CHRONIQUE. Quelle serait la meilleure décision d'investissement si l'épargne forcée du RRQ devenait facultative ? Pour un jeune travailleur autonome, la réponse est assez facile : cotiser à son REER serait plus intéressant que le RRQ.
Le régime des rentes du Québec (RRQ) exige une cotisation de 10,8 % du salaire (50 % payé par les employés et 50 % par l'employeur) pour chacune des années de travail à partir de 18 ans et jusqu'à la retraite.
Considérons un travailleur autonome qui n'aura pas de conjoint admissible et qui commence sa carrière à 25 ans pour la terminer à 65 ans. Pendant 40 ans il cotisera 10,8 % de son salaire pour obtenir une rente de 25 % de son salaire. Aucun régime de retraite à prestations déterminées n'offre si peu. Avec une cotisation similaire, les régimes de retraite comme le RREGOP ou celui des universités permettent de verser une rente de 40 % du salaire plutôt que de 25 %. Tous ces régimes payent en outre une rente basée sur le salaire des cinq meilleures années alors que pour le RRQ, c'est sur le salaire moyen des 40 ans travaillés.
Vous me direz que s'il n'utilise pas le RRQ, notre jeune travailleur n'aura quand même pas accès à un aussi bon régime de retraite. Voyons-y de plus près. Analysons d'abord le RRQ sous l'angle des rendements sur les cotisations accumulées. Le travailleur autonome de 25 ans qui gagnera un salaire de 55 900 $ en 2018 devra cotiser 5 659 $ (10,8 % multiplié par [55 900 $-3500 $]) au RRQ. J'ai simulé un scénario où l'inflation annuelle est à 1,5 % et où notre travailleur poursuit sa carrière jusqu'à 65 ans. Plus notre travailleur vivra longtemps, plus élevé sera le rendement obtenu sur le RRQ. Or, même s'il vit jusqu'à l'âge respectable de 90 ans son rendement sur ses cotisations RRQ ne sera qu'à 2,9 %. S'il s'éteint à 85 ans, il ne sera qu'à 2,4 %.
Pas besoin d'être Warren Buffett pour dégager de meilleurs rendements à long terme. Vous pouvez acheter des obligations du Québec de 30 ans qui offrent présentement un rendement de 3 %. C'est déjà mieux que le rendement sur le RRQ obtenu à l'âge de 90 ans.
En investissant systématiquement en obligations du Québec 30 ans dans son REER, notre jeune travailleur pourrait se verser la même rente que le RRQ, et ce, jusqu'à 91 ans. Certes, le RRQ offre l'avantage de poursuivre les rentes même après 91 ans si notre travailleur est encore vivant à cet âge. Si notre travailleur a un conjoint ou une conjointe admissible, cette personne pourra aussi recevoir une rente. Ce n'est pas rien. Je l'avoue. Mais peu de gens dépassent l'âge de 91 ans.
Considérons maintenant le scénario où notre travailleur quitte ce monde à 80 ans. Le RRQ versera une prestation de décès, un montant unique de 2 500 $ alors qu'avec le REER, il restera à notre travailleur un solde supérieur à 315 000 $. S'il décède à 75 ans, son REER serait à plus de 400 000 $, et ce, même après avoir fait 10 années de retraits. C'est toute une différence.
Postulons enfin que notre travailleur est plus audacieux et investit aussi en actions. Il pourrait alors viser un rendement moyen de 4 % pour son REER. Il aurait alors suffisamment de fonds pour se verser une rente jusqu'à plus de 100 ans. Même à 100 ans, ses économies ne seraient pas encore épuisées. En fait, avec un rendement de 4 % sur son REER, notre travailleur pourrait se verser une rente plus généreuse que celle du RRQ tout en anticipant céder un beau patrimoine en héritage en cas de décès.
Je souligne que ce ne sont pas les rendements de la Caisse de dépôt et de placement du Québec qui sont en cause dans les faibles rendements obtenus de 3 % à long terme. Cette situation résulte principalement de l'iniquité intergénérationnelle au sein du RRQ. En 2018, le régime fait payer davantage nos jeunes travailleurs pour soutenir un régime qui a subventionné les rentes des générations précédentes. Certes, je ne traite pas ici de l'avantage qu'offre le RRQ s'il y a un conjoint survivant. Toutefois, de nos jours, c'est de moins en moins avantageux puisque de moins en moins de conjoint sont sans revenu de travail et ne pourront pas bénéficier pleinement de la rente du survivant. N'oublions pas non plus l'héritage que laisse un rendement de 4 % et celui que pourrait laisser un rendement de 5 %.
Reconnaissons-le, les faibles taux d'intérêts de 2018 font qu'il est devenu plus difficile d'accumuler de l'épargne pour sa retraite. Les jeunes travailleurs ont aussi une espérance de vie qui dépassera celle des générations précédentes. Tout cela exige plus d'épargne pour la retraite. Ces facteurs, les jeunes doivent les assumer. C'est la réalité de 2018 et on ne peut pas critiquer les générations précédentes pour cela. Cependant, exiger d'eux qu'ils épargnent ou cotisent encore plus afin de renflouer les cotisations trop basses des générations précédentes est socialement malaisant.
On l'a vu, les jeunes auraient avantage à cotiser à un REER plutôt qu'au RRQ. S'ajoute le fait que la cotisation REER est pleinement déductible d'impôt. La cotisation RRQ est déductible au fédéral, mais n'est pas déductible de votre revenu dans la déclaration du Québec.
Le gouvernement a récemment annoncé que de nouvelles cotisations au RRQ seront graduellement mises en place de 2019 à 2025 afin de bonifier la rente. Petite consolation, ces bonifications ne souffrent pas d'iniquité intergénérationnelle.
Terminons avec une toute autre interrogation. Le RRQ offre depuis quelques années l'option de reporter le début de votre rente à 70 ans. Dans ce cas, vous n'encaissez rien de 65 à 69 ans afin de recevoir une rente bonifiée de 42 % à partir de 70 ans et pour le reste de votre vie. C'est comme un investissement. Est-ce rentable ? Encore une fois, tout dépend de votre espérance de vie. Votre rendement sera négatif si vous n'atteignez pas les 80 ans. Pour un rendement acceptable de 3 %, vous devez atteindre 82 ans. À 90 ans, vous atteindrez le rendement intéressant de 6,3 % grâce à cette décision. Ce qui est très bien pour une rente garantie à vie. Votre bonne santé pourra vous permettre de dégager un meilleur rendement au sein du RRQ.