CONSTRUCTION. Au total, 16 000 personnes devront être embauchées chaque année d’ici 2027 dans le secteur de la construction, selon la Commission de la construction du Québec (CCQ). Pour attirer la relève, les entreprises doivent proposer un environnement de travail sain, moderne et flexible.
« Les jeunes Québécois ont de moins en moins d’intérêt pour les métiers manuels », observe Philippe Gauthier, président et fondateur du Groupe Buildup, une agence de recrutement spécialisée notamment dans l’immobilier et la construction. Les générations qui ont grandi au Québec depuis les années 1980 ont été encouragées par leurs parents à étudier à l’université, d’autant plus que celle-ci peut être presque gratuite.
Le secteur de la construction a donc moins de mal à embaucher des universitaires (des architectes ou des ingénieurs par exemple) que des travailleurs possédant un diplôme d’études postsecondaires ou des ouvriers sur les chantiers, constate Philippe Gauthier qui a ouvert une division consacrée au recrutement international pour pallier la pénurie de candidats locaux. « Mais nous sommes obligés de passer par les bassins de main-d’œuvre pour embaucher des travailleurs étrangers. Si je trouve par exemple un excellent menuisier mexicain ou français, il devra attendre l’ouverture du bassin », déplore-t-il.
Moderniser la gestion des employés
« Les salaires sur les chantiers étant régulés par la Commission de la Construction du Québec (CCQ), il faut trouver d’autres façons de se démarquer. En particulier la manière dont l’entreprise gère humainement ses employés », conseille Philippe Gauthier pour qui l’époque où les employés pouvaient être traités comme des numéros et dirigés de manière autoritaire est révolue. « Donner des ordres sans explication, c’est fini. Surtout avec les jeunes travailleurs qui n’hésiteront pas à partir, d’autant plus que dix autres employeurs les attendent », prévient-il.
Depuis que la main-d’œuvre manque, les candidats posent des questions aux recruteurs sur les types de projets qu’ils réalisent, leur marque employeur et leurs valeurs. « Y compris la main-d’œuvre de chantier, qui choisit son entreprise en fonction de ces critères, ce qui ne se voyait pas avant la pénurie », observe l’expert en recrutement. Les nouveaux candidats ont également tendance à donner la priorité à des chantiers proches de leur domicile, quitte à changer d’emploi, remarque-t-il.
Accompagner le développement
« Les jeunes travailleurs ont besoin d’un mentor qui va les amener à un autre niveau », recommande Philippe Gauthier. C’est l’une des stratégies adoptées par l’un de ses clients, l’entreprise Tisseur, qui a notamment construit la Gare Lucien L’allier, à Montréal. « Chaque personne de notre entreprise peut compter sur l’un de ses supérieurs pour l’accompagner dans sa progression et être à l’écoute de sa vision », indique Yannick Tisseur, président de l’entreprise établie à Sainte-Adèle.
« Nous avons connu une très forte croissance ces dernières années et nous avons constamment besoin d’embaucher du personnel, mais nous n’avons pas d’enjeux qui nous empêcheraient de croître ou de répondre à nos obligations », indique Yannick Tisseur, pour qui une culture saine d’entreprise passe avant tout par la collaboration. « Nous travaillons sur des projets d’envergure qui peuvent durer jusqu’à quatre ans. Mais nous favorisons les échanges entre équipes — d’entraide et de partage de savoir — grâce à des plateformes de communication partagées par tout le monde », explique-t-il.
Tisseur mise aussi sur l’écoute et l’agilité pour permettre une bonne conciliation du travail de ses employés avec leur vie personnelle. « Un passionné de sport, par exemple, peut partir quelques jours dans le cadre d’un séjour sportif avec des outils pour télétravailler. Il peut organiser ses horaires du moment que le travail est fait », explique le président qui organise aussi des activités de cohésion pour souder son entreprise.
Recherchée par les travailleurs, la souplesse vis-à-vis le télétravail n’est pas encore la norme dans le secteur, selon Philippe Gauthier. « Il n’y a pas beaucoup d’employeurs qui ont fait le pas, même dans les bureaux. déplore-t-il. Chez certains il faut encore lire les plans ensemble dans la salle de plans, ce qui est difficile derrière un ordinateur ! »