communautaire, fait-il remarquer. Le tourisme n’est pas seulement un secteur économique, c’est une activité qui crée un sentiment d’appartenance. C’est un outil extraordinaire d’affirmation et de rapprochement. »
La première coopérative de solidarité touristique du territoire cri d’Eeyou Istchee illustre bien cette école de pensée. Wiinipaakw Tours, qui a vu le jour en 2018, offrira sous peu des excursions sur la côte de la Baie-James avec des capitaines cris. Lorsqu’elle génèrera des revenus, la coopérative sans but lucratif redistribuera ses revenus à ses membres travailleurs.
« La mission est de développer le tourisme côtier d’Eeyou Istchee authentiquement, selon les valeurs et la culture crie, explique Robin McGinley, directrice générale de l’Association crie de pourvoirie et de tourisme (COTA) et trésorière de la coopérative. Nous avons comme vision d’emmener les communautés cries à développer des relations d’affaires entre elles pour le meilleur bénéfice de tous. »
De nombreux défis
Selon les intervenants du milieu touristique, la pénurie de main-d’œuvre qualifiée est d’autant plus exacerbée dans les entreprises autochtones, et ce, depuis plusieurs années. L’Hôtel-Musée Premières Nations l’a par exemple vécu dès son ouverture. « Nous n’avions pas de tradition hôtelière ni de main-d’œuvre formée ou qui avait pris une expérience dans ce milieu, se souvient Gabriel Savard. La première génération de dirigeants a donc été largement non Huronne et non autochtone. » Aujourd’hui, le ratio d’employés autochtones de l’établissement oscille autour de 50 %.
Pour éviter un trop grand achalandage qui dépasserait la capacité des employés locaux et troublerait la quiétude des communautés, Wiinipaakw Tours a quant à elle choisi d’offrir des excursions uniques. « C’est cher, c’est haut de gamme ; l’idée est d’offrir des expériences plus petites, plus intimes indique Robin McGinley. C’est comme un resort, mais cri. On n’emmènera pas de grands groupes partout aller prendre des photos de nos enfants. »
Un avenir prometteur
En juillet dernier, le gouvernement fédéral a lancé le Fonds d’aide au tourisme et y a dédié 50 millions de dollars (M$) spécifiquement pour des projets touristiques autochtones. Presque au même moment, Destination Canada, la société d’État qui a pour but de stimuler le tourisme au pays, a annoncé un soutien de 2 M$ à l’Association touristique autochtone du Canada.
Le gouvernement du Québec investira de son côté plus de 516 000 $ pour soutenir l’implantation de l’Économusée Kapishakanassinitsheshiht qui mettra en valeur la création artisanale de mocassins en cuir perlé à Uashat. Ce projet est d’ailleurs mené par la femme d’affaires innue Josée Shushei Leblanc, qui exploite Envirolik (Atikuss), un commerce d’artisanat à Uashat.
« On n’avait pas vu ça avant. Les acteurs clés ne sont plus à convaincre sur la pertinence de notre secteur, se réjouit Dave Laveau. Nous nous démarquons comme destination, et ça sera d’autant plus vrai lorsque les frontières vont rouvrir. »