La BOUSSOLE BOURSIÈRE est une rubrique qui traite d’un événement marquant et de son effet sur le marché boursier en s’appuyant sur l’analyse d’experts. Cette analyse pourra être autant fondamentale que technique.
(Illustration: Camille Charbonneau)
Depuis deux ans, l’effet de l’inflation sur les résultats des entreprises dans certains secteurs d’activité, notamment celui de la distribution de produits alimentaires, a fait l’objet de nombreuses discussions. Des critiques souvent acerbes ont été dirigées à l’endroit des dirigeants des grandes chaînes d’épiciers, que l’on accusait d’abuser des consommateurs en leur refilant, parfois de façon exagérée, la hausse des prix.
Un coup d’oeil rapide sur les variations du titre de Loblaw (L, 123,17 $), de la période prépandémique à aujourd’hui, montre que les investisseurs ont bien compris l’effet de l’inflation sur les résultats de l’entreprise et ont fait passer le cours de l’action à un autre niveau.
De la mi-2019 à la mi-2021, le titre a été contenu à l’intérieur d’un corridor de fluctuations dont les bornes inférieures et supérieures étaient respectivement de 60 $et de 78 $(lignes pointillées sur le graphique). Durant la forte poussée inflationniste qui a sévi ensuite, le cours de l’action a doublé en valeur, pour s’installer dans un nouveau corridor de fluctuations qui se situe entre 114 $et 126 $, dans lequel le titre se négocie depuis un an.
Un autre très bon trimestre
Le 3 mai, les dirigeants de Loblaw divulguaient de très bons résultats pour le premier trimestre de 2023. Mais la réaction des investisseurs en a surpris plusieurs. Le cours de l’action, qui venait tout juste de toucher un nouveau sommet, à 128 $, a perdu plus de 5% durant les deux séances de négociations qui ont suivi l’annonce des résultats.
Pourtant, la société avait réalisé, durant le trimestre, un bénéfice par action de 1,55 $, ce qui était conforme aux attentes. Ce qui ne l’était pas, c’était la croissance des ventes de magasins comparables (ouverts depuis plus d’un an) pour la période, qui n’a été que de 3,1 %, alors que les analystes tablaient plutôt sur une hausse de 6 % à 7 %. Pour Peter Sklar, analyste à BMO Marchés des capitaux, c’est ce qui explique la froideur soudaine des investisseurs envers le titre. Cette croissance des ventes comparables apparaît en effet plutôt faible dans le contexte d’une inflation alimentaire toujours présente et alors que sa concurrente Metro (MRU, 77,49 $) affichait pour sa part une croissance des ventes comparables de 5,8 % pour la même période.
En conférence téléphonique après la divulgation des résultats, les dirigeants invoquaient quelques raisons pour expliquer la faible croissance des ventes comparables, dont le fait qu’au trimestre comparable en 2022, Loblaw avait eu des résultats relativement forts comparativement aux autres grands épiciers, ce qui rendait la comparaison cette année plus difficile. L’analyste de BMO craint toutefois que les investisseurs demeurent quelque peu sceptiques jusqu’à ce qu’ils voient les résultats du prochain trimestre.
Quant à l’inflation des prix des aliments, la direction de Loblaw dit croire qu’elle devrait persister plus longtemps que ce qu’elle avait d’abord estimé.
Des bénéfices à la hausse de 14 %
L’analyste Chris Li, de Valeurs mobilières Desjardins, estime également que les résultats du dernier trimestre constituent une fois de plus une solide performance. Le bénéfice de 1,55$par action constitue une croissance de 14% sur l’année précédente, l’inflation y étant bien sûr pour quelque chose.
L’analyste ne voit pas de changement notable dans les tendances des marchés, l’inflation demeurant élevée à court terme. Il constate que récemment, le titre de Loblaw a eu une performance en Bourse un peu plus faible que ceux d’Empire (EMP.A, 35,18 $), propriétaire de la chaîne IGA au Québec, et de Metro. Selon lui, cela s’explique par le fait que les attentes des investisseurs envers Loblaw sont toujours très élevées, ceux-ci ayant été habitués chaque trimestre à des résultats qui dépassaient les attentes et qui incitaient chaque fois les dirigeants à réviser à la hausse leurs prévisions.
Un titre toujours en bonne position
Rien dans l’analyse des indicateurs techniques ne montre pour l’instant que le titre est en difficulté, explique Monica Rizk, analyste technique senior aux publications Phases & Cycles. Selon elle, l’action ne devra néanmoins pas enfoncer ses niveaux de soutien que sont les moyennes mobiles de 50 jours (ligne noire) et de 200 jours (ligne grise), ainsi que la borne inférieure de son corridor de fluctuations de la dernière année, qui se situe à 108 $.
Fait intéressant, note Monica Rizk, le titre n’a pas corrigé aussi fortement que le font généralement les titres qui connaissent une forte poussée à la hausse en peu de temps, comme ce fut le cas de Loblaw, lorsque le cours de l’action est passé de 60 $ à 128 $. Elle précise qu’au lieu de redonner de 33% à 50% de ces gains, ce qui aurait été perçu comme une correction raisonnable dans ce cas-ci, le titre fait plutôt l’objet d’une correction horizontale qui a limité le repli et qui permet d’établir une base solide de laquelle il pourrait éventuellement amorcer une nouvelle poussée à la hausse.
Surtout si l’inflation persiste, bien sûr.