EXPERT INVITÉ. Les déclarations du ministre Fitzgibbon sur la réduction du parc automobile ont fait énormément réagir. Il disait que pour être cohérent avec nos objectifs climatiques, il faudrait réduire de moitié le nombre de véhicules au Québec. Pour beaucoup, cela paraît inimaginable, surtout hors de Montréal ou des grandes villes.
Qu’un ministre ait l’audace de faire une telle déclaration est certainement très rafraîchissant dans le monde politique. Trop souvent les politiciens ne cherchent qu’à plaire à l’électorat. Une perspective de «moins», surtout quand il s’agit d’auto ou de VUS, n’est pas ce que les conseillers en communication suggèrent pour attirer des électeurs.
Pourtant, en ce qui concerne les véhicules, «moins» peut en fait être synonyme de «plus». Pour ceux qui savent compter, et M. Fitzgibbon en est, cela est clair. Faisons donc une petite synthèse de pourquoi moins de véhicules au Québec, loin de punir les Québécois, serait bénéfique pour eux. Autant pour leur portefeuille que pour leur santé.
Bon pour le portefeuille
Les ménages québécois ont dépensé en moyenne 9 510$ en 2019 pour le transport privé — c’est-à-dire pour leurs véhicules (achat et utilisation). C’est autant que les dépenses alimentaires (9 847$ en 2019), comme si manger et posséder un véhicule étaient également importants.
Pourtant, les véhicules personnels restent stationnés environ 95% du temps. C’est donc dire que les ménages dépensent pour quelque chose qui leur est inutile près de 23h sur 24. Avec 4,9 millions de voitures de promenade en 2021 pour seulement 4 millions de ménages au Québec, cela fait 1,2 véhicule par ménage.
Si vous divisez les dépenses moyennes par le temps d’utilisation, vous allez trouver que l’usage des véhicules pour les ménages revient à 18$/heure. Comparez avec les tarifs de Communauto: c’est 12$ de l’heure ou moins.
En covoiturage, un trajet Montréal-Québec coûte 25-30$: soit autour de 10$ de l’heure.
Bon pour la santé
L’utilisation des voitures est non seulement très corrélée à l’obésité et à des maladies chroniques comme le diabète, mais la santé mentale aussi semble souffrir de l’usage de véhicules personnels. Les causes sont assez claires: assis dans une voiture, on ne fait pas d’exercice, et on est souvent seul.
Moins de contacts sociaux, moins d’exercice — c’est l’autoroute vers une détérioration de la santé.
D’un point de vue très égoïste, pour garder des sous dans leurs poches et améliorer leur santé, les Québécois devraient renoncer à leurs véhicules individuels.
Faisable partout, même hors de ville
L’argument habituel est que dans les régions du Québec, il est impossible de se passer de véhicules. Ce ne serait réalisable qu’en ville. S’il est vrai que la proximité aide grandement à éviter de dépendre d’un quatre-roues, il serait complètement faux de croire qu’il n’y a rien à faire en région.
Les technologies numériques et les applications de covoiturage rendent maintenant très abordables et conviviales le pairage entre les véhicules et les individus. Pas de voiture? Pas de problème: dégainez votre portable et un véhicule passant pas loin pourra vous emmener.
Évidemment, il faut des incitatifs et certaines précautions pour que cela se généralise — mais la technologie est prête dès maintenant: Netlift, CityGo et bien d’autres!
Certains disent même que le transport en commun est bon pour les villes, mais que ce n’est ni possible ni rentable en région.
Mais c’est exactement l’inverse!
C’est en Abitibi-Témiscamingue, Chaudière-Appalaches et Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine qu’on retrouve le plus d’autobus par 1 000 habitants, soit plus de 3. À Montréal, il y a moins de 2 autobus par 1 000 habitants! Le Bilan Routier de 2021 de la SAAQ ne peut pas être plus clair: la flotte d’autobus en circulation ne se trouve pas dans les villes, mais dans les régions.
Le problème, c’est que ce sont des autobus scolaires, et non des autobus au service de la population.
Pourquoi arrêter le transport en commun en secondaire 5? Pourquoi ne pas optimiser la flotte d’autobus existante pour se libérer d’une partie des voitures?
Avec les achats à distance et les livraisons qui sont de plus en plus populaires, c’est un autre argument de la voiture individuelle privée qui vole en éclat.
Réduire le nombre de véhicules n’a absolument pas besoin d’être un combat environnemental. C’est au contraire avant tout un enjeu de santé et d’économie. Les technologies nous permettent plus que jamais de nous en passer, et le transport en commun est déjà déployé dans les régions du Québec.
Ce n’est qu’une question d’organisation et d’optimisation.
Merci M. Fitzgibbon d’avoir fait avancer le débat!