DROIT DES AFFAIRES. Une des fortes tendances en matière de relations de travail cette année est celle des cas liés à la santé mentale - absentéisme, congé de maladie, harcèlement psychologique, épuisement professionnel -, notent les experts. Un grand défi pour les organisations, qui se demandent comment intervenir.
Une chose est sûre, il importe d'agir. En 2016, 59,7 % des membres de l'Ordre des conseillers en ressources humaines agréés affirmaient que les coûts liés aux problèmes de santé mentale étaient en hausse au sein de leur organisation. Seulement 7,5 % d'entre eux évaluaient qu'ils étaient en baisse.
Aujourd'hui, la tendance semble se maintenir, estime Louis-Philippe Bourgeois, avocat associé au sein du cabinet Dunton Rainville, qui travaille principalement en droit du travail, droit administratif et droit municipal. Il est aussi conseiller en ressources humaines agréé. «On le voit de plus en plus dans presque toutes les entreprises : on compte plus de réclamations d'assurance invalidité ou encore de réclamations dans les programmes d'indemnisation des employeurs, pour des problèmes de santé mentale.»
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Selon lui, les problèmes de santé mentale sont de plus en plus fréquents. Étant également plus difficiles à traiter et à régler que les problèmes de santé physique, ceux-ci mènent souvent à des absences de plusieurs semaines ou plusieurs mois. C'est sans compter que l'entreprise doit souvent faire enquête et que la situation peut «faire du bruit» au sein de l'entreprise, devenir source de distraction pour les autres travailleurs et accaparer du temps, de l'énergie, ainsi que beaucoup de ressources financières.
Se doter d'une politique
Un employeur a depuis longtemps l'obligation légale de prendre des mesures afin de maintenir un climat de travail sain, mais aussi exempt de harcèlement - un comportement qui est souvent la cause ou la conséquence de problèmes de santé mentale -, souligne Me Bourgeois.
Ce qui est nouveau, en vertu des modifications à la Loi sur les normes du travail entrées en vigueur en 2018 et 2019, c'est l'obligation formelle pour un employeur de se doter d'une politique visant à contrer le harcèlement. Celle-ci doit également contenir des mesures d'intervention lorsqu'un problème de harcèlement est signalé.
«Pendant des années, ce genre de politique était relégué au bas de la liste des priorités dans l'entreprise», note Me Bourgeois. Cependant, avec le phénomène #MeToo, notamment, le mécanisme de plainte et de dénonciation devient plus important. «L'importance d'élaborer une politique est plus élevée qu'auparavant. Quand une histoire apparaît dans les journaux, il est trop tard.»
Il est donc dans l'intérêt des entreprises d'aller au-delà du simple respect de la lettre de la loi, c'est-à-dire non seulement de rédiger un document pour ensuite le tabletter, mais bien de mettre quelqu'un en charge de la bonne application de sa politique. Cette personne mettra cette mission au coeur de ses préoccupations, fera de la prévention ainsi que des interventions en cas de besoin.
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Une bonne politique devrait servir trois fins, explique Me Bourgeois. D'abord, elle devrait favoriser la prévention, parce que celle-ci permet de mieux reconnaître les personnes vulnérables et les situations sensibles afin d'agir avant que n'apparaisse un problème. «Ensuite, c'est un outil pour cerner les problèmes et, enfin, un instrument d'intervention pour déterminer si la plainte est recevable, puis pour appliquer les bons "remèdes".»
Agir plutôt qu'attendre
Les problèmes organisationnels liés à la santé mentale peuvent être difficiles à régler. Certaines entreprises ont donc tendance à fermer les yeux et à laisser passer. Une situation qui s'observe régulièrement, constate Nicolas Joubert, avocat associé et membre de l'équipe de droit du travail, de l'emploi et de l'immigration chez Lavery.
«C'est compréhensible, note-t-il. Les entreprises doivent s'occuper de leurs opérations et consacrer de l'énergie à leurs employés actifs. Néanmoins, lorsqu'une situation liée à la santé mentale apparaît, il faut malgré tout la gérer.» Une firme pourrait par exemple fermer les yeux sur un problème d'absentéisme, en raisonnant que ce sera soit l'assureur collectif ou la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail qui s'occupera du problème de l'employé.
«Ce qu'on remarque chez nos clients, c'est que lorsqu'un problème lié à la santé mentale se répète ou se poursuit, il y a souvent un autre problème concernant la politique elle-même ou encore son application», dit Me Joubert. Selon lui, la solution est de maintenir ses politiques à jour, et les appliquer.
Après tout, mieux vaut prévenir que plaider.