EXPERT INVITÉ. Le plus important investissement privé de l’histoire du Québec. C’est ainsi que le gouvernement Legault a «marketé» l’annonce du mégaprojet du fabricant suédois de batteries, Northvolt.
En lisant les détails de l’entente, on découvre que le projet est finalement l’un des plus importants investissements publics de notre province rivalisant avec les 4 milliards (et des poussières) qu’a coûtés le nouveau pont Champlain et les 3,6 milliards de dollars (G$) pour la construction du CHUM.
Ayant comme plus important actionnaire Volkswagen, qui s’est vu offrir il y a quelques mois par le gouvernement fédéral 13 G$ pour son usine d’Ontario, Northvolt recevra à terme près de 5,6 G$ de subventions de toutes sortes, soit 80% de la facture totale avoisinant les 7 G$. Pas mal!
Attention, loin de moi l'idée de vouloir discréditer cette nouvelle. Je me réjouis sincèrement de cette annonce (si, tel que promis, retombées il y a) et souhaite ardemment voir le Québec devenir un leader, une plaque tournante de la filière batterie. Cependant, quand un animal miaule, ronronne, te marche sur la tête en pleine nuit et fait ses besoins dans une litière, ça s’appelle un chat, point final. La rhétorique étant clarifiée, plongeons maintenant dans le vif du sujet.
Mirage ou jackpot? La course effrénée que disputent les plus grandes puissances (plutôt celles ayant les poches les plus profondes) afin d’attirer les constructeurs de batteries est-elle vraiment justifiée? Après tout, il faut se poser la question. Au premier regard, elle semble logique. Les voitures électriques sont plus que jamais en demande, les constructeurs traditionnels optent tous pour ce virage vert, et les gouvernements du monde entier ne cessent d’adopter une panoplie de mesure afin d’inciter le consommateur de choisir un modèle électrique.
La batterie est donc au cœur même de cette révolution. De plus, le gouvernement Biden vient de rajouter de l’huile sur le feu en annonçant qu’à partir de 2029, seuls les véhicules équipés de batteries dont les composantes sont d’origines américaines ou de pays alliés seront admissibles aux différents crédits d’impôt totalisant allant jusqu’à 7500 dollars. Ce faisant, Joe Biden vise directement l’industrie chinoise des batteries qui, à ce jour, détient plus de la moitié (56%) du marché mondial suivi par la Corée (26%) et le Japon (10%).
Tout est donc parfaitement aligné afin que cet immense pari des gouvernements Trudeau et Legault rapporte gros. Cela étant dit, j’ose poser quelques questions ouvertes.
D’où viendront les employés?
On nous promet avec ce projet 3 000 emplois bien rémunérés. Avec une pénurie de main-d’œuvre qui ne cesse de s’aggraver depuis plusieurs années combinées au vieillissement de la population, j’ai bien peur que ce soient les PME de la région qui vont payer le prix. Avec l’équivalent de 1,9 million de dollars de subventions publiques par emploi, les petites et moyennes entreprises de La Vallée-du-Richelieu n’ont pas fini de chercher de nouveaux candidats pour combler ce risque plus que possible.
A-t-on les moyens de nos ambitions?
Stratégiquement positionné grâce à ses ressources naturelles, le Québec aurait pu rester «que» producteur de la matière première. Cependant, il aurait été dommage de ne pas sauter dans le train quand il passe, sachant que la véritable création de valeur est dans la transformation des minéraux, pas dans leur extraction. Cela étant dit, je me pose de sérieuses questions concernant le futur de l’industrie. Qu’allons-nous faire si la Chine, le Qatar, la Californie, l’Allemagne décide de tout miser sur cette filière et d’inonder le marché de dizaine, voire de centaine de milliards de subventions?
Bâtit-on réellement une richesse collective?
Selon le cabinet du ministre Fitzgibbon, il faudra environ vingt ans afin de rentabiliser le projet si, bien entendu, aucune nouvelle demande ne se fait. Connaissant bien la musique, il y aura assurément une prise deux dans une décennie afin d’agrandir, de rénover, de modifier, d’accélérer, de rester compétitif… Bien qu’il y aura des retombées directes évidentes pour la région, les employés ainsi que les différents sous-traitants, le Québec sera-t-il réellement plus riche collectivement avec cette nouvelle? J’ose espérer que oui.
Pour conclure, je comprends que pour avoir une chance de soulever la coupe, il faut accepter de jouer le jeu. Les demandes de subventions de toutes sortes sont une réalité du monde des affaires et le Québec n’est pas différent des autres économies qui se battent toutes afin d’attirer les industries et entreprises les plus prometteuses pour l’avenir. Je souhaite seulement que l’on ait appris de nos erreurs du passé et que les ententes négociées rendent le Québec réellement plus riche.