La décision d'Æterna Zentaris (Tor., AEZ) de regrouper ses actions à raison de 100 pour 1 afin d'éviter une radiation de la Bourse Nasdaq est une autre manifestation du douloureux échec des biotechs qui afflige un grand nombre d'investisseurs individuels québécois.
À mon arrivée à Les Affaires en 2002, mes patrons m'avaient confié la mission de couvrir les sciences de la vie, alors en émergence. C'était l'âge d'or du secteur. Les Æterna, Theratechnologies (Tor., TH), DiagnoCure (Tor., CUR), Neurochem et Conjuchem de ce monde recueillaient d'importantes sommes auprès des investisseurs en leur faisant miroiter qu'elles avaient toutes le potentiel de devenir le prochain BioChem Pharma, le plus grand succès pharmaceutique de l'histoire du Québec.
Près de 15 ans plus tard, force est de constater que les grands espoirs se sont, pour l'écrasante majorité, évanouis. Il y a bien eu quelques dénouements positifs en cours de route, comme l'acquisition de Medicago par la japonaise Mitsubishi Tanabe Pharma et celle de l'équipementier médical CryoCath Technologies par Medtronic (NY, MDT).
Mais l'investisseur doit surtout se rappeler qu'il s'est détruit des centaines de millions de dollars de valeur au sein de ces entreprises depuis 2000. La majeure partie des biotechs ont cessé leurs activités, ont été rachetées pour une bouchée de pain ou, dans le cas de celles qui ont survécu, ne valent presque plus rien en Bourse. Les petits actionnaires de la première heure qui ont eu le malheur de conserver leurs titres d'Æterna, de Theratechnologies et de DiagnoCure, par exemple, ne reverront jamais la couleur de leur mise de départ.
Le cas d'Æterna a de quoi faire monter la moutarde au nez. Au cours de son histoire, la biopharmaceutique de Québec spécialisée dans les traitements en oncologie et en endocrinologie a cumulé les échecs de développement de produits supposément prometteurs, les émissions d'actions et un astronomique déficit de 261 millions de dollars américains.
Récemment, l'entreprise a essuyé une autre gifle des autorités américaines de la santé. La Food & Drug Admnistration (FDA) a en effet refusé sa soumission visant l'approbation du Macrilen, un traitement expérimental du déficit de l'hormone de croissance chez l'adulte. Cela devrait au mieux avoir pour conséquence de repousser la commercialisation du traitement de plusieurs années, selon Neil Maruoka, analyste de Canaccord Genuity.
Pour couronner le tout, la société fondée par les frères Dupont à Québec en 1990 a fermé ses bureaux dans la capitale, pour déménager en Caroline du Nord. Exit, donc, les derniers employés québécois encore en poste.
La renaissance de ProMetic et le prix élevé de l'espoir
Il reste néanmoins des lueurs d'espoir. La lavalloise ProMetic (Tor., PLI) est une des rares sociétés des sciences de la vie québécoises en Bourse qui possède encore le potentiel de connaître de grandes réussites commerciales.
La société biopharmaceutique dirigée par Pierre Laurin a affronté vents et marées, a failli couler, mais est remarquablement remontée à la surface depuis trois ans. Son action, qui a végété sous les 0,25 $ pendant quatre ans, a touché ces derniers jours un sommet historique de 3,03 $, propulsée notamment par les avancées de plusieurs de ses traitements, la signature d'ententes de développement et une bonne exécution de la direction.
C'est là tout le paradoxe avec les biotechs. Quand les investisseurs caressent l'espoir que l'entreprise connaîtra du succès sur le plan commercial, ils sont prêts à accorder à son titre une évaluation irrationnelle ou, du moins, qui reflète longtemps d'avance sa rentabilité future.
Mon ancien collègue spécialisé dans le secteur minier, François Riverin, disait à la blague que les entreprises actives dans les ressources n'avaient pas besoin d'être rentables pour obtenir une valeur élevée en Bourse : il suffisait de faire miroiter de grandes attentes. C'est ce qu'il appelait le ratio cours/espoir. Plus l'espoir est grand, plus le titre commande une évaluation élevée. C'est aussi vrai dans le cas des biotechs.
Bien qu'elle présente un bon potentiel et qu'elle dégage des revenus croissants, ProMetic a cumulé un déficit de 302 M$ à ce jour et ne devrait pas engranger de bénéfices avant encore deux ans. Cela, si son premier médicament, le plasminogène, est approuvé comme prévu fin 2016 ou début 2017. Et si la direction limite ses investissements dans sa gamme croissante de médicaments en développement.
ProMetic revendique aujourd'hui une valeur boursière (1,7 milliard de dollars) supérieure à celle de la vénérable Banque Laurentienne (Tor., LB) (1,5 G$) et aux valeurs réunies de Cascades (Tor., CAS) et de Groupe Canam (Tor., CAM).
Oui, le secteur des biotechs peut être fort payant, comme en témoigne le gain d'environ 530 % du sous-indice des biotechnologies du Nasdaq entre le creux de février 2009 et le sommet atteint en juillet dernier. Mais comme nous l'ont montré trop de biotechs du Québec, les probabilités de s'enrichir grâce aux titres du secteur sont minces. Gardez toujours à l'esprit que les ProMetic et autres biotechs prometteuses entrent dans la catégorie capital de risque de votre portefeuille. Qu'importent les espoirs.
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