Bon, cette fois-ci, c’est l’aérogare de Mirabel qu’il faut détruire.
Le Stade olympique, ce n’est pas assez: cette aérogare est dépassée, désuète, inutilisable. Et elle coûte trop cher à entretenir: plus de 30 millions de dollars depuis 2004, année où l’aéroport mal aimé a cessé d’accueillir le transport passagers. Sans compter qu’elle ne répond plus aux normes actuelles de sécurité et que ses murs sont bourrés d’amiante. Donc, il faut démolir: «Il n’y a pas d’autre solution», a tranché James Cherry, le grand patron d’Aéroports Montréal. On croirait entendre, à 2000 ans de distance, Caton l’Ancien tonner au sénat de Rome: «Carthago delenda est!» Voilà l’ennemi: il faut le détruire.
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Selon James Cherry, plusieurs solutions ont été envisagées, tels un centre récréatif de grande envergure de style aquarium géant et un super rassemblement de factory outlets, pour nommer les exemples qu’il a mentionnés. Mais aucun promoteur n’aurait réussi à dénicher le financement et les appuis nécessaires. N’ayant pas trouvé preneur, Aéroports de Montréal a derechef lancé un appel d’offres pour la démolition. Puis, en septembre le C.A. dudit organisme donnera le feu vert.
Des questions subsistent tout de même. Peut-on avoir la liste et le détail des projets qui ont été envisagés? Combien de billets verts coûtera la démolition de cet édifice d’un million de pieds carrés inauguré en grande pompe par Pierre-Elliot Trudeau, alors premier ministre du Canada, le 4 octobre 1975? Que fera-t-on de la gare ferroviaire (conçue, soit dit en passant pour desservir un TGV) aménagée au sous-sol? À passer aussi au bulldozer?
D’où vient l’urgence d’agir cette année? Une épidémie de fièvre aphteuse? Une invasion de sauterelles? Une arrivée prochaine de martiens? Y aurait-il un projet secret dans les cartons d’Aéroports Montréal?
Un projet si secret qu’il ne faudrait même pas en informer la population et les maires des alentours? À qui profiterait cette démolition? À une ou des entreprises déjà sur le site? Si c’est le cas, pourquoi ne pas en parler?
Le maire de Mirabel, Jean Bouchard, soutient que ni lui ni les autres autres maires n’ont été vraiment consultés: «Nous leur demandons le temps de nous permettre de soumettre des propositions. Mais...» En entrevue aux médias, il citait un projet de foires aériennes pour lequel il y a aurait eu des contacts avec les autorités de l’aéroport du Bourget en banlieue de Paris, aéroport qui est déjà l’hôte d’événements similaires. «Mais, ajoute-il, on a eu guère d’écoute.»
L’idée n’est pas farfelue, loin de là. Elle est dans la lignée directe de la vocation première de l’aérogare. C’est à se demander si les dirigeants d’Aéroports de Montréal ont déjà ouvert un dictionnaire à la lettre «.i» pour consulter la définition du mot imagination. Mirabel n’est pas l’ancien Forum de Montréal qui a été jadis le temple des Glorieux, des joueurs de la Sainte Flanelle: un centre récréotouristique ou la venue d’outlets sont des «solutions» qui ont été rabâchées ad nauseam, passons – pensons – à autre chose.
Non l’idée d’en faire, sans jeter les murs à terre et mettre à nu l’amiante abhorrée, un centre de foires aériennes ou de meetings aériens n’est pas si farfelue. La superficie et le volume de l’aérogare sont énormes, de quoi abriter et héberger des avions de toutes catégories. Il y a des pistes d’atterrissage tout à côté. Et une concentration d’entreprises impliquées dans l’aéronautique qui pourraient en tirer une belle visibilité.
Il y aurait aussi d’autres partenaires. Je pense, par exemple, au Palais des congrès de Montréal. On parle en certains milieux de la nécessité de l’agrandir: tenir des événements de grande envergure à Mirabel s’inscrirait dans une complémentarité fonctionnelle. Montréal est le siège de l’OACI et de l’IATA, deux organismes qui confèrent à Montréal une autorité et une compétence certaines dans le domaine du transport aérien. Ce n’est pas rien. Alors, pourquoi pas? Avant de clamer que ça n’a pas de bons sens, pourquoi ne pas y regarder de plus près? Pourquoi?
À la voix du maire Bouchard s’est jointe celle de Denis Coderre, maire de Montréal mais aussi président de la Communauté métropolitaine de Montréal. Ensemble, ils demandent une rencontre avec le ministre fédéral Denis Lebel. Eh oui, le gouvernement d’Ottawa est toujours concerné par le dossier. N’oublions pas qu’Aéroports de Montréal est, par sa nature même et par son mandat, une entreprise publique de gestion. Elle a des comptes à rendre à la population et à ses élus.
MM. Bouchard et Coderre, lâchez pas!