L'initiative onusienne Engagement de Montréal sur le carbone, présentée à la fin de septembre dans la métropole et à laquelle ont souscrit plusieurs grands investisseurs institutionnels, montre que l'investissement responsable (IR) continue d'accroître sa portée. De nombreux investisseurs particuliers doutent malgré tout de l'efficacité des produits offerts dans ce créneau. Doit-on sacrifier le rendement sur l'autel de ses convictions ou fait-on un choix concurrentiel en souscrivant aux principes de l'IR ?
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«Le mythe du faible rendement est entretenu par l'industrie», affirme Brenda Plant, cofondatrice d'Ethiquette.ca, le premier site au Québec qui explique l'investissement responsable aux particuliers. Lancé à la fin de septembre, Ethiquette est un projet conjoint de Fabien Durif, de l'Observatoire ESG UQAM de la consommation responsable, et Brenda Plant, de la firme de conseil en développement durable Ellio. Les données dont Mme Plant dispose indiquent que les fonds dits responsables performent aussi bien que les fonds traditionnels.
Leurs études démontrent aussi que les Québécois ont de façon générale une perception positive de l'investissement responsable.
L'investisseur particulier qui opte pour cette forme d'investissement (qu'il soit libellé durable, vert ou éthique) «souhaite contribuer à promouvoir l'adoption par les entreprises de meilleures pratiques sur le plan social et environnemental», peut-on lire sur le site d'Ethiquette.
Deb Abbey, directrice générale de l'Association pour l'investissement responsable (AIR), confirme la persistance de cette croyance du faible rendement et cite en appui une étude menée par la société de fonds communs Placements NEI, en 2014. Celle-ci concluait que les investisseurs et leurs conseillers croient que les investissements responsables «affichent un rendement inférieur aux placements traditionnels, et ce, même si les faits démontrent le contraire».
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Son organisation produit des évaluations trimestrielles de la performance des fonds d'IR au Canada. Les résultats au deuxième trimestre de 2014 ont révélé que ces fonds ont surpassé la moyenne de l'industrie des fonds. Dans certains cas, notamment dans la catégorie des fonds d'actions canadiennes, la performance supérieure des fonds responsables était également constatée sur des périodes de cinq et dix ans. «Toutes les études réalisées ont démontré que les investissements responsables ont procuré un rendement au moins équivalent à celui des fonds traditionnels, et souvent meilleur», soutient-elle.
Selon des données tirées du site Morningstar.ca, deux des plus importants fonds d'investissement responsable avec 100 millions de dollars d'actifs et plus, soit le Fonds Desjardins Environnement et le Fonds d'actions canadiennes éthique NEI série A, ont réalisé des rendements relativement équivalents à l'indice S&P/TSX de la Bourse de Toronto. Le Fonds Desjardins a affiché des rendements de 6,82 %, 3,72 % et 7,34 % sur une période de 3, 5 et 10 ans respectivement, ce qui le place très légèrement sous l'indice phare de Toronto. Quant au Fonds d'actions canadiennes éthique NEI série A, ses rendements de 11,84 %, 9,30 % et 7,70 % sur la même période le placent au-dessus de l'indice de référence. Les deux fonds ont des frais de gestion respectifs de 2,43 % et 2,60 %.
Christian Charest, de la firme indépendante Morningstar Canada, reconnaît que le rendement des placements responsables est, de façon générale, semblable aux fonds traditionnels. «Ils ne sont ni moins bons ni meilleurs. Mais, comme les frais de gestion sont généralement plus élevés, ils tendent à performer légèrement sous la moyenne [des fonds]», précise-t-il.
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Popularité des fonds d'IR
La directrice générale de l'Association pour l'investissement responsable, Deb Abbey, s'apprête à rendre publiques d'ici quelques semaines de nouvelles données d'après des études menées en 2013. Sans vouloir dévoiler de chiffres précis, elle dit que sa firme a observé une «croissance significative de l'actif sous gestion depuis 2011» et «qu'il y a un fort développement dans ce segment de l'industrie». Dans son rapport annuel de 2012, l'AIR établissait à 600,9 milliards de dollars les investissements responsables au Canada, ce qui représentait 20 % des actifs sous gestion de l'industrie financière. Ce montant comprend les actifs de fonds de retraite, qui composaient 89 % de la totalité de l'actif sous gestion en IR.
D'après des résultats d'une autre étude de l'AIR menée en juin 2014, qui portait exclusivement sur la performance des fonds communs de placement, des fonds négociés en Bourse et des fonds en capital de risque, l'actif sous gestion en IR s'élevait à plus de 18 G$. Ce montant comprend toutefois le Fonds de solidarité de la FTQ, qui compte pour plus de la moitié de l'actif.
Les chiffres de l'AIR font quelque peu sourciller Christian Charest, de Morningstar Canada. «Nous n'avons pas vu de tendance particulière pour la demande de ces fonds ces dernières années». Selon lui, cette lecture différente est peut-être liée aux critères imprécis des études menées et à une différence d'interprétation de l'investissement responsable, étant donné qu'il n'existe pas de définition arrêtée. «L'actif sous gestion des fonds de placement responsable représente moins de 1 % de l'industrie des fonds communs au Canada, soit environ 10 G$. C'est donc une très faible portion du marché canadien.»
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Au Mouvement Desjardins, un chef de file en la matière qui a lancé son premier fonds d'IR il y a bientôt 25 ans, l'actif sous gestion en investissement responsable atteint aujourd'hui 1,6 G$. Cela représente 7 % de l'actif sous gestion en matière de produits d'épargne et de fonds communs de placement, mais touche plus de 16 % de la clientèle, explique Rosalie Vendette, conseillère principale en investissement socialement responsable au Mouvement Desjardins.
«Un nombre croissant de nos membres et de nos clients optent pour l'investissement responsable», fait-elle valoir. Elle reconnaît que faire la promotion de ces produits et démystifier cette forme d'investissement peut représenter un travail de longue haleine. «Il y a des appréhensions quant au rendement et des questions pour savoir à qui s'adresse ces produits.»
Aux investisseurs qui seraient étonnés de trouver des titres pétroliers dans des fonds d'investissement à vocation environnementale, tel le géant des sables bitumineux albertain Suncor (Tor., SU, 37,88 $), Mme Vendette mentionne que Desjardins met l'accent sur l'actionnariat engagé et le dialogue. «Le secteur énergétique représente 25 % de la Bourse [canadienne]. Notre approche est donc réaliste, mais elle s'inscrit aussi dans une démarche d'engagement pour le changement.
> 9,1 %: Selon une étude de l’Observatoire ESG UQAM de la consommation responsable menée en 2014, 9,1 % des gens sondés croient que l’investissement socialement responsable générera un rendement largement inférieur à celui d’un investissement traditionnel, tandis que 26,2 % des répondants croient qu’il produire un rendement légèrement inférieur.
> 600: Dans son rapport annuel de 2012, l’Association pour l’investissement responsable établissait à 600,9 G$ les investissements responsables au Canada, ce qui représentait 20 % des actifs sous gestion de l’industrie financière.
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