300 PME: SANTÉ MENTALE DES DIRIGEANTS. «Quand tu atteins tes limites, tu ne le réalises pas. » Une phrase qu’Emmanuel Renaud ne pensait pas un jour prononcer. À 38 ans, ce diplômé en comptabilité qui a fait ses armes comme contrôleur comptable et financier est directeur général chez Simard cuisine et salle de bain depuis presque sept ans. Un premier poste de direction qu’il a investi avec le plus grand des sérieux et le désir de faire une différence.
« On ne se le cachera pas, c’est mon premier vrai emploi dans un poste de direction, dit-il. Être dirigeant, c’est vite devenir un peu l’éponge des problèmes des gens autour de toi. »
Compréhension et empathie sont ses maîtres mots pour diriger une équipe de 100 employés et de 25 designers qui travaillent au sein de l’entreprise. La frénésie des rénovations chez les particuliers — que la pandémie a provoquée — a dopé l’activité de l’entreprise qui affiche un chiffre d’affaires annuel de 20 millions de dollars pour 800 à 900 installations par année.
Se dépasser en permanence
Pour Emmanuel Renaud, la nature même d’un dirigeant est d’être axé sur la performance et sur la forte volonté de faire tout le temps mieux. C’est pourquoi il a lui-même été poussé à se dépasser au-delà de ses limites, quitte à ne plus prêter attention aux signaux que son cerveau et son corps lui ont pourtant manifestés ; des signes indicibles au départ, puis progressivement incapacitants. « À la maison, j’étais un zombi, mais j’étais le seul à ne pas le voir. Au travail, c’est pareil, tu es juste en mode survie pour aider les autres. À un moment ou à un autre, c’est sûr que tu frappes un mur. »
Angoisse, palpitations, étourdissements, douleurs musculaires, autant de signes alarmants, autant de drapeaux rouges qui se manifestent. Début 2019, avant le début de la pandémie, Emmanuel Renaud ne peut plus ignorer ces troubles qui se font de plus en plus envahissants jusqu’au jour où il redoute la crise cardiaque. Une, puis deux visites à l’hôpital, et un jour, le verdict tombe : ce n’est pas le cœur le problème, mais l’angoisse et l’anxiété qui le dirigent.
À son mal-être s’ajoute la difficulté, voire l’impossibilité, à ses yeux, de pouvoir échanger sur ce sujet sensible. « Aux yeux des gens, tu es un privilégié avec un bon salaire, on n’a pas tendance à te prendre en pitié. Si tu dis que tu vis du stress au travail et que ce n’est pas facile, on va te répondre que tu es payé pour, alors arrange-toi. »
Le temps de l’acceptation
Accepter ses limites et reconnaître les signes avant-coureurs n’a pas été chose facile pour Emmanuel Renaud. « Cela m’a pris presque un an. »
Lui, qui se dit introspectif et analytique, a choisi de ne pas prendre les antidépresseurs préconisés, mais de plutôt mettre en place tous les moyens dont il dispose pour gérer son anxiété. Il renoue notamment avec son ancienne passion, le sport. Quotidiennement, à midi, ses bureaux étant proches d’une forêt, il s’offre un moment seul à marcher en plein air. Pas d’arrêt maladie non plus. Au plus fort de la pandémie, il préfère s’investir dans le travail plutôt que de rester isolé chez lui.
Les conseils d'Emmanuel Renaud
S’entourer d’une équipe avec laquelle il partage certaines de ses tâches. Un choix bénéfique aussi bien pour lui que pour l’entreprise, raconte-t-il, parce que être un bon dirigeant, c’est travailler en équipe et faire preuve de solidarité face aux problèmes qui se présentent.
Parler de sa santé mentale. « Ne pas avoir peur de nommer ces états. Tu vis de l’angoisse, du stress, parlons-en ! » Lui, dont la conjointe et mère de ses quatre enfants a été d’un soutien indéfectible, le sait bien. Preuve en est la porte de son bureau qui est toujours ouverte à ses employés qui souhaitent lui parler et se confier sur ces sujets.
Essayer d’avoir un bon équilibre de vie. « Se ménager du temps pour soi, faire du sport et de temps en temps ne pas se sentir coupable de rentrer plus tôt à la maison. Accepter que les deux heures de moins au bureau ne règlent pas tous les problèmes, mais que ce temps de repos va m’aider à passer à travers les prochaines semaines. »
Accepter le lâcher-prise aussi est devenu une priorité. « Il est important de garder la tête froide quand on est gestionnaire et de ne pas embarquer dans les émotions. Se dire qu’on a fait tout ce qui était en notre pouvoir et ne pas s’en faire. »
S’écouter ! « C’est lorsque l’adrénaline tombe que l’angoisse se pointe. Ton cerveau est en mode survie quand l’adrénaline est là alors que pendant tes moments de « break », il est disponible pour écouter ces signaux-là. »