EXPERT INVITÉ. Le dollar canadien ne cesse de reculer depuis quelques semaines. Il oscille ces jours-ci autour de 73 cents américains, atteignant ainsi des creux jamais vus en plus de deux ans, alors que notre devise valait 0,76$US il y a un mois et se négociait même à 0,80$US en juin dernier avant d’amorcer sa descente.
Mais le problème n’est pas tant la faiblesse du huard, que la force du dollar américain qui s’est grandement apprécié ces derniers temps. Et ce, par rapport également à l’ensemble des devises ailleurs dans le monde. Le dollar canadien se défend même plutôt bien en la matière, ayant enregistré une baisse de 8% par rapport au dollar américain, comparativement à un déclin de 15% de l’euro et jusqu’à 20% pour la Livre sterling et le yen japonais.
Or, il faut s’attendre à ce que le dollar canadien reste faible et oscille entre 0,70-0,72$US d’ici un an. Plusieurs facteurs continueront en effet à peser sur le dollar canadien et à favoriser la devise américaine au cours des prochains mois.
D’abord, parce que le dollar américain reste une valeur refuge et grimpe toujours en période de fort ralentissement économique. C’est ce qui explique sa force actuelle, et les inquiétudes qui continuent de s’amplifier sur l’économie mondiale ne feront rien pour renverser cette tendance dans les mois à venir.
Des exportations avantagées
De plus, la forte inflation qui sévit encore aux États-Unis amènera la Réserve fédérale américaine à hausser encore davantage son taux directeur, qui pourrait s’approcher des 5% en 2023. Au lendemain de l’annonce d’une nouvelle hausse des taux d’intérêt de trois quarts de point de pourcentage par la Fed à la fin septembre, pour se situer dans une fourchette de 3,00 à 3,25%, le dollar canadien avait ainsi connu une nouvelle baisse. Ces hausses de taux chez nos voisins du sud attirent donc les investisseurs et augmentent du même coup la valeur de la devise américaine.
Le huard, pour sa part, n’a pas pu profiter de l’avantage qu’il aurait autrement tiré également de la forte hausse des taux décrétée depuis le début de l’année par la Banque du Canada. Ni du fait que les prix des matières premières sont toujours relativement élevés, malgré de légères baisses enregistrées récemment.
Les prix élevés et la forte demande pour les produits de base canadiens, comme le pétrole, le gaz naturel, le bois et autres matières premières, qui représentent environ 40% des exportations canadiennes, auraient normalement dû hausser la valeur du dollar canadien par rapport à la devise américaine. Si cet effet a été contrecarré par la force du dollar américain, on peut néanmoins se consoler du fait que la situation aura au moins permis au huard de s’apprécier par rapport à d’autres devises, notamment l’euro.
Une telle faiblesse du dollar canadien par rapport à la devise américaine a aussi ses avantages. Un huard qui perd des plumes, on le sait, favorise généralement les exportations canadiennes vers les États-Unis où sont expédiées quelque 75% de nos marchandises. En revanche, nos importations coûtent aussi plus chères. Les entreprises manufacturières ont donc peut-être intérêt à se tourner vers l’Europe, notamment en Allemagne, pour profiter de la faiblesse de l’euro et y acheter de la machinerie et des équipements.