BLOGUE INVITÉ. Nouvelle session parlementaire, nouveau départ pour le gouvernement caquiste.
À moins d’un an des élections provinciales, François Legault a donné le ton devant l’Assemblée nationale avec un discours d’ouverture qui pave non seulement la voie pour la fin de son premier mandat, mais aussi pour le prochain, à condition bien sûr qu’il soit réélu.
Au menu: un peu pour tous les goûts, question de satisfaire tout le monde, de la santé à l’économie, en passant par la famille, la fierté nationale et même l’environnement.
Une autre réforme en santé?
L’un des chantiers majeurs auquel le gouvernement s’attaquera au cours des prochains mois concerne la réforme du système de santé, rendue nécessaire alors que la pandémie a permis de révéler au grand jour ses forces, mais aussi ses nombreuses faiblesses.
«Encore une réforme!», direz-vous sans doute. En fait, il s’agit plutôt ici de réparer les pots cassés de la réforme Barrette.
Avec cette refonte, le gouvernement Legault souhaite rapprocher les décisions du terrain et ainsi, permettre une plus grande flexibilité qui rendra à terme le système plus agile et plus apte à réagir rapidement face aux problèmes du réseau. Reste à voir comment ce nouveau modèle s’articulera concrètement et, surtout, s’il permettra d’améliorer les services tout en réduisant la pression sur le personnel soignant qui agit en première ligne.
Espérons sincèrement que cette fois-ci sera la bonne et qu’un grand ménage sera fait au bénéfice tant des usagers que des employés du système de santé.
Des milliers de travailleurs à dénicher
Mais au-delà de la révision des structures, encore faut-il qu’il y ait des travailleurs disponibles pour prendre soin des malades dans les hôpitaux.
À ce niveau, le gouvernement fait face à la même problématique qu’un grand nombre d’entreprises privées avec une pénurie de main-d’œuvre qui ne s’estompera pas de sitôt et une population de plus en plus vieillissante.
Pour s’y attaquer, le gouvernement Legault prévoit mettre en place une série de mesures qui, à terme, devrait permettre de ramener pas moins de 100 000 travailleurs qualifiés sur le marché du travail, et ce, sans avoir recours à l’immigration massive.
Le hic est que ces mesures seront principalement destinées à la construction, aux TI et à l’ingénierie. Or, une multitude d’autres industries sont aussi aux prises avec de nombreux postes à combler.
Pensons entre autres au secteur agroalimentaire ou à celui des détaillants en alimentation, où l’explosion des salaires met une pression à la hausse sur les prix des aliments au point où des familles peinent plus que jamais à boucler leur budget d’épicerie. Ces emplois, bien que moins payants que dans d’autres secteurs, ne sont pas moins essentiels au bon fonctionnement de notre société.
On ne peut que saluer la volonté d’augmenter la richesse des Québécois, mais il faut aussi reconnaître que l’obsession de ce gouvernement pour les «jobs payantes» a ses limites. Comme dans toutes choses, c’est d’abord et avant tout une question d’équilibre.
Oppositions affaiblies
Tandis que la CAQ semble voguer vers une réélection quasi assurée à l’automne 2022, le PLQ se cherche toujours, pris entre l’héritage de Jean Charest et la tentation d’effectuer un virage vers le centre gauche.
Il faut dire que l’élection de la CAQ, en 2018, a précipité la fin du clivage souverainiste/fédéraliste qui occultait le débat public depuis un demi-siècle. Privés de la menace indépendantiste, et s’étant fait dérober le titre de «parti de l’économie» par François Legault, les libéraux doivent maintenant se trouver un nouveau cheval de bataille s’ils veulent un jour avoir une chance de regagner le cœur des Québécois. Jusqu’ici, leurs tentatives se sont révélées plutôt infructueuses, du moins si on se fie aux plus récents sondages.
Alors, qu’est-ce qui définit le PLQ de 2021? Difficile à dire. La faiblesse du positionnement libéral était palpable en entendant Dominique Anglade réagir à la vision d’avenir présentée par le premier ministre, mardi. En gros, elle lui a principalement reproché d’avoir parlé de «manque» plutôt que de «pénurie» lorsqu’il était question de main-d’œuvre, et d’avoir abordé l’enjeu de l’environnement trop tard dans son discours. On se serait attendu à un peu plus de profondeur de la part de la cheffe de l’opposition officielle.
De son côté, le PQ ne sait plus où donner de la tête dans l’espoir de raviver son option indépendantiste moribonde, pendant que Québec solidaire continue de critiquer pour critiquer, incapable de reconnaître les bons coups de ce gouvernement, même quand celui-ci va jusqu’à renoncer à tout jamais à l’exploitation des hydrocarbures sur son territoire par souci environnemental.
Il faudrait peut-être rappeler à Gabriel Nadeau-Dubois que l’opposition peut aussi, à l’occasion, se montrer constructive. Cela dit, il demeure néanmoins le plus efficace des trois chefs de partis d’opposition au Salon bleu, ayant rapidement fait sa marque depuis qu’il a repris le flambeau de Manon Massé.
Reste que face à une opposition si déstructurée, la CAQ peut déjà se permettre de rêver d’une majorité renforcée dans un an.
La continuité dans le changement
François Legault s’est fait élire il y a trois ans en promettant du changement après 15 années de règne libéral. Le message qu’il a voulu envoyer mardi est clair: malgré la pandémie, son gouvernement maintient le cap sur le changement promis.
Changer les choses prend du temps. Et même si plusieurs chantiers ont déjà été entamés ou complétés depuis 2018, d’autres engagements phares de la CAQ restent encore à réaliser — pensons entre autres à la réforme du mode de scrutin. On peut donc s’attendre à ce que le premier ministre demande aux électeurs de lui confier un autre mandat fort pour compléter les transformations promises l’an prochain.
Les Québécois ont ainsi eu droit mardi à un avant-goût des principaux thèmes qui seront abordés lors de l’élection de 2022. Car qu’on le veuille ou non, avec ce discours inaugural, le Québec est officiellement entré en année préélectorale.