Je viens de terminer la lecture de l’excellent livre The Outsiders, mettant en vedette huit dirigeants à l’approche non orthodoxe qui ont procuré des rendements exceptionnels à leurs investisseurs. Une des caractéristiques que l’on retrouve chez ces champions de l’enrichissement des actionnaires, parmi lesquels figure Warren Buffett, est qu’ils peuvent attendre très longtemps les conditions gagnantes avant de passer à l'action. C’est un des éléments qui ressort de la lettre annuelle publiée par le président de Berkshire Hathaway(BRK.B, 203,50$US) samedi.
Dans sa toujours très attendue lettre aux actionnaires, celui que l’on surnomme l’Oracle d’Omaha a rappelé les qualités clés que lui et son partenaire Charlie Munger recherchent dans une cible potentielle: des avantages concurrentiels durables, des dirigeants de première classe, de bons rendements sur les actifs tangibles et des occasions de générer de la croissance interne à des taux attrayants et enfin, des prix d’achat raisonnables.
C’est à cet égard où le bât blesse.
«Ce dernier critère s’est avéré être un obstacle à pratiquement toutes les transactions potentielles en 2017, tandis que les prix demandés pour des entreprises décentes, mais loin d’être spectaculaires, ont atteint des sommets historiques», écrit M. Buffett. En fait, se plaint le milliardaire, le prix ne semble revêtir aucune importance pour une armée d’acheteurs aux lunettes roses.
Pourquoi une telle frénésie d’acquisitions?
De nombreux PDG, déjà motivés à faire des acquisitions, sont encouragés encore plus à passer à l’acte par les conseils d’administration et les analystes.
« C’est un peu comme de dire à un ado bourré d’hormones de ne pas oublier de penser à sa vie sexuelle, »
ironise M. Buffett.
Une fois la transaction conclue, ces dirigeants ne manqueront pas de s'appuyer sur toutes sortes de prévisions pour justifier le prix demandé. Les subordonnés célébreront les gros achats, tout comme les banquiers d’affaires. «Ne demandez pas à un barbier si vous avez besoin d’une coupe de cheveux», illustre l’homme d’affaires.
L’accès facile au crédit bon marché a contribué à alimenter la chasse aux acquisitions, poursuit M. Buffett.
Un contexte qui incite le sage homme d’affaires à faire preuve de la plus grande prudence. Sa hantise de l'endettement a peut-être miné la performance de son conglomérat au cours des dernières années, mais, comme il le souligne, «Charlie et moi dormons bien».
C’est ce qui explique pourquoi le trésor de guerre de Berkshire Hathaway continue de croître à vitesse grand V. À la fin de l’exercice, l’encaisse de Berkshire s’élevait à 116G$US, comparativement à 109,5G$US à la fin du troisième trimestre, comme je l’écrivais ici.
Inutile de dire que Bufffett n’est pas fier d’obtenir un rendement famélique sur cette montagne d’argent. «Notre sourire s’agrandira lorsque nous déploierons les liquidités excédentaires de Berkshire de manière plus productive», écrit M. Buffett.
Il faudra visiblement faire preuve de patience. Warren et Charlie, âgés de 87 et de 94 ans respectivement, ne sont pas à un jour près pour mettre leur coussin financier au travail.
La bonne nouvelle, c’est que le duo est maintenant appuyé par deux autres grands cerveaux pour assurer la gestion quotidienne du conglomérat. Ajit Jain supervise désormais toutes les activités d’assurances, tandis que Greg Abel dirige toutes les autres activités (transport ferroviaire, énergie, construction, etc.).
Charlie et Warren peuvent ainsi consacrer la majeure partie de leur temps à étudier des acquisitions potentielles et à l’allocation du capital. Voilà qui va certainement aider à dénicher le prochain coup de circuit de ces grands investisseurs.