La BOUSSOLE BOURSIÈRE est une rubrique qui traite d’un événement marquant et de son effet sur le marché boursier en s’appuyant sur l’analyse d’experts. Cette analyse pourra être autant fondamentale que technique.
(Illustration: Camille Charbonneau)
Peu de gens prévoyaient, en janvier 2023, que l’indice boursier américain S&P 500 allait terminer l’année en hausse de plus de 26 % et que le Nasdaq grimperait de 54 %. Surtout qu’en mars, un premier choc lié à la hausse rapide des taux d’intérêt laissait craindre le pire, soit une crise bancaire à la suite de la faillite de la Silicon Valley Bank. Une intervention rapide de la Réserve fédérale (Fed) a alors sauvé les meubles et les investisseurs ont retrouvé le goût du risque, jusqu’à l’été.
Un recul de 15% du S&P 500 a suivi au troisième trimestre. Les mois de septembre et octobre furent alors très difficiles, mais ensuite, l’indice entreprit un furieux rallye et termina l’année tout près de son sommet historique atteint deux ans plus tôt.
L’indice canadien S&P/TSX a quant à lui réalisé un gain de 11,75 % pour l’année 2023. Mais à noter que là aussi, toute cette embellie est survenue dans les deux derniers mois. De même pour les obligations.
L’indice obligataire universel DEX, qui regroupe un éventail d’obligations canadiennes, a réalisé un rendement de 6,69 % pour l’année, tous les gains se réalisant également lors du dernier trimestre. La performance aura donc été bonne pour 2023, après une année très difficile en 2022.
Si l’on peut retenir quelque chose de la dernière année, c’est bien qu’il faut toujours demeurer investi, rappelle Daniel Chartier, gestionnaire de portefeuille à Valeurs mobilières Desjardins. «C’est le même discours depuis 30 ans», dit-il. L’année 2023 a été marquée par le travail des banquiers centraux. «La sévérité des mesures appliquées nous a valu 10 mois de marchés en dents de scie, mais cela semble avoir mis la table à un vent de dos dans tous les secteurs au cours des deux derniers mois de l’année», ajoute-t-il.
Que nous réserve la prochaine année?
Le gestionnaire n’en pense pas moins que, malgré cet enthousiasme de fin d’année, les investisseurs doivent demeurer aux aguets. Quel sera, finalement, l’effet des hausses de taux sur l’économie ? Récession ou atterrissage en douceur ? Les réponses à ces questions seront la clé en 2024.
En ce début d’année, la majorité des observateurs semble croire à un atterrissage en douceur. «Le marché s’est fait une tête quant à cette éventualité, ce qui est dangereux», explique toutefois Mathieu Lachance, cogestionnaire du fonds d’arbitrage Améthyste. Nous sommes en quelque sorte dans une période tampon, selon lui.
Les hausses de taux sont derrière nous et nous sommes dans l’attente de la première baisse qui survient en moyenne entre six et sept mois après la dernière hausse. Cette période est généralement propice à une hausse des marchés boursiers et à une baisse des taux obligataires. On en a eu un bel exemple à la fin de 2023. Pendant que les indices boursiers s’envolaient en novembre et décembre, le taux de rendement des obligations gouvernementales américaines (treasuries) à échéance de dix 10 ans est passé de 5,0 % à 3,9 %.
La suite pourrait toutefois être plus difficile. Mathieu Lachance rappelle qu’il a fallu à peine un an à la Fed pour relever le taux des fonds fédéraux de 0 % à 5 %. «Une hausse de taux aussi rapide ne peut que causer de gros dommages à l’économie», dit-il. Il faudra que les banques centrales baissent les taux rapidement pour éviter un ressac sérieux de l’économie, selon lui.
Oseront-elles le faire, peut-on se demander, sachant fort bien qu’elles pourraient par ces baisses raviver les pressions inflationnistes ? L’équilibre est fragile. Dans ces conditions il est difficile d’écarter le risque d’un atterrissage brutal de l’économie, prévient Mathieu Lachance.
Que montre l’image?
L’image que projette le graphique des fluctuations hebdomadaires de l’indice S&P 500 au cours de la dernière année est plutôt intéressante, note Monica Rizk, analyste technique senior pour les publications Phases & Cycles.
Elle en dégage plusieurs points positifs. Depuis son creux en octobre 2022, l’indice s’est maintenu à l’intérieur d’un corridor ascendant (lignes pointillées) dont il est tout près de la borne supérieure actuellement. Surtout, l’indice est confortablement installé au-dessus de sa moyenne mobile de 40 semaines (ligne grise), qui est le reflet de sa tendance à long terme.
Après la forte hausse des derniers mois de 2023, l’analyste ne sous-estime pas la probabilité que l’indice traverse une période de correction. Mais elle perçoit quelques niveaux de support qui pourraient éventuellement freiner la baisse. D’abord, à 4600 points, soit le sommet de l’été dernier dernier, et ensuite autour de 4400 points, où croise présentement la moyenne mobile de 40 semaines.
Dans l’éventualité où l’indice enfoncerait ces deux niveaux de support, il faudrait alors commencer à s’en inquiéter, souligne-t-elle. Surtout si, au même moment, apparaissaient des signes que l’atterrissage de l’économie pourrait être plus brutal que ce que la majorité des gens prévoit.