Étape 2 de la transformation numérique: investir.
Nul besoin de dépenser une fortune pour devenir graduellement un manufacturier 4.0 ou une entreprise qui amorce sa transformation numérique, car on peut y arriver à son rythme et selon son budget, disent des spécialistes.
Une usine est 4.0 lorsque ses machines communiquent entre elles et s'ajustent en temps réel à l'offre et à la demande. Cette usine doit utiliser, connecter et intégrer les nouvelles technologies, et ce, des senseurs aux robots en passant par l'intelligence artificielle (IA).
Une PME manufacturière ou une entreprise ne peut pas devenir 4.0 ou numériser l'ensemble de ses activités du jour au lendemain. C'est un processus long, parsemé d'essais et d'erreurs, s'inscrivant dans une réflexion stratégique.
Bref, avant de courir, il faut apprendre à marcher, selon Yannick Desmarais, président de Worximity Technology, une PME qui mesure et analyse en temps réel la productivité des entreprises, et François Gingras, directeur des équipements industriels et de la productivité au Centre de recherche industrielle du Québec (CRIQ).
Dans ce contexte, voici trois stratégies pour les entreprises qui veulent commencer à se transformer. Outre le secteur manufacturier, les solutions proposées par Yannick Desmarais s'appliquent aux secteurs du transport, des mines, de l'énergie, de la restauration et du commerce de détail, de la distribution et de l'agriculture, sans parler des services professionnels. En revanche, les solutions de François Gingras s'appliquent uniquement au secteur manufacturier.
1. Le budget modeste ou «Les premiers pas»
- De 20 000 $ à 100 000 $ (CRIQ)
- 0,5 % du chiffre d'affaires (Worximity)
«On peut faire deux projets assez rapidement avec ce budget, affirme Yannick Desmarais. Combinés, ils peuvent réduire les goulots d'étranglement et augmenter la cadence de production en moins de six mois.»
Une PME peut par exemple numériser toute la paperasserie liée au processus de production pour se débarrasser notamment des blocs-notes au profit de iPads. Elle peut aussi utiliser l'internet des objets pour connecter les équipements entre eux, ce qui permet de donner de l'information en temps réel.
François Gingras propose d'automatiser ou de robotiser des tâches critiques et répétitives. «Par exemple, une entreprise qui doit sécher ses matières premières peut installer des senseurs pour mesurer en continu le taux d'humidité et modifier le séchage en conséquence.»
Selon lui, le rendement sur l'investissement est «assez rapide», car cette entreprise peut réduire sa consommation d'énergie et diminuer les défauts de production.
2. Le budget adéquat ou «Je me démarque»
- De 100 000 $ à 1 M $ (CRIQ)
- De 0,5 % à 1,5 % du chiffre d'affaires (Worximity)
«À cette étape, il faut que l'entreprise modernise son progiciel de gestion intégré (ERP, en anglais) ou qu'elle en installe un», insiste Yannick Desmarais.
Ce système (il faut investir au moins 100 000 $ pour s'en procurer un) permet notamment de contrôler ce qui entre et ce qui sort de l'usine. L'entreprise peut ainsi faire des gains d'efficacité, réduire ses pertes et diminuer le coût des stocks.
Difficile d'établir la période de rendement de l'investissement, admet Yannick Desmarais. «Dans certains cas, 1 $ investi peut toutefois rapporter à terme 5 $ ou 6 $», dit-il. François Gingras affirme qu'il faut chercher à automatiser ou à robotiser des tâches courantes. «Il faut viser deux ou trois projets dans l'entreprise afin de transformer des processus complexes», insiste-t-il. Cela implique d'avoir un système ERP permettant d'avoir des systèmes interconnectés qui accumulent des données en temps réel et aident à la prise de décision. Une entreprise peut installer des robots pour emballer et mettre en caisse ses produits. Les robots peuvent aussi sélectionner les bonnes dimensions de boîtes, trier les produits, envoyer des alertes aux transporteurs ou imprimer automatiquement des étiquettes.
3. Le budget audacieux ou «Le leader»
- Plus de 1 M $ (CRIQ)
- De 1,5 % à 3 % du chiffre d'affaires (Worximity)
«Il faut chercher à avoir une synchronisation de tous les systèmes de l'entreprise», souligne Yannick Desmarais. Une organisation peut notamment faire de la maintenance préventive ou prévoir avec précision la demande saisonnière d'un produit.
«En matière de gains, on peut maximiser le prix de vente», dit-il. Bref, en suivant minutieusement la demande, l'entreprise s'assure de ne pas facturer un prix trop faible pour son produit quand la demande est très forte.
François Gingras affirme que cette étape amène l'entreprise à un autre échelon (on peut intégrer de l'IA), car il faut automatiser complètement la ligne de production, et ce, de la gestion des matières premières à la production en passant par le contrôle de la qualité.
«Il faut lancer plusieurs initiatives, qui peuvent s'étaler sur une période de trois à quatre ans», dit-il, en précisant toutefois qu'une entreprise est beaucoup plus efficace à terme.
Une fois intégrés, les systèmes de l'entreprise peuvent recevoir des commandes numériques, tout en planifiant les achats de matières premières chez les fournisseurs. Sa production s'ajuste ensuite automatiquement en temps réel pour livrer les bonnes quantités à l'intérieur des délais fixés pour les clients.