Concentration exagérée dans les ressources, rendements décevants, transactions inappropriées... Au cours des derniers mois, j'ai reçu de nombreux courriels de lecteurs se plaignant des services de leur conseiller financier. Surpris ? Pas vraiment. Lorsque les Bourses baissent, l'insatisfaction monte. Ces remises en question surviennent toutefois à un bien mauvais moment pour les conseillers.
En plus de composer avec des marchés capricieux, ils devront s'adapter à de nouvelles règles de divulgation de rendement et seront forcés de détailler comme jamais leur rémunération et leurs frais, en dollars, plutôt que sous forme de pourcentages.
Le premier volet de ces changements réglementaires est déjà en vigueur, mais le véritable choc surviendra dans la prochaine année. À compter du 15 juillet prochain, les courtiers et négociants en valeurs mobilières devront fournir deux nouveaux rapports annuels en vertu de la phase 2 du Modèle de relation client-conseiller (MRCC 2).
Le premier rapport devra présenter la performance des placements selon diverses périodes (depuis l'ouverture du compte, sur 1 an, 3 ans, 5 ans et 10 ans). Le second document détaillera l'ensemble des coûts facturés par la société de courtage, soit les frais d'achat et de vente de valeurs mobilières comme les fonds communs, les frais de négociation, les frais administratifs des REER, les commissions de suivi, etc.
Étant donné que les firmes ont un an après l'entrée en vigueur de cette règle pour produire les rapports, la secousse ne se fera pas sentir en pleines vacances de la construction. La majorité de ces rapports seront réalisés à la fin de l'année et expédiés aux clients au début de 2017. C'est à ce moment que les conversations entre les clients et les conseillers risquent de se corser.
Sensibilité accrue aux frais
La réaction des investisseurs risque d'être étroitement liée à la performance des marchés.
Si la Bourse termine l'année comme elle l'a commencée, on peut s'attendre à des accrochages majeurs entre conseillers et épargnants. Imaginez la réaction de celui qui détient un portefeuille de 200 000 $ et dont le relevé de 2016 indique une perte de 10 %, soit de 20 000 $, et qu'il constate qu'il paie des frais totalisant 5 000 $ ! À l'inverse, les investisseurs se montreront plus dociles si l'année finit en lion.
Peu importe l'évolution des marchés, on peut s'attendre à ce que les investisseurs soient plus sensibles aux frais qui leur sont facturés par les gestionnaires de leurs placements, m'a dit Rudy Luukko, spécialiste des investissements et des finances personnelles chez Morningstar. Les médias grand public parleront davantage de cet enjeu lorsque la nouvelle norme entrera en vigueur, ce qui nourrira les discussions entre les conseillers et leurs clients.
Là où le bât blesse, c'est que l'investisseur n'a souvent aucune idée de ce qu'il verse réellement à la société de son conseiller pour la gestion de ses placements. Un sondage commandé l'année dernière par l'Institut des fonds d'investissement du Canada (IFIC)1 illustre bien la méconnaissance des investisseurs à l'égard des frais qu'ils payent. En 2015, 56 % des investisseurs se souvenaient d'avoir discuté des frais avec leur conseiller au moment de leur plus récent achat de fonds communs. Il s'agit d'un recul notable par rapport au résultat de 64 % enregistré en 2011, conclut le sondage. Une tendance semblable - quoique moins nette - a été observée en ce qui concerne la rémunération du conseiller et les ratios de frais de gestion des fonds.
La question qui tue
Cette nouvelle ère de transparence est une bonne nouvelle pour les investisseurs. Elle leur permettra de répondre à la question qui tue : mon conseiller m'en donne-t-il pour mon argent ?
Au-delà de la question des frais, la qualité du service et les rendements réalisés pèsent également lourd dans la balance. Si certains investisseurs diront adieu à leur conseiller parce qu'ils jugeront les tarifs «exagérés», davantage seront tentés de le faire si, en plus de la facture salée, le service rendu et les rendements obtenus sont de piètre qualité.
Les conseillers financiers payés à commission tendent à favoriser les fonds qui les rémunèrent davantage et à diriger les investisseurs vers des produits plus risqués, ont conclu des études publiées en 20152, 3.
Bien des conseillers sont également soumis à des quotas par leur employeur, une situation qui les transforme en machines à vendre, comme le déplorait l'un deux dans un magazine spécialisé4 en novembre dernier. Cela se fait au détriment de leur rôle premier, qui est de guider leurs clients afin qu'ils atteignent leurs objectifs financiers.
Les nouvelles règles de divulgation vont, espérons-le, inciter les conseillers concernés à prioriser l'intérêt de leurs clients avant les leurs. Ils devront en effet changer leur manière de faire s'ils veulent conserver leur clientèle, car la concurrence s'intensifie. Les robots-conseillers, ces services de gestion réalisés par des logiciels et axés sur les fonds négociés en Bourse (FNB), tels Portefeuille futé BMO, Wealthsimple et Nest Wealth, réduisent les coûts et séduiront certains épargnants, particulièrement les jeunes.
Pour nombre d'investisseurs, les conseillers ont un rôle clé, ne serait-ce que celui de les motiver à suivre une démarche pour atteindre leurs objectifs financiers et leur éviter d'agir sous le coup de l'émotion lorsque la Bourse est malmenée.
Compte tenu des changements majeurs qui entreront en vigueur, l'investisseur sera bien outillé pour faire passer «le test» à celui qui s'occupe de ses finances. Nul doute, tous les ingrédients sont réunis pour que la prochaine année soit le moment de vérité pour votre conseiller.
Sources :
1. «La perception des investisseurs canadiens quant aux fonds communs de placement et à l'industrie des fonds communs 2015», Institut des fonds d'investissement du Canada
2. Douglas Cumming, «A Dissection of Mutual Fund Fees, Flows and Performance», 22 octobre 2015, Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM)
3. «Mutual Funds Fee Research», printemps 2015, Brondesbury Group
4. Conseiller.ca, novembre 2015
Suivez Yannick Clérouin sur Twitter @Clerouin_Inc