EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQUE. Des bâtiments, mais aussi des entreprises du secteur des transports, combinent plusieurs énergies afin d’avoir une gestion plus efficace que s’ils dépendaient d’une seule source.
C’est le cas de Techsol Marine. La PME de Québec a développé un système de moteur qui permet aux navires de consommer moins de carburant grâce à une « gestion intelligente » des énergies. « Anciennement, la structure des navires était purement diesel-mécanique ; ça implique d’énormes moteurs pour bouger les navires, et ils sont conçus pour les pires circonstances, explique Christian Nadeau, directeur de l’innovation, de la recherche et du développement. Aujourd’hui, nous orientons nos clients pour qu’ils choisissent une conception qui se dirige vers la propulsion électrique et qui peut fournir des énergies diverses. »
Cela peut inclure une génératrice au diesel classique, à laquelle des batteries sont ajoutées, ou des piles à combustible, un procédé toutefois encore très embryonnaire. Un système de propulsion complètement vert n’existe pas encore, admet-il, mais de plus en plus de stockage d’énergie est possible dans les navires, grâce aux batteries. Elles permettent de distribuer de l’énergie électrique lorsqu’elles sont rechargées.
Des logiciels sont également utilisés pour aider à gérer l’apport de chaque source d’énergie, ce qui permet de déterminer à quel moment laquelle est la plus efficace, et ainsi réduire l’utilisation de carburant et l’émission de gaz à effet de serre (GES).
Christian Nadeau donne l’exemple du traversier Joseph-Savard, affecté à la traverse l’Isle-aux-Coudres–Saint-Joseph-de-la-Rive, dans Charlevoix. Celui-ci sera modernisé au coût de 29 millions de dollars par Groupe Océan, qui a fait l’acquisition de Techsol Marine en 2019. Quand le navire accoste ou quitte la rive, un propulseur d’étrave est utilisé — il s’agit d’un moteur, généralement au diesel, qui lui permet de se déplacer latéralement. Celui-ci sera remplacé par un moteur électrique alimenté par un système de batteries. « C’est une très grosse charge. Habituellement, cela va demander qu’on démarre une génératrice juste pour ça, alors que l’opération dure seulement quelques minutes, explique-t-il. Le banc de batteries permettra d’opérer le propulseur 100 % à l’électricité. Les batteries sont ensuite rechargées graduellement pendant la traversée. »
En plus des gains environnementaux, ces technologies permettent de sauver de l’argent. Dans le cas d’un remorqueur portuaire, Christian Nadeau calcule que ce sont 110,8 tonnes de CO2 de moins qui sont émises par année et que 48 000 $ sont économisés annuellement pour un seul navire. Un défi de rentabilisation demeure toutefois, à cause de la durée de vie des batteries. « Après une certaine période, il faut changer un pourcentage des cellules », mentionne-t-il. La durée de vie dépend de l’utilisation, mais il précise que la plupart sont conçues pour durer de 10 à 12 ans.
Le soleil pour chauffer des bâtiments
D’autres arrivent à chauffer des bâtiments presque dans leur entièreté en utilisant une combinaison de systèmes. Aéronergie, un manufacturier basé à Drummondville, construit par exemple des capteurs solaires thermiques qui sont installés sur des bâtiments, principalement industriels. Un revêtement ajouté sur un édifice crée une chambre d’air que les rayons du soleil réchauffent. L’air en question est ensuite utilisé pour le chauffage. «Le capteur solaire va permettre de sauver entre 15 % et 25 % de la consommation énergétique du client», précise le président d’Aéronergie, Carl Binette.
D’autres mesures sont également implantées pour rendre la gestion encore plus efficace. Des contrôles centralisés, comme un système domotique, permettent par exemple de moduler la température selon l’occupation du bâtiment. À cela s’ajoute un système d’échangeur d’air qui permet de récupérer en moyenne 75 % de l’énergie habituellement évacuée dans l’atmosphère. « On va atteindre en moyenne 85 % de réduction de consommation grâce à ces trois mesures », calcule Carl Binette. D’autres sources d’énergie sont ensuite utilisées en complément, comme l’hydroélectricité, le propane ou le gaz. « Ça réduit les GES de façon considérable », note-t-il.
Une transition qui n’est pas sans risque
En matière d’énergie produite et utilisée, l’hydroélectricité règne en maître au Québec. Jean-Thomas Bernard, professeur auxiliaire au Département de science économique de l’Université d’Ottawa et spécialiste en énergie, pense toutefois que l’avenir n’est pas dans la construction de coûteux barrages hydroélectriques. La « nouvelle » électricité viendra probablement de l’éolien dans un avenir rapproché, croit-il. « La technologie est mature et la production se chiffre à 0,06 $ le kilowatt heure », expose-t-il. Il est cependant plus sceptique quand vient le temps de parler d’énergie solaire et de biomasse.
La volonté de réduire l’énergie fossile pour aller vers l’énergie renouvelable va accroître la part de l’électricité dans le bilan total d’énergie au Québec, poursuit-il, mais cela n’est pas sans risque. « Nous sommes en train de concentrer notre système énergétique ; il repose sur un seul réseau de transport intégré, celui d’Hydro-Québec. Nous allons devenir plus dépendants de ce réseau, et il n’est pas infaillible », analyse le spécialiste.
Sans vouloir défendre le pétrole, Jean-Thomas Bernard souligne qu’il s’agit d’une forme d’énergie « très polyvalente », qui se transporte et s’entrepose facilement, à moindre coût. Il estime qu’en le délaissant complètement, « nous allons perdre une assurance qui vient avec la diversité des sources d’approvisionnement ».