BLOGUE INVITÉ. Après cinq semaines d’une campagne qui risque potentiellement de nous ramener à la case départ avec un autre gouvernement minoritaire libéral, nous voilà enfin presque rendus au fil d’arrivée.
D’innombrables promesses ont été faites par les chefs fédéraux depuis le 15 août dernier. Et alors que libéraux et conservateurs sont toujours au coude-à-coude à seulement quelques jours du vote, la question demeure à savoir qui, parmi les deux principaux meneurs de cette course, ferait le meilleur premier ministre pour l’économie canadienne?
Inflation et coût de la vie
L’une des priorités des électeurs canadiens, selon un récent sondage Léger, concerne l’augmentation du coût de la vie.
Et ils ont raison de s’en préoccuper; l’inflation galopante, qui a fait un bond de 4,1 % en août seulement — du jamais vu en 18 ans selon Statistique Canada — risque non seulement de réduire le pouvoir d’achat des consommateurs, mais elle représente un risque pour la stabilité de notre économie à plus long terme.
Le ménage canadien moyen devra débourser environ 700$ de plus cette année pour payer son épicerie — la plus importante hausse annuelle de l’histoire — et déjà, dans plusieurs villes du pays, les familles de la classe moyenne ne sont plus capables d’accéder à la propriété. Certains ménages prennent de trop grosses bouchées en contractant de nouvelles hypothèques, ce qui les rend particulièrement vulnérables dans un contexte où le ratio d’endettement des Canadiens reste très élevé, à 172%.
Alors que la menace d’une hausse des taux d’intérêt s’intensifiera si l’inflation ne cesse d’augmenter, serions-nous assis sur une bombe à retardement?
Du côté des libéraux, on propose d’aider financièrement les Canadiens à faire l’acquisition d’une résidence. Mais subventionner l’accès à la propriété à grands coups de fonds publics n’aidera en rien à freiner la hausse des prix des propriétés — c’est même plutôt l’inverse.
Erin O’Toole promet pour sa part de favoriser la concurrence dans le privé et de mettre un terme aux dépenses faramineuses engagées par le gouvernement libéral depuis le début de la pandémie, une injection massive d’argent public qu’il accuse d’être à la source de cette flambée des prix. Gare toutefois aux effets néfastes qu’un retrait trop rapide des mesures d’aide pourrait avoir sur la reprise économique. La transition devra impérativement se faire en douceur.
Aide aux entreprises et bureaucratie
Tant Justin Trudeau qu’Erin O’Toole misent sur des subventions salariales et sur l’immigration économique pour combler les besoins criants du marché de l’emploi.
Or, accueillir et intégrer de nouveaux arrivants prend du temps et, face à l’urgence de la situation, plusieurs entreprises canadiennes ne peuvent se permettre d’attendre aussi longtemps. Est-ce vraiment la solution à préconiser à court terme?
À ce chapitre, l’une des propositions les plus intéressantes est venue du Bloc québécois, qui suggère d’investir dans l’automatisation pour pallier le manque de travailleurs. Dommage, toutefois, qu’Yves-François Blanchet ne pourra jamais réaliser ses engagements en restant éternellement sur les banquettes de l’opposition.
Conscients qu’un grand nombre d’entrepreneurs croulent sous la paperasse administrative, les conservateurs s’engagent à créer un nouveau poste de «ministre responsable de la Réduction de la paperasserie» dont la mission sera de faire le ménage dans la multitude de formulaires que les entreprises canadiennes doivent remplir. Ils proposent également la mise en place d’une déclaration d’impôt unique administrée par le Québec, ce à quoi s’opposent les libéraux. Sur la question de la bureaucratie, Erin O’Toole a clairement une longueur d’avance sur Justin Trudeau.
Fiscalité et finances publiques
Pour financier leurs promesses, Justin Trudeau et Erin O’Toole entendent tous deux taxer davantage certains secteurs de l’économie: hausse de 3% de l’impôt des grandes banques et des compagnies d’assurances et instauration d’une nouvelle taxe sur les produits de luxe pour les libéraux, tandis que les conservateurs misent sur une taxe de 3% sur les revenus canadiens des fournisseurs de services numériques comme Amazon et Netflix.
Dans tous les cas, on peut s’attendre à ce que les grandes multinationales refilent la note aux petits consommateurs en augmentant les prix de leurs services pour combler leurs pertes.
Fidèles à leur habitude, les conservateurs proposent cette année encore une série de crédits d’impôt destinés à des clientèles parfois très ciblées. Le hic avec de telles mesures, c’est qu’elles ne sont pas automatiques; il faut en faire la demande pour en bénéficier. Or, ce sont souvent les familles qui en ont le plus besoin ne peuvent s’en prévaloir, soit parce qu’elles ne paient pas beaucoup d’impôt en raison de leurs faibles revenus, soit parce qu’elles n’en connaissent tout simplement pas l’existence. Ce genre de formule gagnerait certainement à être simplifié.
Sur le plan fiscal, Erin O’Toole a joué au père Noël en début de campagne avec une promesse des plus étonnantes: suspendre la TPS pendant un mois pour stimuler l’achat local en décembre 2021. Cette mesure, en plus de n’avoir qu’un effet limité à très court terme, ne sera pas d’une grande utilité en décembre, déjà l’un des mois les plus achalandés de l’année en termes de consommation.
Qui plus est, stimuler la consommation en plein temps des Fêtes ne fera qu’accentuer le phénomène d’inflation. Pourquoi ne pas plutôt baisser la taxe de vente d’un point de pourcentage pour toute l’année 2022 à la place, question d’étaler l’effet d’un tel stimulus sur une plus longue période?
En matière de gestion des finances publiques, aucun retour à l’équilibre budgétaire dans un horizon prévisible du côté des libéraux. En fait, de tous les partis fédéraux, seul le PCC s’engage à revenir à l’équilibre budgétaire dans un horizon de 10 ans. Pour la responsabilité envers les plus jeunes et les générations futures qui devront un jour rembourser la dette astronomique du fédéral, l’avantage va, là encore, à Erin O’Toole.
L’ultime élection de Justin Trudeau?
Rien n’est encore joué d’ici à lundi soir. Pour le PLC, tout dépendra de la force du vote bloquiste au Québec et de celle du NPD dans le reste du Canada. Le PPC de Maxime Bernier pourrait aussi jouer les trouble-fête pour les conservateurs, alors que ses appuis sont en hausse en Ontario et dans l’Ouest, où il risque de diviser le vote plus radical à droite.
Peu importe le résultat, ce scrutin pourrait bien s’avérer être le dernier de Justin Trudeau. En effet, il ne serait pas surprenant que des voix se lèvent, au lendemain de l’élection, pour remettre en question les choix stratégiques du chef libéral et de son entourage.
Pourquoi avoir pris un tel risque inutile en déclenchant des élections dont personne ne voulait en pleine pandémie?
Et surtout, Justin Trudeau est-il toujours le leader dont le PLC a besoin pour espérer pouvoir un jour reprendre une majorité de sièges à la Chambre des communes?
Au final, le plus grand défi que le premier ministre sortant a devant lui ne sera peut-être pas de sauver les meubles lundi soir, mais plutôt de survivre à la fronde qui pourrait provenir de ses propres rangs dans les jours qui suivront.