C’est vrai, les Jeux Olympiques coûtent cher. Très cher. Trop cher?
Vrai, les Jeux de Sotchi ont dépassé le cap des 50 milliards. Faramineux. pharaoniques, insensés, scandaleux: voilà les épithètes les plus couramment utilisés. Au moins la moitié de ces milliards ont été dépensés en pots-de-vin et concussions, soutient-on. Sans parler des gens déplacés, de l’environnement malmené, de l’esprit olympique galvaudé. Tout cela pour satisfaire, semble-t-il, l’ego du nouveau tsar et ses visées politiques.
Vrai, les Jeux Olympiques sont aujourd’hui une – trop? – grosse machine. De fois en fois, les coûts ne cessent de croître selon une courbe exponentielle. Les commanditaires occupent une importance disproportionnée, la poursuite des records à abattre est devenue une obsession, les athlètes font partie du star system. L’orgueil des états et des nations est en jeu: sortez les drapeaux! On est loin de la pensée de Pierre de Coubertin: «L’idéal est de participer.» Il faut gagner. Même au prix de la dope. Et de tous les contrôles pour la traquer.
Oui, c’est cher payé, surtout quand le site des Jeux est transformé en forteresse. Because la menace terroriste.
Et chez nous, qu’est-ce qu’ils nous ont coûté, les Jeux Olympiques!
Vrai, les Jeux Olympiques coûtent cher. Mais moins cher que la guerre, que les guerres, que la production et le trafic des armes qui nous enrichissent, nous les pays qui gagnons beaucoup de médailles olympiques. D’après l'ONU, le trafic d'armes est l'une des quatre activités illégales les plus lucratives sur la planète avec le trafic de drogues, celui des médicaments et la prostitution. Selon les dernières statistiques, le marché international du trafic d'armes est évalué à plus 1 500 milliards par an. La Russie arrive en tête des exportations d'armes, avec 31% du total, suivie par les États-Unis (30%), la France (9%), l'Allemagne (6%), le Royaume-Uni (4%) et l’Ukraine (2%). Le Canada, malgré sa modeste taille démographique, se classe tout de même au 9e rang.
Vrai, plus de 50 milliards (même étalé sur plusieurs années), c’est énorme. Moins cependant que l’industrie de la guerre.
Au moins, il y a le rêve olympique, le rêve des athlètes, de leurs parents et de leurs amis. Le rêve de ceux et celles qui assistent à leurs performances et exploits. Pour beaucoup, ces athlètes sont des adolescents et de jeunes adultes qui ont investi une grande partie de leurs vies à vouloir se dépasser. Car l’effort olympique, c’est d’abord de vouloir se dépasser soi-même avant de dépasser les autres. À moins de verser dans la triche, bien sûr...
Vous avez vu, ressenti, la joie totale de la famille des skieuses Dufour-Lapointe? Qu’a dit le père déjà? «On a conservé nos valeurs: le respect envers tout le monde, mais aussi le droit d’accomplir les choses à notre façon.» Les Jeux Olympiques – le spectacle d’ouverture des Jeux de Sotchi nous l’a rappelé avec éclat – sont une formidable vitrine culturelle. Qui n’a pas encore en tête les entrées en scène à Pékin, à Athènes, à Barcelone? Les pays hôtes se présentent alors au reste du monde. Et pour le reste du monde, c’est une occasion extraordinaire de les découvrir. Ils donnent au reste du monde, aux autres habitants de notre Terre si écorchée, l’envie de mieux les connaître, d’aller les découvrir sur place. Consultez les statistiques: après la tenue de Jeux Olympiques, le tourisme augmente dans les pays hôtes.
Je me souviens: en 1976, j’étais au Stade Olympique, au pied de la tour tronquée, infirme parmi les grues. Quand les athlètes y ont fait leur entrée, comme tout les gens autour de moi, je ne pensais plus à la tour et aux grues. Et les poils m’ont redressé sur la nuque quand un ami d’enfance, l’haltérophile Pierre St-Jean, a fait le serment olympique. Nous faisions tous et toutes ce serment avec lui.
Allez, une fois dans votre vie, visiter le Musée Olympique à Lausanne en Suisse, au bord du lac Léman. Le rêve olympique qui l’habite s’harmonise très bien avec la majesté des Alpes qui occupent l’horizon.
Les Jeux Olympiques, malgré tous leurs excès (qui ne sont d’aucune manière excusables), ne coûtent pas si cher après tout. Ils donnent de l’espoir à l’humanité. Ils ont fait avancer la cause des femmes, des noirs (pensez à Cassius Clay, à Jesse Owens en 1936 à Berlin au grand dam d’Hitler), des minorités sexuelles également. Oui, Sotchi aidera la cause des gays; en doutez-vous?
Les Jeux Olympiques donnent une autre dimension à l’humanité. Une autre échelle à la planète: les athlètes, les états et les nations sont concurrents et non ennemis. Les habitants de cette Terre prennent alors fortement conscience de partager une même condition humaine.
Oui, les Jeux Olympiques coûtent cher, très cher.
Mais ce rêve a-t-il vraiment un prix?