Cela fait maintenant plus de trois ans que la Bourse québécoise affiche une performance supérieure à l'ensemble du marché canadien, et la vapeur ne devrait pas s'inverser de sitôt, compte tenu des sombres perspectives des ressources naturelles et de la prudence des investisseurs à l'égard des banques, les deux secteurs les plus pesants à la Bourse de Toronto.
Les investisseurs qui possèdent majoritairement des titres d'entreprises québécoises ont de quoi se réjouir : l'indice Morningstar Québec Banque Nationale, qui réunit les plus grandes sociétés de la province, affiche un différentiel de 6,4 % avec la Bourse de Toronto à ce jour en 2015 (le S&P/TSX a reculé de 5,2 % alors que l'indice québécois a gagné 1,2 %).
En plus d'acheter des titres individuels, il est possible d'investir dans les actions québécoises par l'intermédiaire du fonds négocié en Bourse (FNB) First Asset Morningstar National Bank Québec Index (Tor., QXM). Ce fonds reproduit la performance de l'indice québécois, une fois les frais de gestion annuels de 0,50 % soustraits. Gestion de placements Eterna propose aussi un fonds d'actions québécoises.
L'an dernier, la Bourse québécoise a obtenu le meilleur rendement parmi les principaux indices boursiers nord-américains. Elle a progressé de 20,7 %, par rapport à 7,4 % pour la Bourse de Toronto. L'année précédente, le Québec inc. s'était encore plus démarqué, affichant un gain de 29,8 %, comparativement à 9,5 % pour l'indice S&P/TSX. Et en 2012, l'indice québécois avait gagné 9,8 %, plus du double de celui de la Bourse de Toronto (+ 4 %).
Pierre Lussier, qui pilote le fonds d'actions québécoises d'Eterna, fait valoir que son fonds surpasse l'indice torontois depuis maintenant sept ans. Il se trouve dans le top 5 des fonds canadiens sur cinq ans, selon Morneau Shepell.
Une tendance favorable
En raison du ralentissement marqué de l'économie chinoise, la tendance devrait jouer en faveur du Québec boursier. Du moins, pour un certain temps encore. Le secteur des ressources, qui pèse pour 29 % de la Bourse de Toronto, devrait continuer d'être un boulet pour l'indice S&P/TSX. À cela s'ajoute le fait que le secteur financier, qui représente 35 % de l'indice canadien, est également délaissé par les investisseurs qui craignent une correction du marché immobilier dans les villes bouillonnantes de Toronto et de Vancouver, ou une augmentation des défauts de paiement dans les régions vivant des ressources, comme Calgary en Alberta. Les six grandes banques viennent de dévoiler des résultats plutôt enviables dans le contexte actuel, mais on sent une grande prudence chez les analystes à l'égard de leurs perspectives.
Plusieurs titres vedettes du Québec inc. ont brillé en Bourse ces dernières années grâce à une solide performance financière et à leur stratégie de croissance efficace. Il n'y a qu'à penser à Alimentation Couche-Tard (Tor., ATD.B), Dollarama (Tor., DOL), Metro (Tor., MRU), Vêtements de Sport Gildan (Tor., GIL), Saputo (Tor., SAP) et au Canadien National (Tor., CN).
Des entreprises dont la croissance est plus prévisible
Ces sociétés méritent pleinement la considération que leur accordent les investisseurs, car elles affichent une croissance à long terme et un rendement du capital parmi les meilleurs de leurs secteurs respectifs.
Mais il n'y a pas que la performance financière qui pèse dans la balance. Si les investisseurs, il y a quelques années, n'en avaient que pour les producteurs de matières premières et favorisaient les entreprises situées principalement dans les provinces riches en ressources (les investisseurs se ruaient sur des titres comme Canadian Western Bank plutôt que sur les banques régionales québécoises), aujourd'hui, ils les fuient comme la peste. Ils se réfugient plutôt dans les sociétés dont la rentabilité et la croissance sont plus prévisibles et peu dépendantes de l'évolution du prix des matières premières.
Dans ce contexte, les entreprises qui offrent des produits de consommation essentiels, par exemple, sont devenues les assises de bien des portefeuilles canadiens. Or, il se trouve que le Québec regorge de ces sociétés dont le modèle est jugé plus stable. Les titres de consommation représentent environ 40 % du FNB québécois de First Asset.
Les entreprises du Québec qui ont une stratégie de croissance bien établie, qui dépendent du marché américain, qui sont favorisées par un huard affaibli ou qui ont le potentiel de conjurer la faiblesse de l'économie du pays grâce aux acquisitions devraient donc être encore chouchoutées par les investisseurs pendant un certain temps.
La firme d'ingénierie montréalaise WSP Global (Tor., WSP) vient de le montrer en annonçant une acquisition d'envergure en Ontario la semaine dernière. Stella-Jones (Tor., SJ), Cogeco Câble (Tor., CCA), Groupe CGI (Tor., GIB.A), Quincaillerie Richelieu (Tor., RCH), Valeant (Tor., VRX) et GDI Services aux immeubles (Tor., GDI), aux côtés d'Alimentation Couche-Tard, de Dollarama et de Gildan, ont des munitions pour réaliser des acquisitions ou pallier la faiblesse de certains marchés où elles mènent leurs activités. Ce qui n'est pas le cas de la plupart des entreprises du secteur des ressources, qui sont encore à se demander jusqu'à quel point elles doivent réduire leur production et leurs effectifs afin de s'ajuster à une demande en chute libre.
Certes, le jour viendra où les investisseurs jugeront que le vent a tourné et que les titres des producteurs de matières premières ont été trop sévèrement punis. Un tel changement d'humeur ne devrait pas se produire à court terme.
La qualité, obstacle aux bas prix
Être un investisseur québécois a comporté de nombreux avantages ces dernières années, ne serait-ce que par la faible présence d'entreprises de ressources naturelles parmi les poids lourds boursiers de la province. Il y a cependant un inconvénient pour ceux qui regardent avant tout les occasions de placement dans leur propre jardin : le prix.
Malgré les récents soubresauts des Bourses mondiales, les aubaines ne courent pas les rues parmi les sociétés vedettes du Québec inc. Plusieurs titres québécois de qualité sont jugés bien évalués ou chers par les analystes. Un des meilleurs exemples est Dollarama. La chaîne de magasins de produits «bon marché» se négocie à 29,1 fois le bénéfice prévu l'an prochain, un multiple supérieur à sa moyenne historique et à son industrie. En comparaison, sa rivale américaine Dollar Tree (Nasdaq, DLTR) s'échange à 22,6 fois le bénéfice anticipé en 2016, quoiqu'elle affiche une croissance moins rapide de ses bénéfices. Soulignons que l'action de Dollarama se négociait jusqu'à tout récemment au-delà de la cible moyenne de 77,27 $ des analystes sondés par Bloomberg.
Certains titres, comme Groupe Jean Coutu (Tor., PJC.A) et Saputo (Tor., SAP), qui ont historiquement bénéficié d'une évaluation généreuse, sont tombés de leur piédestal ces derniers mois en raison de performances financières moins éclatantes et, dans le cas de la chaîne de pharmacies, de changements réglementaires défavorables. Pour l'investisseur à long terme, il reste à déterminer si ces défis ne sont que passagers. Ou s'il est prêt à payer plus cher pour des titres de qualité aux perspectives plus claires.
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J'amorce avec enthousiasme la rédaction d'une chronique hebdomadaire dans le cahier Investir. En plus de diriger le contenu au quotidien sur LesAffaires.com, je suis avec passion tout ce qui concerne la Bourse depuis 2000. En signant cette rubrique, je souhaite contribuer à vous informer, à vous divertir et à vous aider à prendre les meilleures décisions pour vous enrichir. N'hésitez pas à échanger des idées, à débattre ou à me poser des questions. Bonne rentrée !