CONSTRUCTION. Former adéquatement les responsables de la sécurité sur les chantiers : c’est l’objectif des dernières dispositions de la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail (LMRSS), qui sont entrées en vigueur le 1er janvier 2024. Ces nouvelles obligations s’accompagnent d’efforts pour mieux former les travailleurs, révélant au passage un changement de culture au sein du secteur.
Il y a du monde désormais sur les chantiers pour s’assurer de la sécurité. S’ils occupent simultanément (à tout moment) dix travailleurs ou plus, ils doivent inclure depuis le 1er janvier 2023 un représentant en santé et sécurité à temps partiel (jusqu’à 99 travailleurs) ou à temps plein (plus de 100 travailleurs ou si le coût du chantier excède 12 millions de dollars). Ce responsable s’ajoute aux comités de chantier et aux coordonnateurs en santé et sécurité (appelés auparavant les agents de sécurité) qui étaient déjà obligatoires en fonction de la taille des chantiers.
« Chaque milieu est ainsi représenté en santé et sécurité », commente Me Claudia Desjardins Bélisle, associée et responsable du groupe de pratique Représentation au bureau de Montréal du cabinet Miller Thomson : les travailleurs par les représentants et les employeurs par les coordonnateurs. Depuis le 1er janvier 2024, « le dernier segment de la LMRSS est entré en vigueur pour s’assurer que la formation de l’ensemble de ces intervenants sur les chantiers est adéquate, conforme et égale dans tout le Québec », indique l’avocate.
Des formations obligatoires
Les formations durent une heure pour les membres des comités de chantiers, trois heures pour les représentants en santé et en sécurité à temps partiel, 40 heures pour les représentants à temps plein et 240 heures pour les coordonnateurs en santé et sécurité. « Seuls les agents de sécurité avaient l’obligation de se former auparavant », précise Me Claudia Desjardins Bélisle. Les nouvelles formations, en ligne ou en présentiel selon les cas, sont accompagnées d’une attestation obligatoire.
Elles n’engendrent pas de coûts supplémentaires pour les employeurs, en dehors du salaire qu’ils versent à leur employé pendant sa formation et sa mission, rassure l’avocate. La formation des nouveaux représentants en santé et sécurité est fournie gratuitement par la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) en partenariat avec l’Université TELUQ pour les représentants à temps partiel et avec les associations sectorielles pour les représentants à temps complet.
« Le législateur a voulu que tout le monde travaille dans le même sens pour que la santé et la sécurité soient mises en avant, que ce soit au niveau des travailleurs ou des employeurs », se réjouit l’avocate.
Un changement de culture
Trouver du personnel de chantier qualifié est devenu un défi depuis quelques années. « Depuis la pandémie, nous faisons face à une pénurie de main-d’œuvre majeure et 70 % de travailleurs intègrent notre industrie sans formation professionnelle. Il faut donc trouver une façon de les former », observe Guillaume Houle, Responsable des Affaires Publiques à l’Association de la Construction du Québec (ACQ). Il apprécie l’effort fait par le gouvernement depuis quelques années pour favoriser l’alternance travail-études et permettre certaines formations accélérées.
L’ACQ accompagne les entreprises du secteur, majoritairement de petite taille (81 % des entreprises en construction au Québec ont moins de 10 employés), pour qu’elles améliorent leur politique de ressources humaines en offrant des conseils en relations de travail et des formations RH. « Nous savons qu’il y a sur certains chantiers de construction une culture datant des années 1970 », observe celui qui souhaite une meilleure intégration des autochtones, des communautés migrantes et des femmes. Même si leur nombre a doublé en 15 ans, elles ne représentent que 13,3 % de la main-d’œuvre en construction au Québec.
Le responsable des affaires publiques salue d’ailleurs le projet de loi 42 du gouvernement, qui vise à responsabiliser davantage et outiller les employeurs en situation de harcèlement. « Nous aurions préféré une formation obligatoire pour les travailleurs et les entrepreneurs, mais nous sommes favorables au projet dans son esprit », dit-il. Selon un rapport établi par la Commission de la Construction du Québec (CCQ) en 2021, 2 % des travailleurs (et 3,8 % des femmes) ayant quitté le milieu de la construction l’ont fait à la suite d’expériences de discrimination. « La culture doit changer », souligne le responsable de l’ACQ qui développe actuellement des formations pour accompagner les entrepreneurs sur ces questions.